Le commandant de la mission de l’OTAN en Libye qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi, l’an dernier s’oppose avec véhémence à une frappe militaire sur l’Iran en ce moment, indépendamment du fait qu’elle serait menée par Israël ou les États-Unis.
Charles Bouchard, qui a pris sa retraite de la Royal Canadian Air Force il y a quatre mois, déclare dans une interview exclusive à Haaretz de dimanche qu’il ne croit pas qu’Israël prendrait une telle initiative illogique et irresponsable d’attaquer l’Iran sans un soutien international.
Et l’OTAN ne sera pas unanime à soutenir une campagne militaire contre l’Iran dans un proche avenir, dit-il, pas plus que le Conseil de sécurité de l’ONU.
En tant que personne familiarisée avec le commandement militaire supérieur israélien, en raison de son travail à l’OTAN, Charles Bouchard déclare qu’il est convaincu qu’Israël ne mettra pas en branle un processus qui pourrait mener au chaos dans toute la région, en lançant une attaque militaire contre les installations nucléaires iraniennes.
L’option militaire, dit-il, pourrait être un boomerang qui va finir par nuire à Israël et unifier le monde musulman tout entier contre lui.
Charles Bouchard, originaire de Québec, était vice-commandant de l’ex opération militaire conjointe américano-canadienne du NORAD. Il dit que le prix stratégique d’une guerre préventive contre l’Iran serait plusieurs fois plus élevé que le bénéfice tactique qui pourrait en être acquis.
La chance d’un taux de réussite de 100 pour cent dans une opération militaire est infiniment réduite, dit Charles Bouchard, ajoutant qu’Israël n’aura pas une deuxième chance et que ce ne sera pas une guerre éclair comme la guerre des Six-Jours.
Il ajoute que, bien que tous les pays aient évidemment le droit de se défendre, Israël doit prendre en compte le fait que le jihad mondial exploiterait un assaut militaire israélien et l’utiliserait pour inciter à la violence contre l’Occident. Il dit que l’on peut s’attendre à ce que les fondamentalistes islamiques dépeignent une attaque comme un complot judéo-chrétien contre l’Islam.
Charles Bouchard appelle le vainqueur des prochaines élections présidentielles américaines à se tourner vers une diplomatie révolutionnaire historique comme par exemple l’ont fait, Richard Nixon en 1972 en se rendant en Chine et Anouar el-Sadate en 1977 en se rendant à Jérusalem. La solution n’est pas un jeu à somme nulle, dit Charles Bouchard, mais un compromis dans lequel chaque camp doit concéder quelque chose.
La Russie détient la clé pour assurer un soutien international à l’Iran, dit-il, ajoutant que c’est une chance pour le président russe Vladimir Poutine d’agir en tant que leader en empêchant une réédition de la Guerre froide. La situation dans le monde entier, et au Moyen-Orient en particulier, doit d’abord s’apaiser, dit Charles Bouchard, avertissant qu’Israël ne doit pas s’entraîner dans des actions hâtives et prématurées.
La violence en Syrie est totalement différente de celle en Libye quand Charles Bouchard dirigeait l’opération Odyssey Dawn, dit-il, ajoutant qu’elle ressemble davantage à la situation en Irak et en Afghanistan, en ce qu’elle exigerait une intervention internationale à long terme.
En outre, Mouammar Kadhafi a été soutenu par des dirigeants mis à l’écart comme Hugo Chavez et Robert Mugabe, et contré par d’autres pays africains ainsi que la Ligue arabe et le Qatar, qui a envoyé des avions pour aider à le renverser.
En revanche, la Syrie a de fervents partisans comme l’Iran, la Russie et la Chine, ainsi que des groupes terroristes comme le Hezbollah et le Hamas.
La question, dit Charles Bouchard, est de savoir si c’est possible de vaincre le président syrien Bachar al-Assad et si oui, à quel coût ? Et combien de temps cela va prendre ?
En outre, l’opposition libyenne était préparée à prendre le pouvoir, alors que retirer Bachar al-Assad du pouvoir à ce point est susceptible d’entraîner le chaos, dit-il. Si Bachar al-Assad devient désespéré, il est possible qu’il attaque Israël, sur l’hypothèse que, s’il chute, il peut aussi bien entrainer les Israéliens avec lui, averti Charles Bouchard.
Le commandant à la retraite déclare que l’OTAN a réussi en Libye parce qu’elle n’a pas envoyé de forces terrestres, mais la géographie et l’instabilité politique de la Syrie signifie que la bataille dans ce pays ne peut pas être combattue uniquement par voie aérienne. En outre, averti-t-il, des frappes aériennes sur la Syrie pourraient causer des pertes importantes et provoquer la colère contre l’Occident parmi les pays de la région.
Dans un effort pour éviter une telle réaction aux bombardements de l’OTAN de la Libye, Charles Bouchard dit qu’il a ordonné aux pilotes d’éviter de frapper les installations de traitement d’eau, les hôpitaux, les routes et les mosquées à tout prix, même s’il savait que les troupes de Mouammar Kadhafi se réfugiait parfois dans de telles installations. Les deux tiers du temps, l’ordre de larguer des bombes a été annulé et les avions ont fait demi-tour, quand il était évident qu’il y avait un risque de blesser des civils innocents, dit-il.
Dans la bataille contre la Libye, l’OTAN planifiait pour le lendemain, dit Charles Bouchard, ajoutant que les forces étaient en Libye pour protéger les civils et qu’il a été heureux de constater que les islamistes n’aient pas gagné les élections.
C’est dommage que Mouammar Kadhafi ait été lynché par les rebelles, déclare Charles Bouchard, ajoutant que ce n’est pas ce pourquoi l’OTAN a lancé sa campagne. Charles Bouchard dit qu’il aurait aimé voir Mouammar Kadhafi face à un tribunal pour crimes de guerre.
Source : NATO official : Soon, Israel won’t have unanimous support for Iran strike