Il est l’un des hommes les plus influents de l’Union européenne. À côté de lui, Hollande, c’est du pipi de chat. Il est proche de la retraite, mais gageons qu’il sera remplacé par un clone aussi dingue que lui de la mondialisation libérale, du capitalisme financier le plus débridé. Selon lui, ne pas accepter cette mondialisation est une stupidité politique et économique, et aussi « une attitude moralement indéfendable ».
Comme tout bon dirigeant « européen » de haut niveau qui se respecte (voir Mario Draghi, Mario Monti, Lucas Papademos), Sutherland a passé vingt ans à la tête de la banque Goldman Sachs. Là, comme dans les instances européennes, il a œuvré, dans la discrétion ou en pleine lumière, au profit de l’oligarchie capitaliste mondiale. Lire à ce sujet La Banque : Comment Goldman Sachs dirige le monde de Marc Roche.
À l’origine, Sutherland est avocat. Dans son pays, une Irlande que l’on peut considérer comme l’un des laboratoires préférés de la déréglementation à tout crin, il est nommé procureur général (Attorney General of Ireland), en d’autres termes le premier conseiller du gouvernement en matière juridique. En 2011, il propose – et finit par imposer – au gouvernement irlandais des réductions budgétaires de 3 milliards d’euros.
Sa fiche Wikipédia nous dit tout de sa carrière d’homme d’affaires : « Peter Sutherland, né le 25 avril 1946 à Foxrock dans le comté de Dun Laoghaire-Rathdown, est une personnalité des affaires et un homme politique irlandais. Il est président de l’European Policy Centre, de Goldman Sachs International (depuis 1995), la présidé BP (British Petroleum) (1997-2009), et aussi la section Europe de la Commission Trilatérale (2001-2010) [poste auquel il fut remplacé par Jean-Claude Trichet, dont le CV est presque aussi impressionnant puisqu’ils appartiennent aux mêmes cercles d’influence] Il est aussi directeur non exécutif de la Royal Bank of Scotland. » Il sera en outre l’un des dirigeants du plus important site de vente en ligne à destination des entreprises, le chinois Alibaba (153 milliards de dollars de chiffre d’affaires). Sutherland fut assurément un dirigeant efficace : à la fin de son mandat à la tête de BP, la société faisait 42 millions de livres de bénéfices par jour. Par ailleurs, ce membre influent du groupe Bilderberg (v) aura été le représentant honoraire pour l’Union européenne du Transatlantic Policy Network.
Sutherland préside également la London School of Economics, à l’origine une école socialisante (quand on pense qu’elle fut fondée par les époux Webb et George-Bernard Shaw et qu’elle fut en pointe lors de la contestation de mai 68 !), aujourd’hui parangon de la pensée libérale. Et il est représentant spécial de l’ONU pour les migrations internationales et le développement. À ce titre, il est très favorable à l’arrivée d’immigrés (lui, l’Irlandais qui appartient à un peuple d’émigrés) constituant des bataillons industriels de réserve. Il s’est exprimé sur ce sujet devant une commission parlementaire de la Chambre des Lords en 2012 : « L’immigration représente une dynamique cruciale pour la croissance économique. La population autochtone vieillissante de l’Allemagne ou des Etats sud-européens est l’argument clé en faveur du développement de sociétés multiculturelles (…). Les Etats doivent être plus ouverts, tout comme le Royaume Uni l’a démontré. (…) Les Etats-Unis ou l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont des sociétés de migrants, ils peuvent donc accueillir plus facilement des populations différentes d’elles-mêmes ». L’objectif politique étant, par le biais du multiculturalisme, « la destruction de l’homogénéité interne des nations européennes ». Pour les grandes entreprises mondialisées, les coutumes, les nations, les traditions culturelles diverses, les frontières, les structures sociales ne doivent pas faire obstacle au commerce.
Sutherland n’a que 69 ans. Il a vaincu un cancer glorieusement. Il peut encore sévir un bon moment.