N Sarkozy retape sur son clou préféré encore plus fort. Cela inquiète. Lire par exemple : Déchéance de la nationalité française pour certaines catégories de personnes
: Les amalgames odieux de Sarkozy
"Les peuples se décomposent en meutes, les classes en masses." écrit Daniel BENSAID dans Eloge de la politique profane. Nous vivons des temps de décomposition, décomposition de la démocratie libérale en césarisme démocratique (1), des politiques de transformation sociales en réformes d’approfondissement des inégalités et au-delà des idéaux d’émancipation en acceptation religieuse de l’ordre du monde. Ecrire, réfléchir, lutter, aimer c’est repousser la gangrène de l’insignifiance du monde, celle qui génère "la foire au sens" (A. Bhir) promue par la concurrence du marché et des religions. Et le sarkozysme y met son grain de sel.
Il y a toujours à approfondir ce qu’est le sarkozysme. Une première recherche personnelle creusait la pente césariste (1) du sarkozysme non pour offrir des caractérisations fermes et définitives mais pour observer des tendances et des limites, mais aussi, pour certains, afin de bien connaitre l’ennemi sans se raconter d’histoire ! Aujourd’hui, à l’heure ou un "xéno-sécuritarisme" s’affirme il faut encore se remettre à l’ouvrage. La première idée a été de mobiliser des connaissances sur la personnalité autoritaire ou sur la psychologie de masse du fascisme en évoquant Adorno, Fromm et plus près de nous JM Brohm, mais finalement c’est sur le versant totalitaire avec Annah Harendt et notamment sa critique de la manipulation des masses que va s’orienter cette critique.
En arrière plan, deux grandes tendances semblent aussi agissantes, d’une part le néolibéralisme et son capitalisme productiviste et d’autre part plus caché un fond dictatorial qui continue à bas bruit son influence dans le sud de l’Europe jusqu’en France avec les retours du "travail, famille, patrie". Derrière le triptyque de Vichy ce sont les "valeurs" des micros hiérarchies qui grandissent, celles du patronat, de la responsabilité familiale et de la fraternité nationaliste et xénophobe. Elles sont réactivées sciemment et volontairement contre la fin du travaillisme, le maintien des solidarités collectives, et l’ouverture vers des solidarités internationales.
I - NEOLIBERALISME, SARKOZYSME et MASSE .
* De l’Individu sans appartenance à l’individu aliéné à une communauté nationale mythique.
Évoquer la construction d’un individu sans appartenance et d’un individu aliéné à une communauté nationale mythique me semble relever à la fois du sarkozysme et du néolibéralisme comme période particulière du capitalisme. Il y a en ce sens combinaison de deux tendances pour la production d’un individu-masse opposé à l’individu-citoyen, ce dernier connaît plus les multiples appartenances allant de celle officielle du peuple légal donnant droit de vote à celle de l’individu-classe inscrit dans de multiples solidarités tant nationales qu’internationales. On pourrait même évoquer à l’extrême un sentiment d’appartenance à l’humanité-classe différente de l’hyperclasse internationale qui domine le monde.
Si le capitalisme productiviste tend à produire un individu sans appartenance voué au travailllisme et à la surconsommation, le sarkozysme a pour tendance de construire par le discours et les pratiques policières un individu-masse français " de souche ", un individu masse ethnique au lieu d’un individu-citoyen participant à projet politique global émancipateur.
* Le xéno-sécuritarisme et l’instrumentalisation des masses.
* La promotion du langage nationaliste (question de l’identité) et sécuritaire fait suite à celui du langage travailliste (travailler plus pour gagner plus). Il n’est pas nouveau mais il prend une tournure encore plus discriminatoire à l’encontre des français d’origine étrangère . Le sarkozysme penche toujours du côté de la dégénérescence des droits et libertés pour tous au profit de ce que l’on pourrait appeler un xéno-sécuritarisme, le sécuritarisme étant déjà une perversion d’une politique de sécurité qui pour être juste ne met pas la police au coeur du dispositif, mais la justice dans un cadre global de libertés et d’égalité . La sécurité ce n’est pas absence de police c’est une police tenue, qui se retient de l’arbitraire, qui n’est pas protégée de ses faux-pas à répétition. Qui dit sécuritarisme dit aussi insécurité sociale et économique donc dégénérescence de l’emploi, du partage des richesses monétaires et matérielles .
* C’est dans les creux de la vie démocratique restreinte se joue l’instrumentalisation des masses. S’adresser aux masses tricolores à grand coup de propagande ce n’est pas promouvoir la démocratie, c’est pencher vers le totalitarisme. Le sarkozysme en crise s’adresse aux masses pas aux démocrates. Il le fait pour s’accrocher au pouvoir à tout prix.
* Reprendre les leçons du totalitarisme
La dégénérescence démocratique que subissent les démocraties libérales occidentales incite à reprendre les leçons du totalitarisme. L’exercice est d’autant plus difficile qu’il a été dit beaucoup de choses et de façon diverses sur la question. C’est dans les facultés de droit que les développements les plus conséquents sur le totalitarisme furent dispensés aux étudiants dans la décennie 80 - 90 du stalinisme finissant.
Les formations totalitaires ne restent au pouvoir qu’aussi longtemps qu’elles demeurent en mouvement et mettent en mouvement tout ce qui les entoure écrit Hannah ARENDT qui ajoute "Une erreur encore plus grave consisterait à oublier, sous prétexte de cette précarité, que les régimes totalitaires, aussi longtemps qu’ils sont au pouvoir, et les dirigeants totalitaires, tant qu’ils sont en vie, "commandent en s’appuyant sur les masses". Les mouvements totalitaires s’appuient toujours sur les organes d’abrutissement (valorisation de l’entreprise, du patronat, de l’effort et du travail contraint et répétitif) complété jadis par les religions mais aujourd’hui par les organes de distraction (la télévision) pour subjuger les masses autour d’un chef charismatique .
* La peur instrumentalisée et la pente dictatoriale.
* Les conceptions autoritaires du monde ne débouchent évidemment pas sur le déploiement des conditions d’un vie démocratique mais sur des formes variées de dictatures proches mais différentes du fascisme.
* On doit à André et Francine DEMICHEL (2) d’avoir décrit les éléments de ces dictatures et d’avoir donné un nom pour les caractériser : dictature de notables, dictature bonapartiste, etc... Il en est de même pour les mouvements qui poussent à l’établissement de ces dictatures. L’ouvrage en question porte sur les dictatures sud-européennes du XX ème siècle. Autrement dit la face sombre de la civilisation sud-européenne. Il décrit le Portugal de Salazar, l’Espagne de Franco, l’Italie de Mussolini, la Grèce des Colonels, etc...
Les conceptions du monde qui dominent dans ces dictatures trouvent quatre sortes d’appui idéologique : la religion, le virilisme, le nationalisme et une conception patriarcale de la famille. Le virilisme permet de défendre les valeurs militaire de la force. Le racisme et le sexisme sont dominants. Les forces militaires et policières sont importantes. L’entreprise s’appuie sur les conceptions autoritaires du chef d’entreprise qui sont aussi dominantes au sein de la famille ou l’égalité et la réciprocité sont exclues.
La démocratisation a fait reculer ces tendances mortifères puis le recul démocratique sous l’influence du néolibéralisme est venu mélanger la marchandisation du monde, l’entrepreneur roi et la dictature de l’actionnaire avec un regain du vieux fond dictatorial sud-européen.
Pour appuyer la pente dictatoriale on montrera du doigt les dictatures extérieures. Survaloriser la menace de l’islamo-fascisme permet de construire la peur, elle-même facteur de production de l’individu masse souhaitant un chef autoritaire. Les vecteurs mis en exergue par les Demichel peuvent se retrouver pour d’autres régimes politiques contemporains qui s’appuient non plus sur le christianisme mais sur l’islam. Si le terme islamo-fascisme est conceptuellement ambivalent et donne lieu à des dérapages sémantiques. Il est néanmoins avéré qu’il existe des régimes politiques autoritaires fondés sur une interprétation particulière de l’islam. Mais il n’y a pas lieu d’affaiblir la démocratie pour s’attaquer à des fantômes islamistes.
II - CITOYENNETE, APPARTENANCES MULTIPLES et EMANCIPATION
L’alternative à l’individu-masse et à la tendance sécuritariste et policière.
L’alternative à l’individu-masse est de mobiliser les classes et de mettre en débat collectif un projet politique juste pour des citoyens. Arendt écrit encore que "la principale caractéristique de l’homme de masse n’est pas la brutalité ou le retard mental mais l’isolement et le manque de rapports sociaux normaux". La vie en entreprise au temps du capitalisme productiviste (3) tend à produire un individu isolé plus enclin à la lutte des places qu’à la lutte des classes et un individu-masse dont la fausse conscience le rend prêt à s’aliéner ou s’identifier dans une communauté à normativité forte, voire rigide et exclusive. C’est pourquoi la participation à la vie syndicale dans le travail et associative ou partidaire hors du travail est un gage de construction d’un alter-citoyen et non d’un citoyen rabougri en individu-masse.
Au plan politique il importe de créer un front uni du peuple-classe face à N Sarkozy qui est un "sauveur de bourgeoisie" à l’instar du Général De Gaulle selon F Mitterrand . Lisons cet opposant au coup d’Etat permanent et au gaullisme car alors (avant 1983) avant tout soucieux du peuple-classe : "En France, si la défaite et l’anarchie ne pardonnent pas aux Républiques, elles font la chance des hommes illustres que la classe dirigeante, bourgeoise de terre, de robe, d’usine ou d’affaire, tient depuis deux siècles en réserve et sort à point nommé. Le rôle de sauveur que par une résurgence du langage dévot on appel aussi homme providentiel appartient au répertoire national. Il est vrai qu’il y a une sorte de dévotion dans la façon dont la bourgeoisie défend ses intérêts." (4). Au-delà de la citation lire : "Le sarkozysme en France, une politique pour la bourgeoisie et contre le peuple-classe" (5)
Au plan syndical, suivons ici le juste propos d’Henri KRAZUCKI (sans en faire un "chef" charismatique) "Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l’unité, son motif le plus puissant. C’est pour la mener avec succès en rassemblant l’ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n’est pas une invention, c’est un fait. Il ne suffit pas de la nier pour qu’elle cesse : renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l’exploitation et à l’écrasement".
Pour une alternative collective faite de multiples alternatives.
La revendication de démocratie, d’égalité, de liberté dans un cadre de laïcité sont toujours à promouvoir dans une perspective de transformation sociale et d’émancipation. Les libertés et la laïcité sont malmenées par les bruits de bottes sur plusieurs versants. En matière de laïcité, le régime d’ Attaturc n’est pas à copier. Quand à la démocratie occidentale, elle est en déclin et peine à servir d’exemple à une époque ou l’on met en avant le choc des civilisations entre Orient et Occident. L’occident néolibéral est entré en crise profonde en 2008 et 2009 et il a tout dévasté avec lui. Les riches de la planète sont toujours aussi insouciants. Mieux, ils sont comme Warren Buffet contents d’avoir "gagné la lutte de classe" menée au niveau mondial et sur de nombreux continents. La "religion du marché" ( ) est une entreprise de décervelage qui complète la dictature de l’usine pour abrutir les travailleurs. Le chômage comme envers du travaillisme produit des errances similaires (addiction aux jeux vidéo par exemple chez les jeunes adultes). L’industrie de la publicité et des médias vient compléter le dispositif pour créer un surconsommateur formaté à de nouvelles acquisitions. La réponse ne saurait être morale mais politique c’est à dire collective et articulée à un projet de transformation sociale et d’émancipation.
Christian Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1204