« Hélas dit la souris, le monde devient plus étroit chaque jour. Il était si grand autrefois que j’ai pris peur, j’ai couru , j’ai couru, et j’ai été contente de voir enfin, de chaque côté, des murs surgir à l’horizon ; mais ses longs murs courent si vite à la rencontre l’un de l’autre que me voici déjà dans la dernière pièce, et j’aperçois là-bas le piège dans le lequel je vais tomber.-Tu n’as qu’à changer de direction , dit le chat en le dévorant. » (Kafka, la fable de la souris)
Une ’’stratégie de Shéhérazade’’ au service du sociocide du peuple palestinien (1)
Après l’exécution de sa femme pour cause d’adultère, le roi de Perse, Sharyar, décide d’épouser chaque jour une vierge qu’il fait exécuter au lever du matin après la noce. Toutes les femmes étant perfides aux yeux du roi, Shéhérazade, fille aînée du grand vizir décide de mettre fin à ce massacre en se mariant avec le roi. Le soir venu, elle raconte une histoire fascinante au sultan sans la terminer. Son époux avide de connaître la suite, lui laisse la vie sauve pour une journée de plus. Ce stratagème dura mille et une nuits au bout desquelles le sultan abandonna sa résolution...
Il va sans dire que ce Roi est cette Autorité palestinienne à qui ’’l’Occident Judéo-chrétien’’ raconte une histoire interminable. De narration en narration, cette Autorité nationale palestinienne, semble croire à une fin de l’histoire où le divorce à l’amiable est possible. Nul besoin d’adhésion du peuple palestinien, elle est Autorité du fait que la ’’Communauté internationale’’ lui reconnaît une légitimité et que l’occupant daigne en fonction des circonstances politiques s’asseoir à la même table. S’asseoir pour enrichir d’une nouvelle énigme l’histoire de la veille. La même histoire de terre où le quémandeur est le propriétaire.
...Résolution 242...Accords d’Oslo... New Deal...Ou comment effacer le peuple palestinien
Commençons par extraire de l’histoire et des décombres produits depuis une trentaine d’années par les postures politiques et diplomatiques, une vérité crue. Une vérité étouffée par une logorrhée politico -diplomatique du Maître, teintée ’d’humanisme’’ et qui n’est rien d’autre que du cynisme, reflet de la servitude volontaire de certains dirigeants arabes.
La question palestinienne est intrinsèquement liée à l’impérialisme occidental et son corollaire le sionisme politique qui, depuis, s’est affranchi, bombe atomique aidant, de son créateur européen. Mais rappelons simplement ce que signifie colonialisme et sionisme.
1°) Colonialisme
Colonie:réunion d’hommes transportés dans un autre pays...Triumvir : magistrat chargé du partage des terres. Coloniser:peupler au moyen d’une colonie.(2)
2°) Sionisme politique
Dans sa lettre ouverte, datée du 2 novembre 1917 et adressée à Lord Lionel Walter Rothschild, le ministre des Affaires étrangères britannique, Lord Balfour déclara : « le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national juif. » (3)
Déclaration qui définit sans ambiguïté le sionisme politique. Colonialisme et sionisme politique qui possèdent un point commun et une différence. Le point commun ? Peupler la terre d’un indigène, celui qui est du pays. La différence ? Pour le sionisme politique, le colon est juif.
Une première remarque d’actualité s’impose. En déclarant que l’Etat d’Israël est l’Etat-Nation des juifs, les dirigeants israéliens ne font qu’exprimer leurs fidélités à l’idée originelle du sionisme politique. Aussi accepter le projet du sionisme politique tout en dénonçant sur le plan humanitaire sa manifestation concrète est, pour le moins, incohérent.Comme défendre les droits de l’indigène sans dénoncer le colonialisme et le sionisme est une pure aberration. Un non sens puisque colonialisme et sionisme ne sont rien d’autre que la négation de cet autre, l’indigène. Autrement dit, l’absence des droits de l’indigène est inhérente au colonialisme et au sionisme. Et vouloir habiller ces derniers d’un quelconque humanisme, c’est oublier que l’habit ne fait pas le moine.
Une vérité que le premier chef du gouvernement israélien, David Ben Gourion, énonce avec honnêteté et sans état d’âme dans les termes suivants :« si j’étais un dirigeant arabe , je ne signerai jamais un accord avec Israël. C’est normal : nous avons pris leurs pays. Il y a eu l’antisémitisme, les nazis, Hitler, Auschwitz, mais est-ce leur faute ? Ils ne voient qu’une seule chose : Nous sommes venus et nous avons volé leurs terres. Pourquoi devraient-ils accepter cela ? » (3)
Bien sûr, pogroms, camp de concentration, génocide , chambre à gaz, furent et demeurent un lourd fardeau mais pour l’Occident. D’ailleurs est-ce le seul fardeau ?
A chacun sa réponse mais on ne peut nier que, concernant le peuple palestinien, l’Occident s’est débarrassé de ce lourd fardeau en se payant doublement. S’acheter une bonne conscience tout en introduisant au sein du Moyen-Orient une partie de lui-même. Et « Comble de cette ironie cruelle , les palestiniens, victimes de l’histoire religieuse et raciste violente de l’Europe qui a enfanté l’État d’Israël, se trouvent sommer de se soumettre aux diktats de leur spoliateur et de protéger les colons immigrés, sous peine d’être accusés eux aussi d’antisémitisme virulent. » (4)
Bien joué le stratège ! Mais il faut souligner que la tâche a été et continue à être facilitée par certains dirigeants arabes dont les wahhabites (5). Et certains responsables palestiniens ont fini par faire partie du lot.
A commencer par le chef de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Y Arafat qui, malgré l’opposition ferme de Georges Habbache, Faruq al-Qaddumi... Mahmoud Darwich... Malgré l’assassinat en 1988 à Tunis de Abou Jihad, responsable de la lutte armée de l’OLP par un commando israélien, signa les Accords d’Oslo en 1993. Un assassinat facilité par « une absence totale de vigilance sécuritaire de la part de l’OLP...Et des autorités sécuritaires tunisiennes. » (6) Ce qui est pour le moins étrange !
Sans oublier la déclaration du Chef de l’OLP faite le 24 août 1992 où il souligna que « les récentes élections israéliennes ont été un vote en faveur de la paix. Malheureusement, nous avons vu combien les déclarations faites par Rabin depuis qu’il est rentré en fonction sont contredites par ses actes. Il tient au monde des propos doucereux alors que sur le terrain , il pratique la politique musclée qui a été celle du gouvernement Shamir. » (7)
Par politique musclée, il faut entendre colonisation de la Cisjordanie, Jérusalem-Est comprise, hectare après hectare. Depuis ? La colonisation continue !
Des Accords en contre partie de concessions palestiniennes qui traduisaient, tout bonnement, une reddition. Caduque fut qualifiée la Charte de l’OLP, le 2 mai 1989, par Y.Arafat. Pourtant au moins deux points de cette charte demeurent toujours d’actualité.
a) Le Droit au retour des réfugiés qui est l’essence même de la question palestinienne (Résolution 194 de l’ONU datant de 1948).
b) « La sauvegarde des lieux saints et la liberté du culte en permettant à chacun de s’y rendre, sans distinction de race, de couleur, de langue ou de religion.. C’est pourquoi les Palestiniens souhaitent l’aide de toutes les forces spirituelles du monde. »(8)
Enfin, le moment est venu de poser la seule question qui vaille : depuis les Accords d’Oslo, qu’a gagné le peuple palestinien ? Réponse : un apartheid en Cisjordanie et une prison à ciel ouvert dans la Bande de Gaza !
Avec une Autorité nationale palestinienne qui gère l’Apartheid selon le désira-data de l’occupant et une aile politique du Hamas qui garde une prison à ciel ouvert et dont le discours ’’Palestine musulmane’’ ne sert ni plus ni moins que l’idéologie du sionisme.
En effet, la Palestine est juive, chrétienne et musulmane, patrie du peuple palestinien ou alors ne le sera jamais ! J’y reviendrai au moment de conclure mais il faut admettre que si cohérence idéologique et politique il y a chez les dirigeants israéliens, côté dirigeants palestiniens aussi bien de l’ANP que du Hamas, elle semble être une denrée rare. Deux figures palestiniennes symbolisent l’ état de déliquescence politique de la lutte du peuple palestinien.
Mahmud Darwich, le poète. Il avait exprimé son ’’niet’’ aux Accords d’Oslo et, en toute cohérence, à toute responsabilité politique qui en découle. De retour d’exil, il se réfugia dans la poésie, entouré d’étudiants et a fini par se reposer dans une modeste tombe sur une colline en Cisjordanie.
L’autre figure est celle de Leïla Shahid, fervente avocate des Accords d’Oslo et ancienne ambassadrice de ’’l’Apartheid Palestine’’ auprès de l’Union européenne. La star des médias occidentaux se signala en 2016 par un appel ridicule mais néanmoins scandaleux : « arrêtons la main de Poutine à Alep. » (8)
Un appel contenant le souhait suivant :« nous espérons que les audiences à l’Assemblée nationale et à l’Elysée de Raed al-Saleh , président des Casques blancs...contribueront à intensifier la prise de l’exécutif français et à traduire en actes effectifs sa condamnation des crimes de Bachar al-Assad et de Vladimir Poutine en Syrie. » (9)
Propos qui nécessitent l’ouverture d’une parenthèse. Les fameux Casques blancs avaient pour rôle le blanchiment des organisations terroristes, notamment en mettant en scène l’attaque chimique de Cheïkhoun. Après la défaite des dites organisations dans la région du Golan, leur évacuation fut assurée par l’Etat d’Israël. Sans oublier qu’une commission allemande a refusé l’accueil de certains membres des Casques blancs pour collaboration avec les organisations terroristes. Ce qui n’empêchera pas les fameux Casques blancs de tenter de jouer le même scénario à Idleb où l’armée syrienne et ses alliés sont sur le point de mener une bataille décisive contre les organisations terroristes telles Ahrar al-Cham-Front el Nosra. Rappeler que ces dernières sont soutenues par les puissances occidentales est superfétatoire. La parenthèse se referme sans commentaire.
Mais revenons aux Accords d’Oslo ! Une erreur stratégique dont le peuple palestinien paye encore le prix ! Un prix qui peut se traduire dans le temps par son effacement. Le moins qu’on puisse constater est le manque d’envergure et de cohérence chez certains dirigeants politiques actuels et de l’ANP et du Hamas. Incapables de comprendre que leurs conduites politiques consolident la stratégie de l’Etat d’Israël, à savoir, l’effacement à moyen terme du peuple palestinien.
Et on ne peut s’empêcher de souligner que sur ce point et tant d’autres, l’idéologie des frères musulmans est une redoutable arme contre les peuples arabes en général et le peuple palestinien, en particuliers.
Aussi corriger l’erreur commise en abandonnant le principe de la lutte armée de libération ( Résolution 242 )et sa conséquence, les Accords d’Oslo, implique tout d’abord rendre les ’’clefs’’.
Pour l’un, la clef du siège d’une Autorité qui n’existe que par le bon vouloir du spoliateur et de ses alliés indéfectibles et pour l’autre, celle de la prison à ciel ouvert. Parce que le propre d’un occupant est d’occuper et c’est à lui que revient la charge de ’’gérer’’ le peuple occupé. Reste au peuple occupé de choisir son destin. Et sur ce sujet, point de leçon à donner au peuple palestinien.
Mais une fois les Accords d’Oslo déchirés que faire ?
Si la comédie des ’’négociations’’ cesse alors le projet d’une Palestine libre, démocratique et laïque, patrie pour les trois monothéisme telle définie dans la Charte de l’OLP d’avant sa ’’liquidation’’ deviendrait une conséquence logique. Une telle hypothèse signifie « mettre fin aux divisions entre les différentes fractions palestiniennes, de les rassembler autour d’une Résistance globale qu’il faut développer et généraliser sous toutes les formes, à la fois populaires et militaires. » (10)
Tel fut l’appel lancé le 20 juillet 2018 par le Parti communiste libanais. Et il n’ y a qu’un pas à franchir pour conclure que cet appel signifie la naissance d’un Front de libération de la Palestine inséré dans la Résistance arabe régional...
M. El Bachir