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Le capitalisme et la démocratie sont, en dernier ressort, incompatibles.

Photos : Noam Chomsky - Peace Rally March 20 2004. http://thelastminute.typepad.com/

Noam Chomsky, une des principales voix de la gauche aux États-Unis, a donné en 1970 la conférence "Le gouvernement dans l’avenir", que publient maintenant, dans son intégralité, les éditions Anagrama. Dans cette conférence, donnée à New York, Chomsky s’interroge sur la possibilité de transformer la société face à ce qu’il a appelé "la barbarie contemporaine". Avec l’autorisation de l’éditeur, nous offrons à nos lecteurs une copie de ce texte en avant-première.

Pour terminer, permettez-moi de considérer les troisième et quatrième points de référence que j’ai mentionné au début : le bolchevisme - ou socialisme d’État - et le capitalisme d’État. Comme j’ai voulu le suggérer, ils ont des points communs et, par certains aspects très intéressants, ils diffèrent de l’idéal libéral classique et de son évolution ultérieure jusqu’à sa transformation en socialisme libertaire. Étant donné que je m’occupe de notre société, permettez-moi de faire quelques observations, assez élémentaires, au sujet du rôle de l’État, de son évolution probable et des suppositions idéologiques qui accompagnent ces phénomènes et, parfois, les dissimulent.

Pour commencer, nous pouvons distinguer deux systèmes de pouvoir : le politique et l’économique.

Le premier est constitué, en principe, par des représentants que le peuple élit pour qu’ils décident de la politique publique ; le second, en principe également, est un système de pouvoirs privés - un système d’empires privés - qui échappent au contrôle du peuple, excepté dans leurs aspects lointains et indirects dans lesquels même une noblesse féodale ou une dictature totalitaire doivent répondre à la volonté populaire.

Cette organisation de la société a diverses conséquences immédiates. La première est que, d’une manière très subtile, elle pousse une grande partie de la population, soumise à des décisions arbitraires venant d’en haut, à accepter l’autoritarisme. Et, à mon avis, cela a une effet très profond sur le caractère général de notre culture, qui se manifeste dans la croyance qu’il faut obéir aux ordres arbitraires et se plier aux décisions de l’autorité. Et, à mon avis également, un des faits les plus remarquables et passionnants de ces dernières années a été l’apparition de mouvements de jeunesse qui s’opposent à ces règles de conduite autoritaire et commencent même à les lézarder.

La seconde conséquence importante de cette organisation de la société est que le champ d’application des décisions soumises, en théorie du moins, au contrôle démocratique populaire est très réduit. Par exemple, en principe, en sont légalement exclues les institutions fondamentales de toute société industrielle évoluée, c’est-à -dire, les systèmes commercial, industriel et financier dans leur totalité.

Et la troisième conséquence importante est que, même au sein du domaine réduit des questions qui font, en principe, l’objet de décisions prises démocratiquement, les centres privés de pouvoir peuvent exercer, comme nous le savons bien, une influence démesurée en utilisant des méthodes aussi évidentes que le contrôle des moyens de communication ou des organisations politiques, ou, d’une manière plus simple et directe, par le simple fait que, habituellement, les personnalités les plus fortes du système parlementaire en viennent. L’étude récemment menée par Richard Barnet au sujet des quatre cents personnes qui ont décidé des politiques du système national de sécurité des États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale démontre que la majeure partie d’entre elles "viennent des bureaux des hauts dirigeants ou des cabinets d’avocats situés dans quinze bâtiments - si proches les uns des autres que ces personnes auraient pu s’appeler en criant - répartis entre New York, Washington, Detroit, Chicago et Boston". Et toutes les autres études à ce sujet arrivent aux mêmes conclusions.

En résumé, dans le meilleur des cas, le système démocratique jouit d’un domaine d’action très réduit dans la démocratie capitaliste, et dans ce domaine si réduit, son fonctionnement se voit même terriblement gêné par les concentrations de pouvoir privé et par les modes de penser autoritaires et passifs que poussent à adopter les institutions autocratiques, comme les industries. Bien que ce soit un truisme, il faut souligner constamment que le capitalisme et la démocratie sont, en dernier ressort, incompatibles.

Je crois qu’une étude minutieuse de la question renforcera encore davantage cette conclusion. Tant dans le système politique que dans le système industriel, on observe des processus de centralisation du contrôle. Pour ce qui est du système politique, dans tous les régimes parlementaires, et le nôtre n’y fait pas exception, le rôle des chambres dans la prise des décisions politiques a diminué depuis la Seconde Guerre mondiale. En d’autres termes, l’importance du pouvoir exécutif a augmenté parallèlement à celle des fonctions de planification de l’État. Il y a quelques années, le Comité des Forces armées de la Chambre des Représentants a décrit le rôle du Parlement des États-Unis comme celui d’un "oncle parfois grognon, bien que dans le fond gentil, qui se plaint tout en tirant furieusement sur sa pipe, mais qui, pour finir, comme tout le monde l’attendait, cédera (...) et donnera l’argent qu’on lui demande".

Une étude attentive des décisions civiles et militaires prises depuis la Seconde Guerre mondiale montre que cette description est, fondamentalement, correcte.

Il y a vingt ans, le sénateur Vandenberg a exprimé sa préoccupation devant la possibilité que le président des États-Unis puisse devenir "le principal seigneur de la guerre du monde".

C’est déjà le cas, comme le montre la décision de lancer l’escalade militaire au Vietnam, prise en février 1965 et qui faisait cyniquement fi de la volonté exprimée par l’électorat.

Cet incident fait apparaître en toute clarté le rôle du peuple dans la prise de décisions relatives à la guerre et la paix, ainsi qu’aux grandes lignes de la politique générale ; il met aussi en évidence l’insignifiance de la politique électorale au moment de la prise de décisions de politique nationale.

Noam Chomsky

- Source : La Jornada www.jornada.unam.mx

- Traduction : ARLAC

- Source : ARLAC www.arlac.be

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- Il n’y a pas de guerre contre le terrorisme, interview de Noam Chomsky, par Geov Parrish + quatorze articles de Noam Chomsky.

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