3

Le Brésil face au covid. À Manaus, « on se croirait dans un film d’horreur »

Du Nicaragua au Chili, en passant par le Venezuela ou El Salvador, la réponse des gouvernements face à la crise sanitaire du Covid varie du tout au tout. Manaus, la métropole amazonienne qui affiche le plus haut taux national de contaminations et de décès dus à la pandémie, lance un appel à l’aide. En cause, une urbanisation anarchique, un système de soins en crise et centralisé à l’extrême. À l’avenir, la hausse de la déforestation pourrait aggraver la situation sanitaire.

En bordure de la forêt, un champ de cercueils. Dix-sept rangées de vingt-sept croix bleues plantées à la va-vite. À quelques mètres des familles qui n’ont pu accompagner leur proche en fin de vie, des tractopelles s’activent pour creuser des fosses communes. Devant les cimetières, un embouteillage de corbillards. Manaus est dépassée par l’ampleur de l’épidémie. « On se croirait dans un film d’horreur », admet le maire Arthur Neto. La métropole amazonienne accuse le plus haut taux des vingt-sept capitales d’État du Brésil.

Les morts côtoient les vivants

Tout manque : les soignants contraints de travailler même contaminés, les lits d’hôpitaux, le matériel sanitaire, les respirateurs, les fossoyeurs malades ou morts à leur tour, les cercueils dont les stocks n’excèdent pas cinq jours. « J’utilise une cape de pluie pour me protéger », explique un physiothérapeute. Au sein des unités de soins, les morts côtoient les vivants. Ceux qui meurent chez eux ne peuvent bénéficier d’aucune assistance médicale. Dans des camions frigorifiques, les cadavres s’entassent en attendant une sépulture. Depuis une semaine, la moyenne des enterrements y est d’une centaine par jour au lieu de vingt à trente en temps normal. L’État d’Amazonas dénombre officiellement 380 décès du nouveau coronavirus pour 5 511 au Brésil, le pays le plus durement touché d’Amérique du Sud. Les chiffres réels seraient douze à quinze fois plus élevés, selon les spécialistes.

« Un état de calamité absolue »

Selon le syndicat des médecins, plus de 500 professionnels ont quitté la zone en quête de meilleures conditions de travail. Tous décrivent un système de santé déjà en apoplexie. La ville ne compte qu’une cinquantaine de lits en soins pour deux millions d’habitants. « On ne peut plus parler d’état d’urgence, c’est un état de calamité absolue », concède Arthur Neto. La région a fait appel en urgence à des médecins de tout le pays, construit un hôpital de campagne et demandé des fonds au gouvernement fédéral pour faire face. Si tout cela se révélait insuffisant, Manaus pourrait demander l’aide d’autres pays. La ville, développée à la va-vite autour d’une zone franche durant la dictature, oscille entre l’insolence de ses tours et l’indignité de ses bidonvilles. Cette explosion démographique anarchique est aujourd’hui la meilleure alliée du virus.

L’extrême centralisation des soins en Amazonas

« Si j’habitais à Manaus, je serais très inquiet », expliquait, le 7 avril, dans une impuissance quasi totale, Luiz Henrique Mandetta, le ministre de la Santé depuis limogé par le président d’extrême droite Jair Bolsonaro avec lequel il était en désaccord sur la gestion de la crise. La situation est d’autant plus préoccupante que, dans cet État, les unités de soins intensifs et 80 % des médecins habilités aux traitements sont concentrés à Manaus. « La plupart des villages ne sont reliés à Manaus que par voie fluviale, les liaisons aériennes sont très limitées », rappelle Bernardo Albuquerque, spécialiste des maladies infectieuses à l’Université d’amazonas (UFAM). Les malades doivent parfois supporter plusieurs jours de navigation pour espérer être soigné. « Quand le patient parvient à arriver en vie, il se trouve souvent dans un état déplorable, sans aucune garantie de pouvoir être soigné. C’est une situation dramatique », conclut le maire.

Boom de la déforestation

Autre paradoxe : alors que la destruction des écosystèmes favorise l’émergence des épidémies, la déforestation de la partie brésilienne de l’Amazonie a augmenté, en mars, de 30 % par rapport à la même période l’an dernier. Le niveau mensuel le plus élevé depuis dix ans. Selon l’Institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE), 326 km2 de forêt auraient été rasés, soit l’équivalent de trois fois la superficie de Paris. Les orpailleurs et voleurs de bois profitent de la réduction des patrouilles de la police environnementale pour s’adonner à ces raids illégaux, d’une certaine manière encouragés par Jair Bolsonaro qui donnait son feu vert en février dernier à un projet de loi favorisant l’exploration minière et agricole des territoires indigènes. « J’espère que ce rêve va se concrétiser », disait-il alors, faisant une nouvelle fois montre de son inconséquence.

Lina Sankari, l’Humanité (30/04/2020)

 https://www.humanite.fr/bresil-manaus-se-croirait-dans-un-film-dhorreur-688555
Print Friendly and PDF

COMMENTAIRES  

06/05/2020 20:53 par Daniel BESSON

C’est un article que l’on retrouve presque mot pour mot sur tous les médiats et c’est du concentré de dépêches d’agence. C’est pas étonnant qu’on y retrouve les même approximations ou contre-vérités : :
1- Il y avait 220 lits en UTI ( Unidade de Tratamento-Terapia Intensivo-a ) à Manaus et non pas 50 au début de la crise
2- Les hôpitaux du réseau public sont pour beaucoup de la responsabilité du gouvernement de l’Etat d’Amazonas SUSAM -Secretaria de Estado da Saúde do Amazonas et non pas du gouvernement - fâchiss - central à Brasilia .
C’est vers les gestions des gouverneurs précédents qu’il faut se retourner , pas contre M. Bolsonaro . C’est ce qu’a fait le personnel médical - Pas les jounaleux et journaleuses Françouzes ...
3- L’Isolement de certaines communautés les préserve du virus ! Les Amérindiens veulent rester isolés …
4- L’armée intervient de manière massive par des envois d’aide par voie aérienne , du personnel médical et au travers des navires-hôpital fluviauxdu 9 éme district naval .Il existe aussi un navire-hôpital géré par une association Catholique qui s’appelle - horresco referens - " Pape François "
5- C’est la frange " nationale-développementiste " des militaires qui a lancé le développement de la zone franche de Manaus avec le slogan " integrar para não intregrar " " intégrer ( par l’économie ) pour ne pas laisse l’Amazonie à d’autre pays " *Lula* et Dilma Rousseff ont T-O-U-J-O-U-R-S soutenu ces projets , y compris sous le " régime militaire " J’ai même rencontré le futur président *Lula* lors d’une campagne électorale à l’ UHE de Balbina - Usine Hydro-Electrique de Balbina - près de Manaus où il se disait fier que le Brésil puisse acquérir son indépendance énergétique , fut-ce au travers de barrages construits dans la jungle ...
6 - La misère s’est développée à grande échelle dans la ville de Manaus ces deux dernières années en raison de l’arrivée massive de hordes de pôvres hères , dont de nombreux Amérindiens persécutés es-qualités , chassés du paradis Bolivarien du conducator Maximo Maduro . La population Amazonienne a un cœur grand comac mais pour paraphraser M. Rocard " Manaus ne peut pas nourrir toute la misère générée par le Bolivarisme triomphant " Un Amérindien chassé de ses terres, de sa savane ou de sa forêt , par des mafieux liés à l’armée Vénezuelienne et qui était habitué à vivre de la chasse se retrouve ainsi clochardisé au pied d’un pilier de monorail dans une ville isolée …

Daniel BESSON - FrancoAmazonien

07/05/2020 10:03 par Assimbonanga

Le covid19 menace les Amérindiens d’anéantissement. Visionnez cette vidéo où se trouvent de nombreuses informations. Pendant le covid, la déforestation s’amplifie.

Depuis mars 2020, et le début de la pandémie mondiale, les garimpeiros, ces chercheurs d’or illégaux sont de plus en plus nombreux dans la forêt. Profitant du chaos généré par l’épidémie et de la politique laxiste à leur égard des gouvernements, brésilien en tête, les garimpeiros poussent leur excursions plus loin, et plus près des communautés amérindiennes, amenant maladies et virus avec eux, dont le Covid-19. Forçant le contact avec les populations autochtones, les repoussant souvent violemment, les chercheurs d’or, les braconniers et les bucherons mettent en danger les tribus qu’ils contaminent et qu’ils déciment. Cette nouvelle épidémie amenée par l’homme blanc rappelle certains des épisodes les plus dramatiques de l’histoire coloniale américaine, mais celle-ci pourrait bien être fatale à certains peuples, en particulier les plus isolées, dont les systèmes immunitaires ne sont pas les mêmes

les garimpeiros exploitent la forêt et s’accaparent les ressources. La déforestation en Amazonie a battu de nouveaux records au mois de mars selon l’Institut National de recherche spatial du Brésil. L’extractivisme minier aussi se développe, attirant plus de mineurs et augmentant les risques sanitaires. Ces activités industrielles se portent au mieux, mais la forêt et les rivières sont de plus de plus polluées Source

Je pense qu’il y a de grandes différences entre les manières de procéder d’une Dilma ou d’un Lula avec Bolsonaro. Bolsanoro, c’est "lâchez les fauves et pas de quartiers" additionné d’un racisme sans complexes. Mais on remarque que certains pseudos n’ont même pas besoin qu’on lise leur commentaire pour deviner la dose de fiel qu’ils véhiculent. Un peu comme Zemmour ! C’est inclus dedans.

07/05/2020 12:01 par Daniel BESSON

Voici ce que déclarait le 17 avril 2020 le responsable de ce " syndicat de médecins " cité par les médiats . Il aurait fallu donner son nom et celui du syndicat mais le "problème" c’est que chacun peut alors consulter le VERBATIM des propos ;0)
Il s’agit du Pr. Bernardes Sobrinho du CREMAM ( SIC ! ) : Conselho Regional de Medicina do Amazonas .
" Le gouvernement de l’état d’AMAZONAS attend trois , quatre , cinq mois avant de payer les salaires des personnels médicaux . Ils finissent par partir dans d’autres villes - que Manaus - pour pouvoir être payés régulièrement . Maintenant ce personnel médical fait défaut "
Nota : J’ai traduit " médicos " par " personnel médical " plutôt que par " médecins " car tout le secteur médical est concerné et il y avait une ambiguïté dans ce terme .
Je constate qu’il est nul part question du gouvernement fédéral même si celui-ci a une part de responsabilité dans la situation actuelle .

(Commentaires désactivés)
 Twitter        
« Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »
© CopyLeft : Diffusion du contenu autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
 Contact |   Faire un don