Une cour symbolique composée de spécialistes du monde entier – dont la sénatrice communiste du Val-de-Marne Laurence Cohen – a écarté, à l’unanimité, le crime de responsabilité de la présidente brésilienne. Elle en conclut que la procédurede destitution est à ce titre illégale.
Le tribunal a rendu sa sentence. Mercredi, la présidente brésilienne Dilma Rousseff a été innocentée à l’unanimité par le tribunal international pour la démocratie, chargé de juger les modalités de la procédure de destitution, ouverte au Sénat pour maquillage présumé du déficit public en 2014, année de sa réélection. Installée à Rio de Janeiro, au Teatro Casa Grande, lieu historique de la résistance à la dictature, l’instance a été convoquée à l’initiative de Via Campesina, des Juristes pour la démocratie et du Front Brésil populaire, qui regroupe les mouvements syndicaux et politiques de gauche. Avocate et professeure de droit civil à la faculté de droit de Rio de Janeiro, Caroline Proner a expliqué que l’objectif était de mettre en débat l’ensemble des arguments et a insisté sur « la transparence » de la procédure menée par des personnalités internationalement reconnues. Lors de ce procès symbolique, ces spécialistes venus du Mexique, de France, d’Italie, d’Espagne, du Costa Rica et des États-Unis ont conclu que la procédure d’impeachment viole la Constitution brésilienne, la Convention interaméricaine des droits de l’homme et le Pacte international des droits civiques et politiques. Inspirée du tribunal Russell qui jugea les crimes de guerre américains durant la guerre du Vietnam, cette cour a été chargée de se documenter et de juger les différents aspects de la procédure brésilienne.
La procédure de destitution, « un outil putschiste utilisé par les forces antidémocratiques »
Si l’expertise indépendante commandée par le Sénat a également mis en évidence l’absence de crime de responsabilité commis par Dilma Rousseff, les sénateurs, fidèles au gouvernement intérimaire du libéral Michel Temer, pourraient pourtant condamner la présidente progressiste fin août. Selon le tribunal international, en l’absence de crime de responsabilité, la procédure de destitution s’apparente à « un outil putschiste utilisé par les forces antidémocratiques et les conservateurs pour renverser le gouvernement légalement élu ». Caroline Proner dénonce « le nouveau type de coup d’État parlementaire qui revêt les atours de la légalité ». Membre du jury, l’artiste argentin et Prix Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel a comparé la procédure en cours aux coups d’État de 2009 et 2012 contre les présidents du Honduras, José Manuel Zelaya, et du Paraguay, Fernando Lugo. En avril, alors qu’il s’adressait aux sénateurs brésiliens, Adolfo Pérez Esquivel a lancé : « Les intérêts du peuple du Brésil et de toute l’Amérique latine devraient être placés au-dessus des intérêts partisans des élites. » Lors de son allocution, Laurence Cohen, sénatrice du Val-de-Marne (Groupe communiste, républicain et citoyen), a dénoncé « le procès politique dont la droite et la grande bourgeoisie, qui n’ont jamais supporté que 48 millions de Brésiliens sortent de la pauvreté, s’étaient fait les instigateurs afin de maintenir leurs privilèges. Cette grande bourgeoisie d’hommes blancs aisés et d’âge mûr n’est pas à l’image de la société. C’est une politique raciste et misogyne qui revient sur le devant de la scène ». En atteste les premières réformes politiques édictées par le gouvernement intérimaire de Michel Temer. L’avocate Tania Oliveira égrène : « Le retour de la privatisation rampante, le démantèlement du Code du travail, l’augmentation du temps de travail, la réduction des dépenses publiques en matière d’éducation et de santé, la discrimination envers les femmes, les Noirs, les Indiens et tout représentant des minorités et l’abaissement de l’âge de la responsabilité pénale. » Laurence Cohen a été reçue jeudi avec les autres jurés par Dilma Rousseff afin d’exposer la décision du tribunal.
« Il faut prendre à César tout ce qui ne lui appartient pas. »
Paul Eluard, Notes sur la poésie, GLM, 1936