Combien de fois, nous communistes, l’avons dit et répété : le fascisme -appelons un facho un facho- cela peut commencer par un sourire convenu, un programme faussement « social », une victoire électorale, des frustrations populaires… Et nous savons que cela termine toujours à Buchenwald (pour faire court).
« Comment est-ce possible ? », « en France ? », entend-t-on de la part de beaucoup de ceux qui depuis trente ans ont fait et font joujou avec la « peste brune » pour qu’elle serve ensuite de « repoussoir », d’incitation au vote « utile », « au front républicain » derrière eux. Ils ont créé, en caressant les monstres, un climat haineux (« je suis », « tu hais »), asphyxiant, anxiogène, qui ajouté aux crimes terroristes, a chauffé à blanc une opinion publique déjà fragilisée.
Ils ont, par calcul, mis en danger la République, « la gueuse », la République des Lumières, la République sociale, préférant le plus souvent la bonne « droite dure » au mouvement social, à la gauche de rupture. Celle-là il faut la désarmer, la réduire à tout prix, afin de boucher définitivement toute possibilité d’alternative systémique.
Ils sont nombreux ceux qui par intérêt, volonté et haine de classe, préfèrent les fachos aux prolos, au « Front Populaire », au « Frente crapular » comme ils disaient en Espagne en 36. La peste brune est toujours le fruit pourri du capitalisme en crise, l’une de ses bouées de sauvetage, sa « dernière ressource », son arme de destruction massive du mouvement populaire, de la « révolution sociale ». Ceux-là, les nouveaux collabos, comme les classes dominantes, considèrent toujours « ceux d’en bas », les « invisibles », comme une sorte de race inférieure. Chasser dans les marécages pestilentiels de l’extrême droite, reprendre son venin (dans l’espoir de l’assécher), en rajouter dans la surenchère sécuritaire et du mépris, de la peur, d’une prétendue « guerre des civilisations », cela peut faire dans l’immédiat gagner quelques voix, mais à terme rapproché cela entraîne le pire, les monstruosités. Et il n’y a pas de fascisme « à visage humain » !
Lorsque la crise brouille les repères, provoque une abyssale crise des valeurs, un rejet viscéral de la politique politicienne, voire de la politique tout court et des « politiques » (« on a tout essayé »), jouer avec de la dynamite peut provoquer une déflagration civilisationnelle.
La responsabilité écrasante de cette situation noire, très noire, très dangereuse, de ces relents des années 1930 et 1940, incombe fondamentalement aux partis de l’alternance, aux petits soldats du néo-social-ultra-libéralisme. L’histoire nous a appris qu’ils choisissent ou finissent tous par opter pour la gestion enthousiaste, naturelle, brutale ou soft, « loyale », du capitalisme. Et que seul un rapport des forces massif et déterminé peut en « tirer à gauche » quelques-uns, et surtout leurs électeurs. Il ne s’agit pas bien sûr de confondre le « clampin » de base qu’il faut regagner, mais qui en a légitimement ras-le-bol, qui met les pieds dans le plat, qui adhère à des « solutions » simplistes, liberticides, xénophobes, avec les dirigeants du « bi-tri-partisme ». Les appareils, eux, savent ce qu’ils font, et le font à dessein. Pour eux, un seul horizon possible : le capitalisme.
Ces jours-ci nous mesurons une fois de plus le fort rejet du « système » par des millions d’exploités, le carton rouge aux comportements politiques frelatés, l’allergie à l’aliénation de notre souveraineté nationale par l’actuelle construction européenne, l’attachement au « cadre national », le besoin de politique autrement, sans magouilles, sans manœuvres, sans revirements, sans carriérisme, sans opportunisme calculé, (faire ce que l’on dit et dire ce que l’on fait), l’urgence d’une politique éthique et d’un projet de société radical, mobilisateur. Politisons l’alternative, indiquons clairement le cap (socialisme, « écosocialisme », etc.), réinvestissons le rêve, l’utopie, le langage des luttes et la lutte des classes, le débat idéologique, ne lâchons pas (par suivisme ou volonté d’adaptation) sur nos valeurs, pour que revienne le plaisir de militer. Recréons du lien par des pratiques plus ouvertes, plus horizontales…
Nous ne sommes pas, nous les communistes (historiquement les militants, les combattants de l’antifascisme, le « parti des travailleurs »), perçus comme « différents », « dissensuels », « hors système », « hors arbitraire »,« hors caste », novateurs, porteurs d’avenir, de réponses concrètes, de valeurs humaines et de comportements nouveaux, solidaires, altruistes. Nous n’incarnons pas « la politique autrement ». On nous assimile au « système ». Nous avons donné pour beaucoup l’impression de nous « adapter », de céder à la pression sécuritaire, comme jadis du temps du gouvernement Jospin nous cédions aux privatisations déguisées. Nous avons donné l’impression d’abandonner « le dépassement » du capitalisme, la défense des plus pauvres, des plus précaires, des plus exploité(e)s, l’internationalisme, la convergence des luttes…
Et pourtant, s’il y a un parti qui ne mérite pas les caricatures que l’on en fait, c’est bien le PCF et son potentiel humain, politique, moral… Alors, assumons (dialectiquement) notre histoire, tout en nous renouvelant (l’identité est à la fois un héritage et une création permanente), et partons à la reconquête, d’en bas, sur des positions claires, de classe, offensives, unitaires, sans avoir peur de notre ombre.
Travaillons à un très large front social, à une structuration souple de cette indispensable Unité Populaire. La reconquête sera longue, multiforme, douloureuse, patiente, argumentée… La montée de la « peste brune » n’est pas INELUCTABLE ! NO PASARÁN ! Si nous faisons ce qu’il faut. Dans l’immédiat : Aux urnes dimanche !
Jean Ortiz
Universitaire communiste.
Pau