Lundi 23 avril 2007.
Alors que faire ?
Il faut avoir le courage de faire un bilan réel. Il est bien tard, qu’est ce qui est encore possible ?
Si l’on veut construire il faut dès maintenant avoir le courage d’adopter une position politique et s’y conformer en sachant qu’il sera difficile dans le moment présent d’inverser la tendance parce qu’il y a une vague et que les institutions françaises (merci Jospin et le quinquennat) ne peuvent que l’amplifier. Il faut donc tenir bon sur les fondamentaux. Par exemple ne pas mégoter et jouer dans l’immédiat la gauche contre la droite. Arrêter de casser Ségolène Royal, elle est ce qu’elle est, une créature médiatique, montée de toute pièce par les médias de droite pour fournir à Sarkozy une adversaire aisément contournable. Mais il faut pourtant mener le combat droite-gauche.
Il faut, comme l’a très bien dit Marie Georges Buffet sur le plateau d’Antenne 2, ancrer à gauche, non pas pour gagner (est-ce possible ?), mais pour construire l’avenir. Pour gagner, si quelqu’un croit encore à la victoire de Ségolène Royal, elle va tenter de récupérer son électorat parti chez Bayrou qui par parenthèse a joué le plus mauvais des tours au PS (comme les bovétistes à la Perreux l’ont joué au PCF) . Oui Marie-Georges avait raison de réclamer un ancrage à gauche mais elle aurait du penser durant sa campagne à faire appel à ses propres fondamentaux communistes. Il suffit de relire les professions de foi des candidats, le PCF ne dit pas un mot aux communistes, ignore totalement les enjeux internationaux dans les temps d’immigration et de délocalisation, le PS ne prononce pas le mot gauche. Pourtant la règle absolue dans un premier tour est de rassembler son propre camp.
Dans un deuxième tour il faut rassembler sur une base commune, c’est la gauche contre la droite.
Et de surcroît il faut poser les jalons de l’avenir : les combats qu’il va falloir mener contre la politique de la droite et du patronat qui va déferler.
Leur vision est claire, simple, ils disent : pour lutter contre le chômage dans le cadre de la mondialisation, il faut que l’Europe et la France présentent la même exploitation de la force de travail que les pays sous-développés et émergents. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils ont besoin de l’immigration y compris qualifiée : pour faire pression sur le salariat de notre pays. Pour eux, pour que leurs profits augmentent, pour que la bourse atteigne de nouveaux records il faut que dans l’entreprise se dégage toujours plus de profit pour les actionnaires. Nous ne pouvons pas être simplement anti-libéraux, il faut que nous soyons anti-capitalistes et anti-impérialistes. C’est à ce prix là que nous comprendrons l’offensive que nous allons subir.
Tout ce qui laissera planer le doute sur la nature de ce à quoi nous sommes confrontés ne pourra qu’entretenir le glissement à droite parce qu’il repose sur une interprétation : face aux choix du capital et de la droite, au lieu de les affronter, est entretenue l’idée que l’on peut préserver une niche en continuant à piller le tiers-monde, et en haïssant ces immigrés qui viennent nous voler notre pain. La droite flatte cette vision, la développe, se nourrit des divisions entre les exploités, les pauvres. Et objectivement conduit toute la troupe vers sa politique. Cette politique affirme que l’on ne peut vaincre le chômage qu’en augmentant les profits et en réduisant les avantages sociaux pour nous mettre en situation de concurrence parfaite avec la Chine ou l’Inde...
Parce que nous n’avons pas depuis des années mené ce combat anti-capitaliste, parce que nous avons joué les dames patronnesses, le glissement à droite se poursuit et risque de s’amplifier.
Aujourd’hui il faut l’affronter mais en posant dès aujourd’hui les jalons des batailles indispensables que nous ne pouvons éviter. LA France A VOTE et même voté en masse.
Comment sommes nous passés de la France du 29 mai, celle du NON à la Constitution, à la France du 22 avril où les partisans du OUI font 75% des voix ? Et dans les 25% restant non seulement il y a les 11% de Le Pen mais un Villiers qui passe devant les communistes ? Rien de plus simple, un certain nombre de gens ont été la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf, ce n’était pas un vote de gauche mais un vote de classe, et celui d’une jeunesse à qui l’on demande de s’ajuster à la crise. Personne et surtout pas les collectifs anti-libéraux ne pouvaient se l’attribuer. [1]
Rarement on aura vu un tel coup de volant à droite. Ce n’est pas seulement la France des beaux quartiers qui a choisi une aventure bonapartiste, mais celles des cités, les jeunes sont allés s’inscrire en masse pour être sûrs que la droite triompherait, car elle fait plus de 60%.Cela dit je crois, une analyse fine permettra d’en juger qu’il y a eu une sorte de chassé croisé, pendant qu’une partie des nouveaux inscrits se précipitaient pour voter pour le PS dès le premier tour, une bonne partie des vieux électeurs de ce parti se jetaient dans le vote Bayrou... Le « vote utile », la méconnaissance totale des petits candidats comme MGB faisaient le reste. A l’inverse de la LCR qui a encore quelque audience dans la jeunesse lycéenne, le PCF n’a plus aucune visibilité dans les quartiers populaires, que ses cellules ont déserté, sans parler des entreprises...
Nous en sommes là . Ce qui a été fondamental c’est l’idée d’une France assiégée par les hordes barbares et le choix d’un homme fort capable de faire ce qu’il fallait. Quitte à découvrir demain qu’il nous mène plus avant dans la tempête de la mondialisation capitaliste, derrière la folie meurtrière des Etats-Unis.
Ce qui va se passer est évident : le patronat, l’Europe anti-libérale vont nous infliger « leurs réformes », mettre tout en oeuvre pour que gonflent les profits. Le premier constat que nous devons faire est que le patronat, la droite se situent dans la mondialisation, pour mieux exploiter, pour détruire la planète, porter la guerre, il faut donc que nous leur répondions à ce niveau. Nous ne pouvons plus être aussi incompétents, aussi ignorants des enjeux internationaux dans un temps où cela nous conduit à ne pas pouvoir répondre par exemple à des questions aussi essentielles que les délocalisations, ou l’immigration, voire la paix et la guerre.
Ce qui nous a manqué c’est un parti communiste fort, capable lui aussi de mener des luttes offensives sur le fond et pas seulement dans la marginalité, celle dont personne ne veut. Un parti communiste qui ne se laisse pas ballotter au gré des vents, qui sacrifie tout à des alliances avec des gens au demeurant sympathiques mais en qui personne n’a confiance... Ce parti communiste là n’existe plus. On l’a détruit, il est inutile de le regretter.
Le seul qui dans ce camp ne connaît pas une totale débâcle est Olivier Besancenot, ça aussi c’était prévisible parce qu’il est le seul à avoir su se dégager du magma de l’union anti-libérale alors que le PCF non seulement n’a pas pu ou n’a pas su à temps (à la fête de l’Huma) prendre la décision qui s’imposait, à savoir que ce rassemblement ne menait à rien, mais l’a payé au prix fort de sa propre division. Et il va le payer au prix fort des législatives parce qu’un grand nombre de ses députés ne se représentent pas et qu’il y a en embuscade, pour achever la bête, tous ceux qui n’ont cessé de trahir, de fournir des troupes dérisoires à un José Bové. Olivier Besancenot, dégagé de ce magma, a eu un langage clair de communiste. Il faut en tirer leçon et voir sur quelles bases on peut effectivement rassembler. En étant bien entendu qu’il y a des rassemblements qui affaiblissent.
Quelle que soit la sévérité de ce diagnostic il faut désormais avancer, le pessimisme est un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre, il va falloir résister sur les fondamentaux, l’emploi, le pouvoir d’achat, le logement mais il va falloir le faire en imaginant l’avenir, le socialisme du XXI e siècle. Et se dire que la question qui nous est posée est aussi celle de la survie de l’humanité. Serons-nous capables de ce mélange de réalisme têtu et de vision large ?
Ultime question, ce texte, cette interrogation, cette contribution au débat, sera-t-il une fois de plus censuré avec tant d’autres parce que le pouvoir fut-il celui d’un roitelet de groupuscule ne veut entendre que sa chanson ?
Danielle Bleitrach
- Lire en portuguais http://resistir.info
On peut, on doit, on va gagner le 6 mai : tous unis dans un formidable front contre Sarkozy ! par Gérard Filoche.