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Egypte : Et, le Soleil se leva !...

«  Chaque matin, pour gagner mon pain, je vais au marché où l’on vend des mensonges et plein d’espoir, je me range du côté des marchands… »
Jean-Luc Godard (1)

Et, le Soleil se leva !...

Cette image du splendide poème chanté par l’artiste québécois Richard Desjardins ne me quittait pas face à la joie du peuple Egyptien, à l’annonce de la démission du tyran qui l’opprimait dans la sauvagerie et la honte depuis plus de trente ans.

Dans sa chanson, Richard dénonce l’Empire qui surgit pour asservir un peuple. Avant de le spolier, le violenter, sous la menace, le chef de la soldatesque demande dans un mégaphone : «  Qui est le chef ? Et, qu’il se lève ! »…

«  Et, le Soleil se leva !… ».

Magnifique métaphore, pleine vérité. Le Temps, l’Histoire, triomphent toujours de la violence, de l’arrogance de ceux qui pensent que l’esclavage des peuples et nations est le privilège éternel du plus Fort.

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L’aveu

Obama n’est jamais paru aussi pathétique que dans sa déclaration, prenant acte du renversement de son protégé. Je le regardais en direct sur une TV : visage fermé, élocution crispée, une tête d’enterrement ! En complet déphasage avec les propos qui se voulaient empreints de sympathie à l’égard de la nation Egyptienne rassemblée dans une immense allégresse. Les déclarations des pantins-vassaux européens, qui suivirent, ne valaient guère mieux.

Dans ce non-dit, lugubre, du président des USA : l’aveu…

D’une immense défaite pour l’Empire.

D’abord psychologique. Remettant en cause son emprise sur la région, fissurant toutes les dictatures installées par ses soins et ses armes. Jusqu’au bout, les USA, Israël, l’Europe, les occidentaux, ont essayé de sauver le dictateur, leur créature depuis des décennies. Souhaitant écraser la Révolution, ils voulaient faire tirer sur la foule, comme ils l’ont fait dans de multiples pays pour sauver les dictatures à leurs ordres.

Installant pour cela, en tant que vice-président, le tortionnaire de son régime sanguinaire, surnommé «  Sheikh Al-Torture »… Un tueur sans état d’âme, réputé pour son "raffinement" . Se livrant, entre autres pratiques suaves pour terroriser davantage ses victimes lors d’interrogatoire qu’il lui arrivait de superviser personnellement, à l’exécution d’un détenu au préalable réduit en loque, par un coup de karaté …

Tirer sur la foule. Comme à Bangkok, il n’y a pas si longtemps. Comme ils l’avaient fait lors de la révolte des Mexicains rassemblés pacifiquement, en famille, sur la grande place de Tlatelolco. Des centaines de morts, disparus, suite à la fusillade de l’armée mexicaine, la nuit du 2 octobre 1968. (2)

En Egypte, les occidentaux avaient à leurs bottes tout l’appareil répressif, police et services secrets, la garde présidentielle, et l’armée de l’air. Ils n’ont pas réussi à faire adhérer l’armée de terre, à part quelques généraux, à leur projet. C’est ce qui a fait basculer la décision. Gênés aussi, les temps changent, que le reste de la planète les observe "à la fenêtre" , regardant jusqu’où leur cynisme allait les mener, grâce aux liaisons Internet difficile à censurer.

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Le déni

Bien sûr, perdre une bataille n’est pas perdre la guerre se disent les stratèges de l’Empire. Ils vont tout faire pour mettre en pratique ce qu’ils savent si bien faire, et qu’ils sont en train de programmer en Tunisie. Trois objectifs immédiats :

i) Conserver la politique étrangère et la défense nationale

Bloquer par tous les moyens une évolution politique similaire à celle de la Turquie, qui a réussi à conforter son régime parlementaire après avoir remis les militaires à leur juste place : celle des casernes. Leur rôle n’étant pas de gouverner. Car, ce n’est pas l’exemple Iranien qui leur fait peur, mais l’exemple Turc.

La Turquie, pays de 75 millions d’habitants en pleine croissance économique, s’émancipe de plus en plus. Faisant entendre sa voix et ses désaccords. Erdogan est le seul chef d’Etat à avoir, au sommet de Davos de 2009, dit publiquement ses quatre vérités à Simon Perez sur les crimes commis en Palestine…

On a vu aussi le courage des Turcs, lors du massacre de la Flottille de la Liberté apportant une aide humanitaire à la population de Gaza. Ils viennent de sortir un film sur ce crime contre l’humanité et acte de piraterie, non condamnés par l’ONU, qui connaît un succès international : Valley of the Wolves Palestine.

Une suite au célèbre film donnant lieu a une série TV, La Vallée des Loups en français, sur le comportement de la soldatesque occidentale en Irak avec, notamment, la condamnation d’une de leurs pratiques favorites le massacre des populations lors des mariages…

Films et séries, évidemment, censurés en Occident et dans les dictatures à son service.

Le dynamisme de leur industrie cinématographique produisant Films et séries TV à gros budgets, dont l’engouement dans les pays arabes et ailleurs est colossal, inquiète beaucoup les spécialistes de la désinformation. Il est le signe de l’indépendance ultime : celui de la réappropriation de sa Culture et de son Histoire. Allant à l’encontre des schémas de propagande et d’autosatisfaction de l’Empire.

Si cette attitude à la "de Gaulle" se généralisait au Moyen-Orient, cela va faire subitement beaucoup «  d’indépendances » à gérer. Et, sombre perspective, annonciateur de la fin des multiples bases et centres de tortures occidentaux dans la région, couvrant les pillages…

Il est, en conséquence, vital, prioritaire, pour l’Empire de conserver à son seul usage les privilèges d’une authentique souveraineté de l’Egypte : la politique étrangère et les forces armées. Pour cela, truquer les élections en éliminant tous ceux qui ne voudraient pas souscrire à ses directives, prétendant affirmer une volonté d’autodétermination en politique étrangère et défense nationale.

Pour ce qui est de la prétendue aide et assistance militaire, d’environ 1,5 milliard de dollars chaque année (l’aide civile n’est que de 250 millions de dollars…), rappelons qu’elle retourne à son point de départ puisque les achats d’armes bénéficient aux industries de l’armement US. De plus, dans du matériel dépassé, obsolète, ou "bridé" , et largement tourné vers la répression, les performances du matériel livré, tant des forces terrestres qu’aériennes, étant contrôlées par Israël.

ii) Conserver la mainmise sur l’économie égyptienne

Le contrôle l’appropriation du système économique est un gage de servitude. L’Egypte la subit déjà . Elle va être renforcée : système bancaire et financier, services publics rentes de situation type télécoms, eau, transport, etc., investissements et industries de sous-traitance, avec interdiction d’accès aux hautes technologies dans tous les domaines, étant les principales orientations fixées.

Comme en Afrique du sud, où la chute de l’apartheid a permis la création d’une petite bourgeoisie, hormis les dignitaires politiques rapidement corrompus. Mais, le peuple Sud-Africain dans son immense majorité vivant dans la misère, encore spolié des gigantesques richesses minières du pays. Restant toujours la propriété des occidentaux, essentiellement par l’intermédiaire de groupes miniers canadiens ou australiens.

iii) Empêcher toute "épuration"

Ne pas toucher à l’infrastructure de l’appareil répressif. Eviter toute "vague" qui étalerait bien des secrets d’Etat. Imposer une ’commission de réconciliation’, comme les occidentaux l’ont imposée en Afrique du sud. Pour étouffer toute épuration, procès publics, nationalisations des biens spoliés, et condamnations de tous les tortionnaires, profiteurs, indics et ’collabos’ de la dictature. L’essentiel, dans ce type d’opération, de mascarade, n’étant pas la réconciliation nationale mais avant tout bloquer toute fuite démontrant l’implication des occidentaux dans la répression, son organisation, sa mise en place de moyens, ses conseils techniques et l’apport de ses spécialistes es-tortures.

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Tartuferie et Torture

Evidence : aucune remise en cause de la politique de l’Occident. Les médias de l’Empire, très réactifs à la suite du discours d’Obama, déballaient sans transition leur nouvel arsenal de propagande. Chantant les louanges d’Obama et de l’Occident des Lumières, qui grâce à leur patiente sollicitude avaient conduit les pays arabes à l’âge adulte, parvenant enfin à se libérer des dictateurs, et de leurs régimes corrompus, qu’ils s’étaient choisis…

Cynisme sans borne.

J’entendais sur une chaîne de TV un ’politologue-spécialiste du monde arabe" dire que cela allait faire tâche d’huile et s’étendre en Chine !... Apparemment, ce distingué ’expert-du-monde-arabe’, emporté dans sa fulgurante analyse se retrouvait en Asie, par vol sans escale, après avoir survolé la Jordanie, l’Arabie saoudite, le Yémen, les monarchies pétrolières d’opérette, les yeux fermés !... (3) Tout juste s’il n’allait pas se retrouver au Venezuela ou, encore, à Cuba.

On a beau se vouloir adepte du pacifisme et de la non-violence, sincèrement : il y a des paires de claques qui se perdent. Alors que l’écroulement de l’idéologie du Choc des Civilisations devrait emmener, immédiatement, les pays occidentaux à une profonde remise en cause de leur vision, de leur politique étrangère... C’est l’aveuglement impérial qui poursuit sa course, dans le mur. Cet obscurantisme, ce fanatisme, qui nous déconsidèrent aux yeux du reste de la planète.

Se posent en effet trois exigences, que notre tartuferie n’est plus en mesure de contourner :

1. Arrêter l’instrumentalisation des Droits de l’Homme et de La Dignité Humaine servant à couvrir nos crimes et complicités, mais en réaffirmer, en renforcer les obligations :=> Condamner la torture. Mettre au ban des nations, les régimes et les personnes qui l’organisent, la pratiquent. Les traduire devant le Tribunal International de la Haye pour crimes contre l’Humanité. Qui sont, rappelons-le, imprescriptibles !=> Condamner la pratique de l’internement de toute personne sans procès. Ce sont des milliers de personnes qui croupissent dans les geôles des dictatures, et entreprises coloniales occidentales de la Palestine à l’Afghanistan.=> Condamner l’enlèvement de tout national, quel qu’en soit le prétexte, jugé par des tribunaux qui ne sont pas de son pays pour des crimes réels ou supposés commis sur le territoire de sa nationalité. Guantanamo étant l’archétype de l’abjection pour l’Occident, quant à cette pratique banalisée.=> Interdire l’internement des enfants dans la stricte application de La protection des Enfants imposée par la charte de l’ONU. On parle des ’enfants soldats’, mais jamais des ’enfants emprisonnés’ pour fait de Résistance, aux dictatures, aux aventures coloniales, en Palestine, en Irak, en Afghanistan. Des milliers.

2. Condamner le racisme anti-arabe et l’islamophobie qui sont des instruments de propagande dans les pays occidentaux. Encouragés, bénéficiant de tous les moyens, dans tous nos médias, dans l’impunité absolue. Avec pour effet d’endoctriner les opinions publiques afin de camoufler nos soutiens aux dictatures et les pillages auxquels nous nous livrons dans leurs pays.

3. Revoir nos principes et actions diplomatiques qui soutiennent les régimes sanguinaires opprimant les populations civiles, sur tous les continents, dans des élections truquées dont toute opposition est bannie, si ce n’est sous forme de simulacre.

Mesures, principes et dispositions ne sont que chiffons de papier si nos propres dirigeants, responsables, politiques, économiques, n’ont aucune éthique.

Voir nos dirigeants, tous partis confondus, se rendre en vacances dans des dictatures, à l’invitation des tyrans pour être logés dans des palaces, en caravane, avec femme, concubines et courtisans est, non seulement, une honte, mais encore, un crime, du moins une complicité de crime. Se piquant de philosophie, de culture, d’art, de méditation, devant des monuments antiques, sachant qu’hommes, femmes, enfants, sont torturés, internés arbitrairement, pour s’être révoltés contre l’injustice dans le pays hôte.

Car, comme je ne manque pas de le répéter, à ce niveau de responsabilité :i) Soit, on ne le sait pas et c’est inadmissible, toutes les informations étant disponibles par de multiples canaux officiels et officieux. En ce cas là  : on est un nul, un incompétent, dans l’exercice de ses fonctions.ii) Soit, on le sait et on fait semblant de ne pas le savoir et, en ce cas, on est aussi abject que les dictateurs sanguinaires qu’on cautionne.

Face à cette répugnante tartuferie, les Peuples de Tunisie, d’Egypte, viennent de nous donner une leçon de courage et d’éthique. Souhaitons qu’ils connaissent enfin la paix, la prospérité, l’épanouissement qu’ils méritent. Partageons leur joie.

Pour avoir évoqué la longe lutte du Peuple de l’Afrique du sud pour sa libération de l’apartheid, lutte se poursuivant plus souterraine pour la réappropriation de ses richesses nationales, je leur dédie l’émouvante chanson de Johnny Clegg, Asimbonanga. Dans cette chanson, il célèbre cette lutte universelle, la mémoire des principaux résistantes et résistants assassinés, souvent sous la torture : Steve Beko, Victoria Mxenge, Neil Aggett…

A la mémoire de Mohamed Bouazizi, de tous les Tunisiens, de tous les Egyptiens, et tous ces combattants de la liberté de par le monde, assassinés, torturés, humiliés, par les dictatures et les colonisateurs, avec la complicité de La Communauté Internationale.

Johnny Clegg chantant en zoulou :

Asimbonang ’umfowethu thina Laph’ekhona,
Laph’wafela khona

Notre frère n’est plus là 
Là où il vivait Là où il est mort…

Georges STANECHY

(1) Phrase dite, dans son film Le Mépris, par Fritz Lang.

(2) Lire le poignant ouvrage, compilations de témoignages sur ce massacre : La Noche de Tlatelolco d’Elena Poniatowska, Ediciones Era, México D.F, 1971 (réédition 2001). Notons que son livre, extraordinaire d’émotion et de vérité historique, à ma connaissance n’a pas encore été traduit en français. Le niveau de carnage et de sauvagerie avait révolté la conscience du chef de la CIA au Mexique, Philip Agee. Pourtant, pas le genre «  tendre ». A tel point qu’il s’est réfugié à Cuba et à passé le reste de sa vie à dénoncer les agissements assassins de l’Empire, malgré les menaces de mort pour lui et sa famille.

(3) Perles vues et entendues, entre autres, sur la chaîne française «  i-télé »…

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J’ai vu des démocraties intervenir contre à peu près tout, sauf contre les fascismes.

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