Le Journal du Dimanche s’amuse : “Dans cette petite pièce, il y a bien une table mais que quatre chaises pour neufs personnes. "C’est sûr, ce n’était pas un hôtel quatre étoiles", dit avec malice le communiste parisien Ian Brossat, l’un des acteurs des discussions. Pour parler tambouille, les voici donc "dans la cuisine pour des raisons pratiques", précise Rémi Féraud, qui, en tant que directeur de campagne d’Anne Hidalgo, mène les discussions. Savoir : les deux autres salles de ce local parisien étaient occupées”.
Ainsi que toutes les pièces de l’hôtel de ville et de la rue de Solférino, pardi !
Au lendemain du premier tour des municipales de mars 2014, une délégation du Front de gauche conduite par Alexis Corbières, conseiller de Paris, premier adjoint à la mairie du 12 ème et secrétaire national du Parti de Gauche était reçue, à sa demande par les représentants d’Anne Hidalgo pour une entente de 2ème tour. Parmi ces derniers, Ian Brossat, PCF, conseiller PCF de Paris, président du groupe communiste au Conseil de Paris.
Ian Brossat a été candidat aux élections législatives de 2012 sous l’étiquette du Front de gauche, pour la 17e circonscription de Paris.
Fin 2012, Bertrand Delanoë lui a confié la présidence de la SemPariSeine, une des plus importantes sociétés d’économie mixte de la Ville de Paris, qui gère notamment le chantier des Halles.
En 2014, Brossat est devenu porte-parole adjoint de la campagne d’Anne Hidalgo, aux côtés de Bruno Julliard, Rémi Féraud (également codirecteur de campagne).
On trouvera par le lien ci-dessous le récit intégral de l’hallucinante « rencontre du placard à balais » entre les représentants du Front de Gauche et ceux du PS.
http://www.alexis-corbiere.com/index.php/post/2014/03/25/Le-PS-entre-caporalisme%2C-arrogance-et%E2%80%A6-local-%C3%A0-balai
Lisons sans tarder cet extrait : « Le clou de la soirée sera quand Ian Brossat, décidément en grande forme ce soir-là, déclarera que si nous étions amenés à rédiger ensemble quelque chose, il faudrait d’abord reconnaitre en l’écrivant que nous avons eu tort de présenter des listes autonomes et tort de critiquer publiquement le programme d’Anne Hidalgo. En l’écoutant, j’ai eu honte pour lui. J’avais à ce moment-là, sous les yeux un beau spécimen, passionnant pour nombre de psychanalystes, de quelqu’un qui, il y a quelques mois encore, lors de la consultation interne des communistes, était favorable à des listes Front de Gauche autonomes du PS, qu’il était même prêt à conduire, mais 6 mois plus tard, demandait à ceux qui avait porté cette ligne, d’écrire qu’ils avaient eu tort de le faire, et d’expier leurs péchés en quelque sorte. En l’écoutant, des images tristes m’ont traversé l’esprit. Processus classique, hélas. La cruauté de la face sombre de la politique dévore parfois ses enfants les plus prometteurs. Un jeune ambitieux plein de talent, mais qui agit sans stratégie réelle, si ce n’est le maintien immédiat de sa position acquise et du confort matériel qu’elle entraine, ne devient avec le temps qu’un vieil ambitieux dont l’intelligence n’aura servi qu’à tout justifier, n’importe comment, dans n’importe quelle condition, même si c’est l’inverse de sa pensée d’hier. Sur un plan plus personnel, j’ai compris à cet instant que j’avais perdu un ami, mais sans doute que c’était déjà le cas depuis plus longtemps ».
Et maintenant, lisons cet article écrit par Ian Brossat en novembre 2010 (« Mais ça, c’était avant ! » ).
« Qui a peur du Front de Gauche ?
Où s’arrêtera l’escalade verbale ? Jean-Paul Huchon a dégainé le premier : sur le site internet de l’hebdomadaire l’Express, le Président du Conseil régional d’Ile-de-France affirmait il y a deux semaines que :
« Jean-Luc Mélenchon est pire que Le Pen ».
On appréciera le sens de la nuance. Il y a quelques jours, dans Le Parisien dimanche, Manuel Valls lui emboîtait le pas en le qualifiant de « danger pour la démocratie ». On se pince : à l’heure où le gouvernement adopte une loi sur les retraites rejetée par 70% des Français, dénoncée par 8 centrales syndicales, repoussée par des millions de manifestants qui se sont retrouvés à l’occasion de journées de mobilisations nationales, la République se trouverait menacée... par le Front de Gauche ! Il y a trois jours, c’était au tour de Daniel Cohn-Bendit de renchérir sur ses deux comparses en reprochant au même de « labourer sur les terres du FN ». Sans doute jaloux que les deux autres lui aient volé la politesse, l’eurodéputé était forcé de franchir un cap supplémentaire. C’est désormais chose faite.
On serait tenté de balayer ces déclarations d’un revers de main tant l’outrance disqualifie ceux qui les ont proférées. Mais le procédé finit par être trop systématique pour qu’il puisse être laissé sans réponse. Il convient que chacun mesure les conséquences pratiques de tels propos. Parler ainsi, c’est ériger au coeur de la gauche un mur infranchissable. C’est diviser celle-ci au point de rendre impossible toute forme de rassemblement. Comment en effet créer les conditions de l’unité si l’on affirme dans le même temps que ses partenaires potentiels sont « pires que le Pen » ? Pour le Front de Gauche, les choses ont été claires de ce point de vue. Au premier tour, on choisit. Et force est de constater que les choix à gauche sont divers. Au second tour, on se rassemble. C’est d’ailleurs cette logique qui a prévalu aux élections régionales en Ile-de-France, lorsque Jean-Paul Huchon a accueilli sur la liste du second tour des candidats du Front de Gauche. C’est cela que nos trois larrons sont en train de détruire.
Et puis franchement, au moment où le Front National semble reprendre du poil de la bête, ces propos sont d’une irresponsabilité stupéfiante. S’ils avaient eu l’intention de banaliser l’extrême-droite, ils ne s’y seraient assurément pas pris autrement.
Alors pourquoi ? Comment comprendre une telle escalade ? Une hypothèse peut-être : ces trois-là nous ont souvent dit qu’une victoire de la gauche passerait forcément par la case Modem. Il se trouve que depuis, la crise est passée par là, le Front de Gauche a entamé une belle dynamique et le mouvement social sur les retraites a placé la question sociale au coeur du débat politique. C’est peut-être cela, au fond, qui chagrine Huchon, Valls et Cohn-Bendit. Un sondage paru dans l’Humanité Dimanche la semaine dernière révèle que les électeurs attendent de la gauche des ruptures franches avec le système capitaliste. Ils plébiscitent l’augmentation des salaires, les hausses d’impôts sur les hauts revenus, l’encadrement des prix de l’immobilier. Autant de pistes qui hérissent le poil de nos trois comparses. C’est juste une idée, mais quelque chose me dit que c’est ce qui leur faire perdre le sens commun ».
Si la gauche conserve Paris dimanche, il faudra en remercier des électeurs du Front de gauche qui attendent que leurs représentants nationaux soient reçus par le PS dans le local à poubelles avant de s’énerver pour de bon.
Vincent MORET