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Colombie : Le dilemme de Dieterich, par Numancia Martà­nez Poggi.


Caracas, vendredi 6 janvier 2006.


Durant les années 1990, les militants antiimpérialistes étaient friands des articles publiés par Heinz Dieterich. Quand la confusion emportait les amis, quand la droite la plus réactionnaire s’imposait lourdement, quand l’égoïsme s’emparait des meilleures âmes, une poignée d’intellectuels ont impassiblement maintenu la flamme de l’espoir. Commentant l’évolution de l’Amérique latine avec une érudition précieuse, offrant ses idées à la lutte, Dieterich étaient de ceux-ci. Il demeure un militant, intellectuel, précieux. Ses articles sont toujours aussi éclairants pour les militants soucieux de saisir l’évolution de l’Amérique latine d’aujourd’hui. Dieterich, se tenant à l’écart du verbiage prétendument idéologique, inopportun, souvent encombrant, est cependant doté de la plus classique formation marxiste, politique, philosophique et historique. Les instruments du marxisme, recours indispensable, ne sont jamais loin derrière les éclairages apportés par Dieterich. Défendre la plus large unité du mouvement souverainiste latino-américain, si longtemps attendu, lui paraît cependant le plus important.

Le mouvement souverainiste de l’Amérique latine trouve dans tous les pays les expressions les plus diverses comme il est naturel ; parfois encore à peine embryonnaire, parfois déjà solidement installé comme au Venezuela. Le cas de la Colombie est atypique. La modalité du paramilitarisme, instrument de répression de prédilection de l’oligarchie colombienne, est tellement ancrée dans la culture politique que le président actuel, Alvaro Uribe Vélez, est issu de ses rangs. Le paramilitarisme est au pouvoir en Colombie, le narcoparamilitarisme pour être précis. Les compromissions d’Uribe Vélez dans le narcotrafic sont de notoriété publique. En dehors des para-militaires, les militaires états-uniens sont également présents en Colombie, militaires proprement dits et mercenaires employés par les agences de sécurité spécialisées dans les interventions armées à l’étranger. Trois mercenaires de cette engeance sont d’ailleurs aujourd’hui détenus, prisonniers de guerre, par les Insurgés des FARC-EP.

La gauche non armée, héroïque et tenace, converge aujourd’hui vers la construction de l’espoir unitaire de tout le peuple colombien en résistance. Elle doit déployer des trésors de patience, oeuvrer avec la plus grande précision, contourner tous les obstacles pour pouvoir exister légalement. Elle affronte un dispositif répressif multiforme parfaitement rodé : la répression légale détient en prison des dizaines de milliers de militants populaires pacifiques, le plus souvent accusés de rébellion ; la répression illégale, le fléau du paramilitarisme, assassine de façon systématique, et dans la plus totale impunité, des centaines de militants syndicalistes, des leaders étudiants, des leaders paysans, des organisateurs populaires. Les massacres de villages considérés, à tort ou à raison, amicaux envers les Insurgés sont monnaie courante.

C’est dans ce panorama qu’existent les FARC-EP, Forces Armées Révolutionnaires de Colombie, armée du peuple colombien en résistance pour sa souveraineté et pour la justice sociale. Bien des cadres des FARC-EP sont des survivants du génocide dont ont été victimes les militants de l’Union Patriotique (UP), mouvement de gauche non armé. Cas emblématique, Simón Trinidad, bien né, militant inlassable de l’UP, très en vue, qui pour échapper au grand massacre a dû poursuivre à la montagne le combat pour la justice sociale. Devenu guérillero intrépide et discipliné, cadre mesuré et avisé, il participe aux Dialogues FARC-EP-Gouvernement jusqu’en février 2002. Capturé en civil lors d’une mission à Quito, en Equateur, il a été déporté aux Etats-Unis il y a un an par le servile Uribe Vélez. Ce dernier, narco-paramilitaire parfaitement identifié par les services états-uniens, déporte Simón Trinidad -militant anti-impérialiste, civil contraint à la vie de guérillero- sous l’accusation de narcotrafic ! avec bien entendu le soutien enthousiaste des medias dominants.

Les FARC-EP appartiennent au Forum de Sao Paolo, regroupant l’ensemble des forces communistes et progressistes de l’Amérique latine. Les FARC-EP sont une véritable armée populaire, elles cohabitent avec le paysannat modeste dont elles sont l’expression politique ; elles sont présentes sur l’ensemble du territoire colombien comme une véritable armée nationale. Malgré toutes les fanfaronnades du président Uribe Vélez la guérilla colombienne est aujourd’hui plus forte qu’il y a trois ans, plus forte que jamais. Les analystes proches de l’oligarchie admettent à l’occasion que les FARC-EP sont invincibles.

Aujourd’hui, dans l’article ""Evo Morales, el socialismo comunitario y el Bloque Regional de Poder’’, Diario Vea et Rebelión, jeudi 5 janvier 2006, Dieterich, fait remarquer que « les commentaires de Fidel concernant les FARC ont été très clairs, tout comme la position du commandant Chávez, lequel a déclaré lors de sa récente rencontre avec Uribe Vélez à Santa Marta : ""nous voulons que les mouvements armés se pacifient’’ ». Plus loin Dieterich considère que « La décision stratégique de tous les présidents du BRP pour la voie institutionnelle -qui provoque un sérieux dilemme pour les FARC- a joué un rôle clé dans la grande alternative de cette année en Bolivie concernant un soulèvement armé à la façon de la révolution de 1952 ou la prise du pouvoir par la voie électorale. »

Ce commentaire de Dieterich, au détour d’un article concernant la Bolivie, concerne particulièrement la guérilla colombienne. Pour le reste du continent l’éventuelle décision stratégique des présidents du BRP n’a pas beaucoup d’intérêt, vu l’absence de forces armées révolutionnaires insurgées, hors l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) dans le sud du Mexique. La décision stratégique de tous les présidents du Bloc Régional de Pouvoir, si elle existe, n’aura aucune influence sur la situation colombienne. Le choix de la lutte armée pour le peuple colombien est un choix par défaut.

Depuis l’assassinat de Jorge Eliécer Gaitán le 9 avril 1948 par la CIA la Colombie populaire combat par tous les moyens possibles, y compris par la lutte pacifique. La stratégie des FARC-EP élaborée par Jacobo Arenas, la combinaison de toutes les formes de lutte, constitue la meilleure réponse possible aux conditions de répression de la Colombie depuis un siècle.
L’évaluation du sacrifice du peuple colombien a été faite au cours de l’histoire : la gauche anti-impérialiste est beaucoup plus en sécurité dans la montagne derrière les fusils de l’émancipation que sur la tribune publique occasionnellement et chichement concédée par l’oligarchie politique.


Durant les années 1990, si les FARC-EP avaient cédé, militairement et politiquement, le continent se serait retrouvé ouvert à tous les vents de la furie interventionniste gringa. La Révolution bolivarienne au Venezuela, la Revolución Bonita, isolée à ses débuts, aurait pu se retrouver avec les forces interventionnistes à ses frontières, alliées aux paramilitaires les plus sanguinaires du continent. D’autres guérillas auraient pu céder, renoncer, se ranger, accepter des postes de consolation pour ses guérilleros, mais les FARC-EP sont une armée populaire bolivarienne, basée sur des principes simples mais solides. La résistance offerte par le peuple colombien, y compris non armé, face à l’interventionnisme états-unien, représente un apport conséquent à la défense de la souveraineté continentale. Sans la résistance tenace du peuple colombien la Zone de Libre-échange des Amériques (ZLEA - ALCA) serait probablement une réalité aujourd’hui. Le poids de l’intervention gringa en Colombie, une sorte d’Irak non médiatique, complique déjà en soi tout nouveau projet d’intervention sur le continent. De plus la guérilla colombienne empêche les forces impérialistes de transformer la Colombie en base sûre à partir de laquelle pourraient être menées toutes les opérations, toutes les interventions, sur le continent.

L’option d’issue pacifique au conflit serait bien entendu la moins douloureuse pour le peuple colombien. Le conflit colombien étant un conflit politique les Négociations seront nécessairement de nature politique. Le Processus de Paix traîtreusement sacrifié en février 2002, dès mai 2002 les FARC-EP ont déclaré qu’elles étaient disposées à reprendre les Négociations de Paix avec le gouvernement à tout moment, pour peu que ce dernier en finisse avec le paramilitarisme et démilitarise les départements de Caquetá et Putumayo. Faute de reprise des Négociations, les FARC-EP proposent un Echange Humanitaire qui concernerait les militaires et personnalités politiques détenues par elles et les guérilleros détenus par l’Etat colombien. Pour cet Echange humanitaire le dégagement de deux municipalités, Pradera et Florida dans le Valle del Cauca, est indispensable. Ce sont les tergiversations de l’armée et de l’oligarchie qui empêchent sa réalisation.

Les guérilleros des FARC-EP ne renonceront à leur lutte que lorsque la Colombie sera émancipée, débarrassée de l’oligarchie et de la domination impérialiste. C’est une décision évaluée depuis longtemps et c’est le prix de la loyauté aux principes bolivariens. C’est aussi la meilleure façon d’honorer les combattants tombés, tous les combattants latino-américains. L’autorité des FARC-EP sur le continent et leur enracinement dans le peuple colombien les placent à l’abri d’éventuelles décisions stratégiques hâtives. Modestes, et respectueuses des forces anti-impérialistes sur le continent et dans le monde, les FARC-EP malgré leur prestige accumulé n’auront quant à elles certainement jamais l’arrogance d’impliquer des forces alliées, des forces amies, dans leurs choix stratégiques et politiques.

Numancia Martà­nez Poggi


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