RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

CMLA*-Texte intégral de l’allocution de Habib Kazdaghli, à l’issue de sa consécration "Doyen Courage"

Je remercie toutes les personnalités du monde universitaire qui ont estimé que je méritais ce prix ô combien symbolique. C’est un prix qui dépasse ma modeste personne même si, personnellement, je suis fier de l’accepter et le recevoir.

J’interprète cette récompense comme un hommage à la Tunisie moderne qui a misé sur le savoir, sur l’ouverture, sur le progrès et sur la liberté de la femme, à l’école et à l’Université tunisienne qui ont mis en œuvre le projet moderniste et réformiste tunisien dont le collège Sadiki, une institution scolaire prestigieuse fondée en 1875 et qui a formé l’élite qui a permis à la Tunisie d’accéder à l’indépendance et de fonder un Etat moderne.

C’est un présent offert à la société civile, aux femmes de Tunisie, à la jeunesse tunisienne instruite, mais qui est restée marginalisée et au chômage.

Grâce à la mobilisation et à la vigilance de cette jeunesse, la Tunisie a pu élaborer, certes avec beaucoup de retard mais aussi avec beaucoup de panache, une Constitution qui reste, en dépit de quelques ambiguïtés, fidèle au projet réformiste et moderniste tunisien et qui a été saluée comme un exemple à suivre pour les pays où la démocratie est en gestation.

C’est aussi un cadeau qui récompense toutes les militantes et tous les militants qui ont défendu une idée de l’université conçue comme un pont vers l’universel, comme un espace du renouvellement du savoir.

Je ne peux m’empêcher, en recevant ce prix, d’avoir une pensée à la mémoire des fondateurs de la Tunisie moderne, à Habib Bourguiba, à Tahar Haddad, à tous les réformistes tunisiens qui ont essayé, dès le XIXème siècle, de faire la synthèse entre les différents apports historiques engrangés par la Tunisie à travers sa longue histoire et la modernité avec tout ce qu’elle comporte de rationalité.

J’ai une pensée émue pour les hommes courageux tombés pour la liberté, à mon avocat Chokri Belaid, froidement assassiné devant son domicile le matin du 6 février 2013, au député Mohamed Brahmi, lâchement assassiné devant chez lui le 25 juillet, en présence de sa femme et de ses enfants, le jour de la fête de la République, aux soldats tunisiens égorgés par les terroristes et aux forces de la police, fervents patriotes et ardents défenseurs de la liberté et des Lumières contre les forces de l’obscurantisme.

Je le dédie à ma famille, à la mémoire de mon père et à ma mère pour qui l’école était une seconde religion. A chaque début d’année, il leur arrivait d’emprunter de l’argent pour que chacun des quatre enfants qui composaient leur famille ait ses fournitures scolaires et son trousseau. Je le dédie à ma femme et à mes trois enfants qui ont supporté ces moments difficiles et qui continuent à m’apporter tout le soutien nécessaire.

Je le dédie à mes collègues universitaires, aux doyens et aux directeurs des autres établissements qui m’ont apporté soutien et force, au Conseil scientifique de ma Faculté, à tous les enseignants de ma Faculté de La Manouba et notamment à mes collègues femmes, à tous mes collègues et amis démocrates et syndicalistes, aux administrateurs et ouvriers de ma Faculté, à mes étudiants, à mon collègue et ami Habib Mellakh qui a immortalisé ces moments de souffrance, de résistance et d’espoir dans un livre intitulé Chroniques du Manoubistan, publié à Tunis, début 2013.

Je dédie ce prix aux agents de la police et à la Garde nationale du district de La Manouba, aux agents armés faisant partie de ma garde rapprochée dont je ne peux dévoiler les noms, au soldat anonyme de garde devant mon domicile et qui s’est présenté devant ma porte à la fin du mois de janvier dernier, fusil à la main, pour me dire : « Nous sommes là, monsieur le Doyen, au bas l’immeuble, nous serons là toute la nuit, dormez monsieur le Doyen, ne craignez rien ! ». Le lendemain, j’ai pu me rendre compte qu’il y avait un camion plein de soldats qui avait passé la nuit dans mon quartier en prévention d’un danger contre lequel j’étais désarmé.

Je veux aussi remercier vivement les amis de la Tunisie, qui nous ont soutenu sans relâche, je remercie Scholars at Risk et à sa tête le dynamique Rob Quin dont j’ai fait la connaissance grâce à son collègue, Mustapha Tlili.

Je remercie les nombreux comités de soutien qui s’étaient formés à Paris, Toulouse, Bruxelles, Londres, Rome pour écrire, pour alerter leur gouvernement et protester auprès des représentations tunisiennes à l’étranger contre les atteintes aux libertés académiques en Tunisie et contre le procès inique monté de toutes pièces pour me punir d’avoir défendu l’Université.

Un grand merci également aux journalistes tunisiens et étrangers auteurs d’articles et d’émissions destinés à faire connaître notre combat auprès du large public.

Enfin, une pensée à Khaoula Rachidi qui a défié le brigand qui a voulu remplacer le drapeau national par un drapeau symbolisant la terreur et la peur. Elle a risqué sa vie en ce matin du 7 mars 2012 pour défendre la Tunisie et son université, le savoir et les Lumières. Ce moment restera gravé dans l’histoire de la Tunisie.

Khaoula a prouvé que l’émancipation de la femme était un élément fondamental de la modernité. C’est ce qu’avaient bien compris les pères fondateurs de la Tunisie moderne parmi lesquels le visionnaire Habib Bourguiba auquel je rends un nouvel hommage qui rejoint celui que la Tunisie des Lumières vient de lui rendre en célébrant avec beaucoup d’éclat, il y a trois jours, le quatorzième anniversaire de sa disparition.

..................................................................................................................................................................

* CMLA=Congrès Mondial des Libertés Académiques. Pour ce qui concerne cette consécration et ses motivations, le lecteur intéressé est invité à consulter mon billet intitulé « Habib KAZDAGHLI consacré "Doyen Courage" » et les références qui y sont citées, paru sur le lien suivant :

http://blogs.mediapart.fr/blog/salah-horchani/100414/habib-kazdaghli-c...

URL de cet article 25161
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

"Pour sauver la planète, sortez du capitalisme" de Hervé Kempf
René HAMM
Le titre claque comme un slogan que l’on clamerait volontiers avec allégresse. Quel immense dommage que si peu de Vert(-e)s adhèrent à ce credo radical, préférant, à l’image de Dominique Voynet Daniel Cohn-Bendit ou Alain Lipietz, quelques commodes replâtrages ! Les déprédations gravissimes de l’environnement découlent d’un mode de production uniquement mû par « la maximisation du profit ». La crise économique actuelle, corollaire des turbulences qui ont frappé la bulle des hedge funds et des subprimes, (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Une fois que vous avez vu certaines choses, vous ne pouvez pas les -voir. Et ne rien voir est autant un acte politique que de voir quelque chose.

Arundhati Roy

Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.