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Le Gouvernement de Francfort

Le résultat le plus significatif des élections au Parlement européen a été le caractère massif de l’abstention : 56, 9 % en moyenne dans les 27 Etats membres de l’Union européenne (UE), avec des pics de 80 % en Slovaquie et en Lituanie. En étant si peu nombreux à se rendre aux urnes, les citoyens ont manifesté au mieux leur indifférence et au pire leur hostilité à l’égard des institutions communautaires, et pas seulement du Parlement. C’était pourtant l’unique occasion dont ils disposaient d’influer si peu que ce soit sur des politiques européennes dont découlent directement les politiques nationales, et qui les affectent donc directement. On ne leur demande pas leur avis sur les propositions d’actes législatifs européens dont la Commission a le monopole, et encore moins sur les décisions que prennent deux institutions dotées de considérables pouvoirs : la Cour de justice des Communautés européennes et la Banque centrale européenne (BCE).

En 2008, la Cour de Luxembourg, interprétant les traités dans un sens ultralibéral, a pris une série d’arrêts ( notamment les arrêts Viking et Laval) qui accélèrent le démantèlement du droit social dans l’UE. C’est en s’appuyant sur les dispositions du traité de Maastricht de 1992 que la BCE, mise en place en 1998 à Francfort, s’est érigée en puissance européenne autonome n’ayant de comptes à rendre à personne. Forte de l’indépendance que lui garantissent ses statuts, elle décide souverainement de la politique monétaire des 16 Etats membres de la zone euro, et il est formellement interdit à quiconque, et en particulier aux gouvernements, de tenter de l’influencer. Non sans arrogance, son président, Jean-Claude Trichet, le leur rappelle régulièrement.

Alors que les taux d’intérêt des opérations principales de refinancement de la Réserve fédérale américaine et de la Banque du Japon sont descendus à zéro, la BCE s’obstine à marquer sa différence en les maintenant à 1 %. D’où une surévaluation de l’euro, nuisible aux investissements et aux exportations européennes. La plupart des gouvernements sont hostiles à cette rigidité monétaire, censée lutter contre une inflation qui n’existe pas, mais ils sont condamnés au silence.

La réciproque n’est pas vraie : la BCE ne se prive pas de juger les politiques gouvernementales et d’admonester les dirigeants abusivement accusés de laxisme, notamment dans le domaine social. En témoigne son dernier Bulletin mensuel, celui de juin 2009 : alors que le taux de chômage moyen des 16 pays de la zone euro a bondi à 9,2 % en avril, et qu’il va continuer à augmenter dans les mois qui viennent et en 2010, les banquiers européens critiquent vertement les mesures de soutien au chômage partiel, prises notamment en Allemagne et en France, afin d’éviter une déflagration sociale. Selon eux, ces mesures, si elles devaient se poursuivre, « réduiraient les incitations au redéploiement des travailleurs entre les entreprises et les secteurs » et ils recommandent leur annulation progressive. Pour la BCE, la crise actuelle, avec la constitution d’une armée de réserve de chômeurs « peut être considérée comme un catalyseur pour accélérer la mise en oeuvre des réformes domestiques nécessaires, notamment des marchés du travail ».

Par « réformes », et « conformément au principe d’une économie de marché ouverte », il faut comprendre flexibilité, précarisation, stagnation ou baisse des salaires et destruction des acquis sociaux. Voilà des orientations et des décisions du « gouvernement de Francfort » sur lesquelles on n’a pas demandé aux électeurs de se prononcer…

Bernard Cassen
pour Mémoires des Luttes (juillet 2009)

http://www.medelu.org/spip.php?article244

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Frédéric Rousseau. L’Enfant juif de Varsovie. Histoire d’une photographie.
Bernard GENSANE
Paris, Le Seuil, 2009 Nous connaissons tous la photo de ce jeune garçon juif, les mains en l’air, terrorisé parce qu’un soldat allemand pointe sur lui un fusil-mitrailleur. En compagnie de sa mère, qui se retourne par crainte de recevoir une salve de balles dans le dos, et d’un groupe d’enfants et d’adultes, il sort d’un immeuble du ghetto de Varsovie. A noter que ce que l’enfant voit devant lui est peut-être plus terrorisant que ce qui le menace derrière lui. Au fil d’un travail très (…)
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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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