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Aux socialistes de l’an II

A propos de "Les socialistes, les altermondialistes et les autres"
de Gaël Brustier*.

« La Révolution leur criait : - Volontaires,
Mourez pour délivrer tous les peuples vos frères !
Contents, ils disaient oui.
(...)
La tristesse et la peur leur étaient inconnues.
Ils eussent, sans nul doute, escaladé les nues
Si ces audacieux,
En retournant les yeux dans leur course olympique,
Avaient vu derrière eux la grande République
Montrant du doigt les cieux ! ... »

(Victor Hugo, ô soldats de l’an deux !, les châtiments).

Que faire quand on est dans les ténèbres totales ? Quand le PS ressemble au théâtre versaillais qu’un portier nous montre furtivement par-delà ses cires tremblantes ? Dans son dernier livre (1), Gaël Brustier fait pivoter notre regard. Car le parti a une histoire : la nôtre.

L’auteur raconte la lutte d’idées et le travail d’une société concrète. Loin derrière : le congrès de Tours qui opposa communistes et sociaux-démocrates. Plus près de nous : l’opposition entre socialistes sur la guerre d’Espagne (agir dans le rapport de forces ou parler de respect du droit). Loin devant : la majorité de travailleurs qu’on croise à l’aube dans les transports en commun et dont on évite le regard éteint. Pour Brustier l’étincelle a jailli de la rencontre avec un Vénézuéla pionnier d’un continent orienté majoritairement à gauche. Pour l’analyse, l’auteur puise beaucoup dans ce que le parti a nourri de plus lucide et visionnaire : le courant du CERES et la pensée de Régis Debray (2).

Qui se souvient d’une ORTF où Jean-Pierre Chevènement dramatisait dans une scénographie noir et blanc digne d’un Hitchcock pour la NBC, les jours de la Commune ? Si l’establishment médiatique relégua le CERES aux oubliettes du "ringard, archaïque", c’est évidemment que Chevènement et les siens avaient, dès les années 70, vu loin. Tant sur la destruction de l’héritage colbertiste par une mondialisation sur orbite étasunienne que sur la possibilité du déclin de l’empire. Brustier cite l’Allende prophète à l’ONU en décembre 1972 : "Nous sommes face à un véritable conflit entre les multinationales et les États". Motchane, Sarre, Chevènement sarc-boutaient sur le Portugal des oeillets et le Chili d’Allende parce qu’ils ressourçaient l’idée de république à celle de révolution, ramenant au coeur de la politique socialiste la question des rapports de force, du contrôle des moyens de production et de la lutte des classes. La parenthèse libérale est passée par là depuis. La social-démocratie a fini par plier le genou face au noyau social-libéral. Gaël Brustier ne désespère pas, qui nous tend un fil d’Ariane sociologique et stratégique :

1. Du monde vers la France.

Comprendre que la violence de la mondialisation, en prolétarisant/paupérisant la majorité sociale, a fait de la "périphérie" le véritable "centre". Ce peuple révélé par la sociologie du non à l’Europe libérale, doit redevenir le sujet social d’un parti qui en s’enfermant dans une alliance sociologique minoritaire à l’échelle du pays, se condamne à mourir en "naine blanche urbaine". Aux socialistes aussi de se réapproprier Marx, de dialoguer avec l’ensemble de la gauche et le gaullisme, de renouer avec l’objectif fondamental : la socialisation des moyens de production aujourd’hui sous contrôle d’une minorité. Ce qui implique de repenser le concept de travail hors de la logique marchande, comme source de rapports sociaux nouveaux, et de se réapproprier l’État comme instrument d’une politique et non celui d’une domination de classe.

2. De la France vers le monde.

On se souvient d’un Jean Ziegler racontant son amère déception quand il tenta de se faire rencontrer tel leader du tiers monde et Laurent Fabius lors d’une réunion de l’Internationale socialiste (3). La même sensation de "rendez-vous manqué" nous vient à lire les communiqués de la "cellule internationale" du PS. La "France-socialiste-dans-le-monde", qu’on s’était pris à rêver devant le monument de la Révolution à Mexico, a-t-elle vécu ? Seuls Jean-Pierre Chevènement et Jean-Luc Mélenchon ont la force d’affronter la langue de bois médiatique sur le "totalitarisme" comme notion-écran qui nous tient éloignés des révolutions du Sud - l’auteur rappelle le récent voyage du second en Bolivie et au Vénézuéla. Créer une "doctrine socialiste des relations internationales" signifie penser les rapports de force internationaux dans le sillage des "Empires contre l’Europe" et de "La puissance et les rêves". Accepter que la périphérie mondiale, qui regroupe la grande partie de l’humanité, nous en apprendrait beaucoup si nous pouvions écouter en respectant, sans donner de leçons, ni projeter sur autrui ce qu’on ne peut chez soi.

Coupé des peuples du dedans et du dehors, le corps socialiste a-t-il épuisé ses "capacités de renouveau" ? Gaël Brustier répond : nous gardons toutes les cartes en main, il n’en tient qu’à nous.

Son livre peut être lu tout autant comme la déclaration d’amour d’un militant à son parti que comme préface prémonitoire au manifeste du Parti de Gauche.

Thierry Deronne (**)


1) Gaël Brustier, *Les socialistes, les altermondialistes et les autres », éditions Bruno Leprince, septembre 2008, 180 pages, 18 euros. En vente dans les FNAC, et en librairie. www.socalter.org

(2) On lira notamment, de Régis Debray : "La puissance et les rêves", Gallimard, 1984 et "Les Empires contre l’Europe", Gallimard, 1985.

(3) Jean Ziegler, "Les rebelles contre l’ordre du monde", Le Seuil, 1985.


* Gaël Brustier, 30 ans, est doctorant en Sciences politiques. Ancien membre de la direction nationale d’un parti politique de gauche, fondateur d’EUROSUR, une entreprise coopérative spécialisée dans le développement des partenariats entre Europe et Amérique latine, il est aujourd’hui également membre d’ATTAC, du Parti socialiste français et animateur du Centre d’études sur la République, l’internationalisme, le socialisme et l’Europe.

** Thierry Deronne, préfacier du livre de Maxime Vivas « La face cachée de reporters sans frontières » (éd. Aden) est diplômé en communications sociales (IHECS, Bruxelles, Belgique 1985). Il organise des ateliers vidéos au Nicaragua Sandiniste (1985-88). Au Venezuela où il vit, il fonde l’École Populaire Latino-américaine de Cinéma (1995) et la télévision communautaire. Co-fondateur de la télévision communautaire Camunare Rojo TV, il est vice-président de formation intégrale de la télévision publique et participative VIVE TV à Caracas.

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