« 900 chômeurs de plus, merci patron », pouvait-on lire sur les affichettes des salariés licenciés de la Camif. « Pour l’instant, on essaie de digérer la nouvelle », confie aux journalistes un salarié de Texas Instrument qui vient de supprimer 350 postes. « Le groupe a simplement besoin de 4 millions d’euros pour passer l’hiver. L’Etat annonce des centaines de milliards pour les banques, nous ne demandons que des millions » déclare un syndicaliste de la Camif.
Sanofi supprime 927 emplois, la Redoute 672, HP 580, Deshoulières 188, Renault et Peugeot mettent une partie de leurs salariés au chômage technique, ArcelorMittal va fermer la moitié de ses hauts fourneaux et force ses employés à prendre entre 12 et 15 jours de congés payés ou de RTT, Dim ferme son usine à Autun etc. etc. D’autres entreprises et d’autres licenciements viendront, hélas, allonger cette funeste liste et jetteront au chômage et dans la misère des milliers d’hommes et de femmes.
Derrière ces noms et ces chiffres se cachent de véritables drames humains. Monsieur Sarkozy très bavard, comme les grands médias, lorsqu’il s’agit d’apporter des milliards d’euros aux banquiers, reste étrangement muet face aux souffrances des travailleurs licenciés. Le bruit fait par le pouvoir politique et médiatique autour des aides apportées par l’Etat aux patrons des entreprises, petites et grandes, n’a d’équivalent que le silence sur la détresse qui frappe les salariés et leurs familles. Leur souffrance reste inaudible.
Le discours de N. Sarkozy, sur l’intervention de l’Etat, la nécessité de réglementer et de réguler l’économie contraste avec ses pratiques libérales. Pour le gouvernement les « réformes » sont toujours à l’ordre du jour. La crise est même utilisée pour les justifier. Ainsi le projet de privatisation de la poste n’est pas abandonné. Les dépenses liées au service public doivent diminuer : « Nous allons lancer une nouvelle étape de diminution de la dépense publique » déclarait Eric Woerth ministre du budget (1). Le projet de budget pour 2009 prévoit une diminution de 5% des crédits du ministère de l’emploi. Mais on supprime toutes les taxations sur les stock options (2). Le démantèlement du code du travail continue. Les suppressions de postes par milliers dans l’Education, dans le secteur de la santé publique, de la justice etc. se poursuivent. On lutte contre le chômage tout en le créant. Comprenne qui pourra !
Pendant ce temps là des milliards d’euros par centaines sont déversés sur les banques et les entreprises. Pour les travailleurs c’est-à -dire les producteurs de richesses, rien ou presque n’a été donné. Celles et ceux qui sont exclus du travail, de plus en plus nombreux malheureusement, des miettes sous forme d’indemnités chômage dégressives leurs sont accordées. Si les caisses de l’Etat sont toujours pleines pour les banques et les entreprises, elles sont toujours vides pour les ouvriers et les salariés. Mais les salariés c’est-à -dire plus de 90 % de la population active, peuvent toujours se consoler : M. Sarkozy et les grands médias leur ont offert des mots ou plus précisément de la propagande, puisqu’ils ont mis sur le même pied d’égalité les milliards d’euros octroyés aux banques et aux entreprises et la flexibilité des contrats à durée déterminée (qui le sont déjà !), les emplois aidés et de transition professionnelle.
Le salarié précarisé, flexibilisé et méprisé devient de plus en plus pauvre. Les ouvriers d’aujourd’hui n’arrivent que difficilement à satisfaire leurs besoins les plus élémentaires alors qu’ils produisent de plus en plus de richesses. Et plus ils en produisent, plus ils s’appauvrissent ! La classe dominante est incapable d’assurer à l’ouvrier des conditions de vie décentes. Le président de la république, certains journalistes, intellectuels, économistes, moralisateurs et experts en tout genre expliquent aux salariés à longueur de journée que les intérêts des banques et des entreprises qui ont reçu des milliards d’euros coïncident exactement avec leurs propres intérêts. M. Sarkozy, dans son discours à Rethel (Ardennes), n’affirmait-il pas d’ailleurs que les travailleurs sont, avec les entreprises, « les bénéficiaires » de l’argent débloqué en faveur des banques, car ce soutien « est fait pour les salariés ». Les patrons ont donc les mêmes intérêts que les ouvriers ! Ce qui est bon pour les premiers est également bon pour les seconds. L’intérêt d’une classe devient ainsi celui de toutes les classes. Belle manière de masquer et de perpétuer toutes les tares de l’ordre établi.
Les spéculateurs, les patrons et tous les responsables de cette faillite économique, sociale et humaine qui ont réalisé des bénéfices fabuleux ne sont pour ainsi dire jamais désignés et encore moins jugés. L’Etat est même venu à leur aide, se mettant ainsi à leur service reniant hypocritement tout le discours qu’il tenait depuis des décennies sur les certitudes libérales (3). M. Sarkozy va jusqu’à les implorer en les suppliant de bien gérer les centaines de milliards d’euros qu’il leur a offerts. Il invoque même la morale (4) sachant très bien que le capitalisme n’en a qu’une seule, celle du profit.
Mohamed Belaali
(1) http://www.lesechos.fr/info/france/...
(2) http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-37471805@7-37,0.html
(3) http://bellaciao.org/fr/spip.php?article71421
(4) http://www.lepoint.fr/actualites-po...