RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

États-Unis, Russie, Chine... Le mur est tombé, le XXe siècle est terminé, il est temps de changer

Il y a deux ans et demi, après le début de l'invasion russe de l'Ukraine, nos journaux dressaient la liste des prétendus poutiniens et expliquaient comment les sanctions internationales allaient rapidement déchirer la Fédération de Russie. Dans le même temps, on donnait à l'Ukraine les armes dont elle avait besoin pour se défendre : il n'y avait rien d'autre à faire, les Russes n'avaient pas réussi à occuper Kiev (on peut douter que c'était l'intention, mais peu importe, c'était l'air), ils allaient être vaincus. Ceux qui quittaient le droit chemin étaient soit de mauvaise foi (Poutinistes), soit ne comprenaient pas, soit les deux : souvenez-vous de la tentative malencontreuse de Mario Draghi de nous culpabiliser avec la question angoissante "Voulez-vous des climatiseurs ou la liberté ?".

Plus désespéré qu’avant

Bon. En fait, mal. Deux ans plus tard, nous y sommes. L’échec des sanctions est tellement évident qu’on n’en parle plus. Et on n’en parle pas non plus parce que, tomo tomo cacchio, l’Europe achète du pétrole russe revendu par l’Inde, la Russie achète à des pays comme l’Arménie ou la Géorgie les marchandises que les Européens vendent en sachant très bien qu’elles finiront en Russie, et les États-Unis achètent (cette année pour 1 milliard de dollars) de l’uranium russe pour les centrales nucléaires.

Sur le front, les choses se passent comme elles se passent. Et d’ailleurs, Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, exige que les pays occidentaux autorisent les Ukrainiens à utiliser leurs armes les plus puissantes aussi pour frapper le territoire russe, et non plus seulement pour chasser les Russes du territoire ukrainien. Ce beau gosse d’Emmanuel Macron, un jour sur deux (le jour où il ne dit pas le contraire) propose d’envoyer des soldats européens en Ukraine. Plusieurs politiciens européens pensent sérieusement à renvoyer en Ukraine les Ukrainiens (environ 800 000) dispersés dans les différents pays européens, des hommes qui n’ont apparemment guère envie d’aller se battre (sinon ils seraient rentrés d’eux-mêmes) et qui, de surcroît, avaient été accueillis comme réfugiés. Ensuite, partout en Europe et aux Etats-Unis, une campagne de réarmement de 730 milliards est en cours, ce qui va accroître les déséquilibres économiques et donc les tensions internationales.

Pour faire court : deux ans et demi plus tard, nous sommes beaucoup, beaucoup plus désespérés qu’avant. Et nous proposons, bien sûr, des solutions toujours plus désespérées. Les soldats européens en Ukraine : s’ils vont donner des instructions, ils ne sont pas nécessaires, notamment parce qu’ils sont déjà sur place, et ce depuis longtemps. S’ils vont se battre, nous entrerons en guerre contre la Russie. C’est bien, n’est-ce pas ? Excellent résultat. Et si nous disions aux Ukrainiens de tirer également nos missiles sur la Russie ? Il y aura donc plus de missiles sur les villes ukrainiennes. Comme nous l’avons vu au cours des deux dernières années et demie : la guerre est devenue de plus en plus impitoyable (des villes sont maintenant ouvertement bombardées, sans même trouver d’excuses) au fur et à mesure que notre engagement militaire s’est accru. S’agit-il d’une simple coïncidence ? Que se passera-t-il si les Ukrainiens franchissent la frontière russe avec des F-16 fournis par nous ?

Un argument similaire peut être avancé pour la guerre d’Israël à Gaza. Son objectif, a déclaré Benjamin Netanyahu, était de sauver les otages et d’éradiquer le Hamas de la bande de Gaza. Mais aujourd’hui, les services de renseignement des EU nous apprennent qu’après 35 000 morts et huit mois de guerre, les miliciens du Hamas ont été éliminés à 30 %, de même que les tunnels qui leur servent de base et d’abri. Alors que Paolo Mieli [journaliste conservateur et atlantiste, devenu l’unique voix de la télévision publique et privée sur le sujet de l’histoire contemporaine et des guerres, alors qu’il n’a que un M2 d’histoire NdT] est ballotté d’un programme à l’autre pour dicter la ligne à suivre, la réalité est que l’objectif n’a pas été atteint. Les otages meurent les uns après les autres et le Hamas est loin d’être éradiqué, il semble même qu’il ne le sera pas. Si l’objectif était de "venger mes 1 200 morts massacrés par ces terroristes du Hamas et de massacrer les Palestiniens", eh bien... on peut le comprendre, mais la politique, c’est autre chose.

Ces deux conflits, si éloignés et pourtant si semblables, devaient être étouffés au plus vite. Au lieu de cela, nous les avons cajolés, convaincus que nous pouvions gagner, que nous pouvions imposer notre ligne. Laissons-les durer, nous sommes-nous dit, les autres se fatigueront plus vite. En Palestine en laissant les mains totalement libres à Israël et à sa politique de pays occupant (depuis 1967) engagé à occuper de plus en plus, sans penser que tôt ou tard cela prendrait fin. En Ukraine, en nous frottant les mains à l’idée de donner une bonne raclée à la Russie, pour nous retrouver là où nous sommes aujourd’hui.

Le crépuscule du "siècle américain"

S’il vous plaît, n’essayez pas de nous expliquer que la Russie est l’agresseur et l’Ukraine l’agressée. Nous le savons, merci. Mais le fait que nous soyons clairs sur ce point n’enlève rien au fait que nous avons choisi la mauvaise solution pour résoudre la situation. Nous aurions dû éteindre la guerre, et non la rallumer. Du moins, nous, Européens. Pour les Étatsuniens, c’est différent : les Ukrainiens meurent et les Européens achètent du gaz EU ; en dépensant entre 3 et 5 % du budget de la défense, les États-Unis occupent la Russie et subventionnent ses industries d’armement (90 % de l’aide militaire à Kiev se traduit par des commandes à des entreprises américaines), ce qui, en période électorale, ne fait jamais de mal. Pourquoi la Maison Blanche changerait-elle de ligne ?

Ces derniers jours, Jens Stoltenberg s’est lancé dans une tirade contre la Chine qui aide la Russie. C’est vrai, très vrai. Nous l’avons écrit ici avant même qu’il n’en parle. Mais outre le fait que les propos de Stoltenberg à l’égard de Xi Jinping ne le chatouillent même pas, la bonne question à se poser est : pourquoi ? Pourquoi la Chine soutient-elle la Russie et sa guerre ? La Chine, qui investit 850 milliards de dollars dans la dette publique américaine, qui a exporté pour 537 milliards de dollars de marchandises vers les États-Unis cette année et qui trouve aux États-Unis son principal fournisseur étranger de services numériques ? De même, pourquoi l’Afrique du Sud décide-t-elle de traîner Israël devant la Cour internationale de justice de La Haye ? Et pourquoi 70 % des États membres de l’ONU votent-ils la reconnaissance de l’État de Palestine ? Et pourquoi le mur européen s’écroule-t-il lui aussi, puisque l’Irlande, l’Espagne et la Norvège ont décidé de faire le même pas ?

C’est tout un ordre mondial qui est remis en question. C’est ce que l’on appelle le "siècle américain" (un siècle et demi, en réalité), avec ses nombreux mérites et ses défauts précis, qui s’achemine vers le crépuscule. Face à des phénomènes d’une telle ampleur (comme l’a été la fin de l’URSS), il n’y a que deux voies possibles. Reconnaître son ampleur et son caractère inéluctable et avancer de manière concertée vers de nouveaux équilibres, en sauvant nos valeurs et en reconnaissant peut-être quelques bonnes raisons aux "autres". Ou bien, comme c’est le cas actuellement, nous raconter le mensonge des méchants qui nous haïssent, qui haïssent notre mode de vie, nos principes, et qui font la guerre pour résister au changement le plus longtemps possible. Dans ce cas, ils n’y parviennent que pour le rendre plus traumatisant et inévitable. Souhaitons-nous du bien, nous en avons besoin.

— 

Fulvio Scaglione a été correspondant en Union soviétique dans les années 1980 pour l’hebdomadaire catholique Famiglia Cristiana. Pour ce journal, il a couvert la guerre en Afghanistan, au Liban, en Irak. Il a été correspondant de guerre dans de nombreux conflits au Moyen-Orient et est l’un des journalistes les plus expérimentés dans ce domaine. Il est devenu rédacteur en chef adjoint de Famiglia Cristiana avant de prendre sa retraite. Il continue aujourd’hui à écrire sur les guerres et la géopolitique. Il est considéré par beaucoup comme la voix du Pape François sur les questions internationales et représente la voix de la gauche catholique et de base sur la géopolitique, les conflits et le multipolarisme.

27 mai 2024

»» https://italienpcf.blogspot.com/2024/06/etats-unis-russie-chine-le-mur-est.html
URL de cet article 39688
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
Interventions (1000 articles).
Noam CHOMSKY
à l’occasion de la sortie de "Interventions", Sonali Kolhatkar interview Noam Chomsky. Depuis 2002 le New York Times Syndicate distribue des articles du fameux universitaire Noam Chomsky, spécialiste des affaires étrangères. Le New York Times Syndicate fait partie de la même entreprise que le New York Times. Bien que beaucoup de lecteurs partout dans le monde peuvent lire des articles de Chomsky, le New York Times n’en a jamais publié un seul. Quelques journaux régionaux aux Etats-Unis (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

L’abstrait n’a pas d’image, c’est son défaut ontologique. Seul le réel est filmable. Pas la réalité.

Ignacio Ramonet

Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.