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"Niet" signifie "Niet" : Les lignes rouges de la Russie concernant l’élargissement de l’OTAN (Wikileaks)

[NdT : Câble diplomatique de William J. Burns - à l’époque ambassadeur des Etats-Unis à Moscou]

CONFIDENTIEL - 1er février 2008

1. (C) Résumé. Après une première réaction mitigée à l’intention de l’Ukraine de demander un plan d’action pour l’adhésion (PAA) à l’OTAN au sommet de Bucarest (réf. A), le ministre des Affaires étrangères, M. Lavrov, et d’autres hauts responsables ont réitéré leur forte opposition, soulignant que la Russie considérerait une nouvelle expansion vers l’Est comme une menace militaire potentielle. L’élargissement de l’OTAN, en particulier à l’Ukraine, reste une question "émotionnelle et névralgique" pour la Russie, mais des considérations de politique stratégique sous-tendent également une forte opposition à l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’OTAN. En Ukraine, il s’agit notamment de la crainte que la question ne divise le pays en deux, entraînant des violences ou même, selon certains, une guerre civile, ce qui obligerait la Russie à décider d’intervenir. En outre, le gouvernement de Russie [GDR] et les experts continuent d’affirmer que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN aurait un impact majeur sur l’industrie de la défense russe, les liens familiaux russo-ukrainiens et les relations bilatérales en général. En Géorgie, le GDR craint une instabilité persistante et des "actes de provocation" dans les régions séparatistes. Résumé final.

MAE [Ministre Affaires Etrangères] : l’élargissement de l’OTAN "menace militaire potentielle pour la Russie".

2. (U) Lors de son examen annuel de la politique étrangère de la Russie les 22 et 23 janvier (réf. B), le ministre des Affaires étrangères, M. Lavrov, a souligné que la Russie devait considérer l’expansion continue de l’OTAN vers l’est, en particulier vers l’Ukraine et la Géorgie, comme une menace militaire potentielle. La Russie pourrait croire les déclarations de l’Occident selon lesquelles l’OTAN n’est pas dirigée contre elle, mais lorsqu’on examine les récentes activités militaires dans les pays de l’OTAN (établissement de sites d’opérations avancées des États-Unis, etc.), il faut les évaluer non pas en fonction des intentions déclarées, mais en fonction du potentiel. M. Lavrov a souligné que le maintien de la "sphère d’influence" de la Russie dans le voisinage était anachronique et a reconnu que les États-Unis et l’Europe avaient des "intérêts légitimes" dans la région. Mais, a-t-il ajouté, si les pays sont libres de prendre leurs propres décisions concernant leur sécurité et les structures politico-militaires auxquelles ils souhaitent adhérer, ils doivent garder à l’esprit l’impact sur leurs voisins.

3. (U) M. Lavrov a souligné que la Russie était convaincue que l’élargissement n’était pas fondé sur des raisons de sécurité, mais constituait un héritage de la guerre froide. Il a contesté les arguments selon lesquels l’OTAN était un mécanisme approprié pour aider à renforcer les gouvernements démocratiques. Il a déclaré que la Russie comprenait que l’OTAN était à la recherche d’une nouvelle mission, mais que les nouveaux membres avaient de plus en plus tendance à faire et à dire ce qu’ils voulaient simplement parce qu’ils étaient sous le parapluie de l’OTAN (par exemple, les tentatives de certains nouveaux pays membres de "réécrire l’histoire et de glorifier les fascistes").

4. (U) Lors d’un point de presse le 22 janvier, en réponse à une question sur la demande de PAA de l’Ukraine, le MAE a déclaré qu’"une nouvelle expansion radicale de l’OTAN pourrait entraîner un sérieux changement politico-militaire qui affecterait inévitablement les intérêts de sécurité de la Russie." Le porte-parole a poursuivi en soulignant que la Russie était liée à l’Ukraine par des obligations bilatérales énoncées dans le traité d’amitié, de coopération et de partenariat de 1997, dans lequel les deux parties se sont engagées à "s’abstenir de participer ou de soutenir toute action susceptible de porter atteinte à la sécurité de l’autre partie". Le porte-parole a noté que "l’intégration probable de l’Ukraine dans l’OTAN compliquerait sérieusement les multiples facettes des relations russo-ukrainiennes" et que la Russie "devrait prendre les mesures appropriées." Le porte-parole a ajouté que "l’on a l’impression que les dirigeants ukrainiens actuels considèrent le rapprochement avec l’OTAN essentiellement comme une alternative aux liens de bon voisinage avec la Fédération de Russie."

L’opposition russe : névralgique et concrète

5. (C) Les aspirations de l’Ukraine et de la Géorgie à l’égard de l’OTAN ne touchent pas seulement une corde sensible en Russie, elles suscitent de graves inquiétudes quant aux conséquences pour la stabilité de la région. Non seulement la Russie perçoit un encerclement et des efforts visant à saper l’influence de la Russie dans la région, mais elle craint également des conséquences imprévisibles et incontrôlées qui affecteraient gravement les intérêts sécuritaires russes. Les experts nous disent que la Russie craint particulièrement que les fortes divisions en Ukraine sur l’adhésion à l’OTAN, avec une grande partie de la communauté ethnique russe contre l’adhésion, ne conduisent à une scission majeure, impliquant des violences ou, au pire, une guerre civile. Dans cette éventualité, la Russie devrait décider d’intervenir, une décision qu’elle ne veut pas avoir à prendre.

6. (C) Dmitriy Trenin, directeur adjoint du Carnegie Moscow Center, s’est inquiété du fait que l’Ukraine était, à long terme, le facteur potentiellement le plus déstabilisant dans les relations américano-russes, étant donné le niveau d’émotion et de névralgie déclenché par sa quête d’adhésion à l’OTAN. La lettre demandant l’examen du PAA avait été une "mauvaise surprise" pour les responsables russes, qui avaient calculé que les aspirations de l’Ukraine à l’égard de l’OTAN avaient été mises en veilleuse. Avec sa lettre publique, la question a été "aiguisée". L’adhésion demeurant un sujet de discorde dans la politique intérieure ukrainienne, elle ouvre la voie à une intervention russe. M. Trenin s’est dit préoccupé par le fait que des éléments de l’establishment russe seraient encouragés à s’ingérer, ce qui stimulerait les États-Unis à encourager ouvertement les forces politiques opposées, et laisserait les États-Unis et la Russie dans une position classique de confrontation.
L’ironie, professait Trenin, était que l’adhésion de l’Ukraine défigurerait l’OTAN, mais ni l’opinion publique russe ni l’élite n’étaient prêtes à accepter cet argument. Le glissement progressif de l’Ukraine vers l’Ouest est une chose, son statut préventif d’allié militaire de jure des États-Unis en est une autre. M. Trenin a fortement mis en garde contre le fait de laisser une lutte ukrainienne interne pour le pouvoir, où le PAA n’était qu’un levier dans la politique intérieure, compliquer davantage les relations américano-russes actuelles.

7) (C) Une autre question qui motive l’opposition russe à l’adhésion de l’Ukraine est l’importante coopération dans le domaine de l’industrie de la défense que les deux pays partagent, y compris un certain nombre d’usines où sont fabriquées des armes russes. Bien que des efforts soient en cours pour fermer ou transférer la plupart de ces usines en Russie, et pour déplacer la flotte de la mer Noire de Sébastopol à Novorossiisk avant l’échéance de 2017, le GDR a clairement indiqué que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN obligerait la Russie à apporter des changements majeurs (et coûteux) à sa coopération industrielle en matière de défense.

8. (C) De même, le GDR et les experts notent qu’il y aurait également un impact significatif sur les relations économiques et de travail russo-ukrainiennes, y compris l’effet sur des milliers d’Ukrainiens vivant et travaillant en Russie et vice versa, en raison de la nécessité d’imposer un nouveau régime de visa. Selon Aleksandr Konovalov, directeur de l’Institut d’évaluation stratégique, cela deviendrait un chaudron bouillant de colère et de ressentiment au sein de la population locale.

9. (C) En ce qui concerne la Géorgie, la plupart des experts ont déclaré que, bien qu’elle ne soit pas aussi névralgique pour la Russie que l’Ukraine, le GOR considère que la situation dans ce pays est trop instable pour résister aux divisions que l’adhésion à l’OTAN pourrait provoquer. Aleksey Arbatov, directeur adjoint du Carnegie Moscow Center, a fait valoir que les aspirations de la Géorgie à l’OTAN n’étaient qu’un moyen de résoudre ses problèmes en Abkhazie et en Ossétie du Sud, et a averti que la Russie se trouverait dans une situation difficile si cela se produisait.

La réponse de la Russie

10. (C) Le GOR a clairement indiqué qu’il devrait "revoir sérieusement" l’ensemble de ses relations avec l’Ukraine et la Géorgie au cas où l’OTAN les inviterait à adhérer. Cela pourrait avoir des répercussions majeures sur l’énergie, l’économie et l’engagement politico-militaire, avec de possibles répercussions dans toute la région et en Europe centrale et occidentale.
La Russie réexaminerait probablement aussi ses propres relations avec l’Alliance et ses activités au sein du Conseil OTAN-Russie, et envisagerait de nouvelles actions dans le domaine de la maîtrise des armements, y compris la possibilité d’un retrait complet des traités FCE et FNI, et des menaces plus directes contre les plans de défense antimissile des États-Unis.

11. (C) Isabelle Francois, directrice du Bureau d’information de l’OTAN à Moscou (protéger), a déclaré qu’elle pensait que la Russie avait accepté que l’Ukraine et la Géorgie finissent par adhérer à l’OTAN et qu’elle était engagée dans une planification à long terme pour reconfigurer ses relations avec ces deux pays, et avec l’Alliance. Toutefois, la Russie n’est pas encore prête à faire face aux conséquences d’un nouvel élargissement de l’OTAN à son sud. Elle a ajouté que si la Russie appréciait la coopération avec l’OTAN au sein du Conseil OTAN-Russie, elle estimerait nécessaire d’insister sur la refonte des relations OTAN-Russie, voire de se retirer complètement du COR, au cas où l’Ukraine et la Géorgie adhéreraient à l’OTAN.

Commentaire

12. (C) L’opposition de la Russie à l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’OTAN est à la fois émotionnelle et fondée sur des préoccupations stratégiques perçues quant à l’impact sur les intérêts de la Russie dans la région. Il est également politiquement populaire de dépeindre les États-Unis et l’OTAN comme les adversaires de la Russie et d’utiliser l’ouverture de l’OTAN à l’Ukraine et à la Géorgie comme un moyen de susciter le soutien des nationalistes russes. Alors que l’opposition russe à la première vague d’élargissement de l’OTAN au milieu des années 1990 était forte, la Russie se sent aujourd’hui capable de répondre plus fermement à ce qu’elle perçoit comme des actions contraires à ses intérêts nationaux.

BURNS

Source : https://wikileaks.org/plusd/cables/08MOSCOW265_a.html

Traduction "l’ignorance n’a jamais été utile à quelqu’un" par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

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« A toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes : autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose en même temps, de ce fait, des moyens de la production intellectuelle, si bien qu’en général, elle exerce son pouvoir sur les idées de ceux à qui ces moyens font défaut. Les pensées dominantes ne sont rien d’autre que l’expression en idées des conditions matérielles dominantes, ce sont ces conditions conçues comme idées, donc l’expression des rapports sociaux qui font justement d’une seule classe la classe dominante, donc les idées de sa suprématie. »

Karl Marx

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