RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
52 

Brève histoire de Taïwan

L’île de Taïwan, étendue comme quatre fois la Corse, se situe en mer de Chine, à environ 180 kilomètres des côtes de la province du Fujian, distance à peu près équivalente à celle entre la métropole et l’île de Beauté.

De la préhistoire à 1895

Les premiers peuplements humains sur Taïwan vinrent naturellement du continent, et furent probablement à l’origine d’une dissémination dans le Pacifique, l’Asie du Sud-Est, la Nouvelle-Zélande et jusqu’à Madagascar.

Les nombreuses îles dans le détroit de Taïwan, notamment les îles Pescadores, furent peuplées par une population de pêcheurs hans dès le XIIIème siècle, tandis que l’île principale, sans ressources et habitée par des tribus hostiles fut peu visitée.

Au XVIème siècle, des marins portugais qui passaient au large de l’île la nommèrent « Ilha Formosa », Belle Île, devenu Formose en français.

Dans la première moitié du XVIIème siècle, la Compagnie hollandaise des Indes Orientales, après avoir essayé d’installer un comptoir sur les îles Pescadores sises dans le détroit de Taïwan et d’en avoir été chassée par l’armée des Ming, s’implanta finalement sur l’île de Taïwan. Dès lors, sous l’impulsion de cette présence étrangère, des dizaines de milliers de paysans du Fujian vinrent eux aussi y vivre. Les Hollandais régnèrent sur Taïwan jusqu’en 1661, année où il furent mis dehors par les troupes de l’empereur Yongli des Ming du Sud.

Après quelques tentatives infructueuses des Hollandais pour reprendre l’île, la dynastie Qing l’annexa et en fit une préfecture du Fujian. Le processus de sinisation des populations primitives de l’île s’amorça, non sans réactions. En effet, l’île fut longtemps secouée par des révoltes et des guerres tribales, à tel point qu’un dicton chinois disait : « tous les trois ans un soulèvement, tous les cinq ans une rébellion ». Taïwan devint la vingtième province chinoise, se modernisa lentement, notamment par la construction de la première ligne ferroviaire chinoise.

Même la France, lors de la guerre sino-française qui dura moins d’une année entre 1884 et 1885, essaya de mettre la main sur l’île. Sans succès.

De 1895 à 1949

Dix ans plus tard, en 1895, au terme de la première guerre sino-japonaise, et suite à la défaite de la Chine, Taïwan, ses îles attenantes et les Pescadores sont cédées à l’empire du Japon dans le cadre du traité de Shimonoseki.

Durant les cinquante ans qui suivent, Taïwan est exploitée au profit du développement japonais et sert de base à son impérialisme dans la région. Les Hans et les populations aborigènes habitant sur l’île sont classés citoyens de seconde et de troisième zones. Les portes de l’éducation et des promotions leur sont fermées, laissant peu de natifs capables d’assumer des rôles de direction et de gestion des décennies plus tard, même après que le Japon a quitté l’île. Aux alentours de 1935, les Japonais démarrent la japonisation de l’île afin de la lier plus fermement à l’Empire. Les Taïwanais apprennent à se considérer comme japonais, la culture et la religion taïwanaises sont proscrites, et les citoyens encouragés à adopter des noms de famille japonais. En 1938, plus de 300 000 colons japonais résident à Taïwan.

En 1912, sur le continent, naît la République de Chine, mettant fin à plus de deux millénaires de domination impériale.

En 1921, le Parti Communiste Chinois est fondé lors d’une réunion secrète entre 13 délégués régionaux, parmi lesquels Chen Duxiu, Li Dazhao et Mao Zedong. Détail amusant : la réunion, ayant lieu dans la concession française de Shanghai, est interrompue... par la police française.

En 1925, Sun Ya-Tsen, chef du Kuomintang, le parti nationaliste jusque-là allié des Communistes, meurt. Son successeur, Tchang Kaï-Chek, se retourne alors contre eux marquant ainsi le début de la guerre civile chinoise.

En 1928, la majeure partie du territoire chinois est sous le contrôle du Kuomintang.

En 1934, les troupes de Tchang Kaï-Chek balaient les Communistes qui entament leur retraite, la Longue Marche, qui mènera les troupes Communistes de la province du Guizhou à celle du Shaanxi, sur près de 12000 kilomètres, qui coûtera la vie à 100 000 hommes de l’Armée de Libération Populaire et au cours de laquelle Mao s’affirmera comme chef incontesté.

En 1937, six ans près leur invasion de la Mandchourie, les troupes japonaises entrent à Pékin, établissant de facto une trêve dans la guerre civile. Les troupes nationalistes de Tchang kaï-Chek et celles de l’Armée de Libération Populaire forment alors une alliance précaire dans la lutte contre l’envahisseur.

En 1943 a lieu la Conférence du Caire, réunissant Franklin Roosevelt, Winston Churchill et Tchang Kaï-Chek. Elle porte sur la nécessité de défaire l’empire japonais et contient notamment la clause de restitution des territoires chinois occupés par le Japon, parmi lesquels l’île de Taïwan.

Dès la fin du conflit mondial et la défaite du Japon, la guerre civile chinoise reprend, malgré les efforts de conciliation des puissances alliées. Et en dépit du soutien explicite financier et militaire des Américains dont bénéficie Tchang Kaï-Chek, elle s’achève en 1949 par la victoire de l’ALP et la proclamation de la République Populaire de Chine.

Après l’échec de négociations, le gouvernement nationaliste se replie sur l’île de Taïwan, accompagné d’un exode massif de population (en quelques jours, la population de Taïwan s’accroît d’environ deux millions de personnes). Taipei devient la capitale de la République de Chine.

De 1949 à aujourd’hui

En 1949, l’île de Taïwan est officiellement restituée à la République Populaire de Chine... mais reste sous tutelle des États-Unis, nouvelle puissance dominante de la région.

Dès lors, le Kuomintang, au mépris des demandes du continent, dirige Taïwan d’une main de fer, établit une loi martiale qui durera jusqu’en 1987. Celle-ci marque le début de la Terreur Blanche. Pendant 38 ans, 140 000 personnes, principalement des intellectuels ou des membres de l’élite sociale, sont emprisonnés en raison de leur sympathie pour le Parti communiste chinois ou de leur résistance au gouvernement nationaliste de la République de Chine, et pas moins de 20 000 personnes selon les estimations, sont exécutées.

Durant tout ce temps et jusqu’au tournant des années 1990, le gouvernement de Taïwan se revendique comme seul légitime pouvoir sur l’entièreté du territoire chinois comprenant l’île de Taïwan et la Chine continentale. Je répète : durant toutes ces années, Taïwan revendique la Chine. Pas moins. Les enfants taïwanais grandissent et sont éduqués dans l’idée qu’ils sont Chinois, que la plus haute montagne de leur pays, c’est l’Everest et que le plus long fleuve, c’est le Yangtsé.

La période post-martiale voit un changement idéologique soudain, un tournant à 180 degrés, et ce bien que le Kuomintang soit encore au pouvoir. Sous l’impulsion de pressions extérieures devant l’émergence économique de la République Populaire de Chine, l’île passe des revendications comme seule et unique vraie représentante de la nation et du peuple chinois à une doctrine séparatiste, rejetant l’autorité et même la parenté avec le continent, déclarant de facto son statut de nation indépendante, n’ayant rien à voir historiquement, culturellement et ethniquement avec le peuple chinois qui se trouve de l’autre côté du détroit. Bien que les Nations-Unies ne suivent pas vraiment, refusant à Taïwan le siège qu’elle réclame, la majeure partie des pays occidentaux considèrent l’île comme une nation à part entière.

Depuis, les livres d’histoire se réécrivent à Taïwan mais aussi dans les écoles occidentales. Sur l’île, les jeunes se disent taïwanais avant tout et la Chine devient un pays hostile, dangereux. Le plus haut sommet, c’est la Montagne de Jade dorénavant, le Yu Shan, vaincu par un Japonais puis par un Occidental. Le plus grand fleuve est désormais une rivière, la Tamsui, qui fait à peine 160 kilomètres de long.

Le Parti Démocrate Progressiste (DPP), succédant au Kuomintang, a planté le dernier le clou sur le cercueil d’une réunification pacifique entre la Chine et Taïwan, se rapprochant ostensiblement du Japon, derrière lequel se cachent, comme un troupeau d’éléphants derrière une tige de bambou, les États-Unis d’Amérique, le seul pays au monde à avoir utilisé la bombe atomique, qui plus est deux fois de suite et uniquement au milieu de populations civiles japonaises. Et Taïwan, qui se croit aujourd’hui plus japonaise que chinoise, est persuadée d’être indépendante, sans voir à son cou la laisse que tient déjà Washington dont le rêve est d’installer des ogives nucléaires à quelques encablures du littoral chinois.

L’ONU, toujours courageuse, continue à tenir un double discours consistant à ne pas donner à Taïwan le statut de pays (bien que tous nos dictionnaires, encyclopédies, médias le fassent) afin de ne pas froisser le dragon tout en défendant le droit à l’autodétermination du peuple taïwanais pour plaire à l’aigle. Cette même autodétermination qui, au moment de lui rendre Taïwan, fut refusée au peuple chinois au terme de sa guerre avec le Japon.

Le 11 juillet 2022, trois jours après la mort de Shinzo Abe, ancien premier ministre japonais et fervent soutien du nationalisme anti-chinois, la présidente de Taïwan Tsai Ing Wen a fait mettre les drapeaux en berne. Le Kuomintang (KMT) a tout de même protesté contre ce geste, le Japon ne s’étant jamais excusé des crimes qu’il a commis en Chine.

URL de cet article 38163
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
Les Chinois sont des hommes comme les autres
Maxime VIVAS
Zheng Ruolin (Ruolin est le prénom) publie chez Denoël un livre délicieux et malicieux : « Les Chinois sont des hommes comme les autres ». L’auteur vit en France depuis une vingtaine d’années. Son père, récemment décédé, était un intellectuel Chinois célèbre dans son pays et un traducteur d’auteurs français (dont Balzac). Il avait subi la rigueur de la terrible époque de la Révolution culturelle à l’époque de Mao. Voici ce que dit le quatrième de couverture du livre de ZhengRuolin : « La Chine se (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Depuis 1974 en France, à l’époque du serpent monétaire européen, l’État - et c’est pareil dans les autres pays européens - s’est interdit à lui-même d’emprunter auprès de sa banque centrale et il s’est donc lui-même privé de la création monétaire. Donc, l’État (c’est-à -dire nous tous !) s’oblige à emprunter auprès d’acteurs privés, à qui il doit donc payer des intérêts, et cela rend évidemment tout beaucoup plus cher.

On ne l’a dit pas clairement : on a dit qu’il y avait désormais interdiction d’emprunter à la Banque centrale, ce qui n’est pas honnête, pas clair, et ne permet pas aux gens de comprendre. Si l’article 104, disait « Les États ne peuvent plus créer la monnaie, maintenant ils doivent l’emprunter auprès des acteurs privés en leur payant un intérêt ruineux qui rend tous les investissements publics hors de prix mais qui fait aussi le grand bonheur des riches rentiers », il y aurait eu une révolution.

Ce hold-up scandaleux coûte à la France environ 80 milliards par an et nous ruine année après année. Ce sujet devrait être au coeur de tout. Au lieu de cela, personne n’en parle.

Etienne Chouard

Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.