La mise entre guillemets par Europe 1 du mot « attentat » indique bien que, pour cette radio privée (Lagardère), l’attaque à laquelle un député reconnaît avoir été mêlé n’a peut-être pas existé.
En français, les guillemets ont plusieurs fonctions distinctes. Ceux qui encadrent ici le mot attentat sont ce qu’on appelle des guillemets d’ironie. Ils marquent la distance, l’ironie, le mépris, le doute, que l’auteur entend manifester à l’égard de ce qu’il rapporte. Ils ont une fonction de distanciation et indiquent les réserves du journaliste.
Poursuivons. Le député qui a avoué son implication dans un attentat inventé par Maduro met en cause Juan Monasterios, un militaire vénézuélien à la retraite « qui après son arrestation a admis avoir participé à l’"attentat" avec des drones chargés d’explosifs dont le chef de l’État socialiste dit avoir été victime samedi dernier ».
Traduction tatillonne : Maduro dit avoir été visé par un « attentat » (qui n’a peut-être pas existé mais auquel deux citoyens avouent avoir participé). Bref, pour la radio de Lagardère, nous n’avons pas une tentative d’assassinat contre le président vénézuélien, méfait prouvé par de nombreuses vidéos et reconnu par deux suspects arrêtés (un député, un général), mais une sorte d’incident grossi par Maduro qui se sent exagérément menacé dès que des drones s’approchent de lui et explosent.
Au passage, remarquons que la radio du milliardaire nous signale que le chef d’Etat est socialiste, ce qui est de la bonne information, d’autant plus qu’Europe 1 parle toujours du chef d’Etat capitaliste de la Colombie, des USA, de la France...
Plus loin, Europe 1 va faire une économie de guillemets et de conditionnel en usant pour cela, trois fois en suivant, du mot « selon ». Hélas, au moment précis où l’on commençait à se demander si une banale fuite de gaz n’avait pas été surmédiatisée par les autorités vénézuéliennes drapée dans le drap rouge des martyrs, voici que (distraction, manque de conviction ?) Europe 1 poursuit en utilisant le présent (« ont ») alors que le conditionnel (« « aurait ») s’imposait pour la cohérence de son parti pris. C’est ici : « Dix-neuf personnes "directement liées" à l’attentat, selon la justice.
Selon le procureur, 19 personnes au total sont "directement liées" à cet "attentat" qui, selon le gouvernement, a été organisé depuis une ferme à Chinacota, en Colombie, par des personnes qui ont reçu pour cela 50 millions de dollars ».
Oui, oui. Pour cet attentat qui n’a jamais existé que dans la tête de Maduro, dans celle de deux suspects et sur des images vidéos, des complices ont reçu de l’argent.
Amusant aussi ce passage : « L’ex-président colombien accusé. Dès samedi, jour de l’"attentat", Nicolas Maduro a accusé l’opposition vénézuélienne et l’ex-président colombien Juan Manuel Santos d’être derrière cette attaque fomentée avec des fonds provenant des États-Unis ».
Oh ! ils ont oublié les guillemets à « attaque ».
Bref, à Caracas où ils ne sont pas allés, les journaleux d’Europe 1 ont appris que des suspects ont avoué leur participation un attentat qui n’a pas eu lieu et pour lequel des complices ont reçu en Colombie 50 millions de dollars sans avoir rien fait du tout (LA sinécure !).
L’article d’Europe 1 est ici.
Vincent MORET
PS. Les photos du logo nous montrent comment Chavez, qui brandissait un bouquet de fleurs à la tribune, se retrouve avec un pistolet dans le quotidien Tal Cual.