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Intolérable tolérance

Il était temps de rétablir l’ordre social au beau pays de France entend-on dire depuis qu’Emmanuel Macron est entré à l’Elysée. Ce sont d’abord les « marcheurs » du généralissime qui le proclament « comme un seul homme », suivis de près par les forcenés des autres Droites et par tous les citoyens déboussolés qui ne savent plus – quand ils l’ont su un jour – réfléchir plus loin que le bout du JT de 20 heures. Tous sont intimement convaincus qu’une fois l’ordre social restauré après des décennies d’errances gouvernementales la machine à Croissance va enfin repartir et mettre ainsi la France sur une nouvelle orbite radieuse pour l’emploi. Nous ne chercherons pas ici à tourner en dérision cette dernière croyance saugrenue et néanmoins mortifère. Nous l’avons déjà si souvent dénoncée. Posons-nous plutôt une autre question : de quel ordre social parlent tous ces fins connaisseurs de notre société ? Que s’agit-il donc de rétablir au juste ?

Il semble définitivement admis au sein de la bien-pensance macronienne élargie que notre société est depuis longtemps beaucoup trop tolérante avec tous ceux qui rechigneraient à monter dans le train de la Croissance, qui empêcheraient même ce train de redémarrer après un malencontreux arrêt prolongé en rase campagne. Qui sont donc ces empêcheurs de croître en rond qui handicapent la société française ? Par exemple, tous ceux qui au lieu de « chercher du travail » se permettent de « foutre le bordel ». Dans la rhétorique des bénis oui-oui du macronisme les chômeurs peuvent tous être considérés comme des fraudeurs potentiels – à défaut de toujours être des fouteurs de bordel – car l’on est jamais complètement assuré qu’ils recherchent vraiment du travail. On admirera au passage le glissement sémantique : il n’est pas reproché aux chômeurs de ne pas chercher un emploi mais de ne pas chercher du travail. On a bien remarqué en haut-lieu que les emplois disponibles sont extrêmement rares, il n’y a plus que des petits boulots à prendre. Et il va bien falloir qu’ils les prennent ces petits boulots au lieu de toucher abusivement des indemnités ruineuses pour la collectivité. Il est plus que temps de mettre fin à cette gabegie. Sus aux tricheurs ! Le nombre de contrôleurs de Pôle emploi va quintupler, passant de 200 à 1 000, afin que plus aucun chômeur ne puisse se la couler douce quand il devrait frénétiquement être en quête de l’occasion rêvée de redevenir un citoyen laborieux. Permettons-nous de rappeler ici deux évidences : quand les entreprises et les administrations ne créent pas d’emplois, s’il suffisait de chercher un emploi pour en trouver un cela se saurait ; un calcul sérieux estime à seulement 5% la part des demandeurs d’emploi ne s’acquittant pas de leurs obligations vis-à-vis de Pôle emploi. Nous sommes donc très loin des cohortes de tricheurs que la marotte obsessionnelle de M . Macron s’obstine à désigner à l’acrimonie populaire. De fait, le champ des tricheurs supposés est plus vaste encore. On en trouve beaucoup, paraît-il, chez de plus mal lotis que les demandeurs d’emploi. On surveille donc de près ces temps-ci les allocataires du RSA. Assurément, il y a là des fortunes à récupérer ! Rendez-vous compte, bonnes gens, une personne seule perçoit quand même au titre du RSA… 480 euros pour vivre un mois entier.

Les vrais tricheurs existent cependant. Et, M. Macron les connaît fort bien, mieux que les tricheurs imaginaires ou modestes qu’il ne fréquente jamais.

Mais, ceux là vont continuer de couler une paix royale abritée par le principe « dur avec les faibles, doux avec les forts ». Les forts ? Ceux qui jouent la France gagnante, qui dirigent les firmes du CAC 40, qui ont érigé l’évasion fiscale au rang de sport de haute voltige. Les Paradise papers les épingles opportunément depuis quelques semaines, à commencer par le géant Dassault qui conseille à ses clients fortunés de créer une société « coquille vide » sur l’île de Man afin d’échapper au paiement de la TVA lors de l’achat d’un jet privé, soit une économie de dix millions d’euros… par avion. Multiplié par le nombre d’aéronefs vendus ainsi le « manque à gagner » pour les recettes de l’Etat est considérable. Qui va demander des comptes à Dassault ? Sûrement pas les « autorités » qui savent combien il faut soigner les fleurons de l’industrie française et ceux qui les font vivre. Cela vaut bien quelques menues malversations noyées habilement dans l’océan de « l’optimisation fiscale » que M. Gérard Longuet, ancien ministre de la République, trouve « totalement morale ». Alors, déclinons la nouvelle morale néolibérale qui telle une déferlante nous submerge. Le diable se tenant dans les détails, voici un exemple à ranger au Panthéon des valeurs républicaines revisitées. La Justice a récemment rétabli dans ses droits une salariée abusivement licenciée en condamnant son ancien patron à lui verser quarante mille euros de dommages-intérêts. Heureusement, dirons-nous, ce jugement est intervenu avant la mise en œuvre de la nouvelle « loi travail » bâtie par M . Macron et inspirée par le Medef. Avec l’application des nouvelles dispositions en matière de licenciement abusif cette salariée n’aurait perçue au mieux que … huit mille euros. Au temps du macronisme flamboyant la malhonnêteté est bradée, sa valeur est divisée par cinq ! Au compte de la morale retrouvée on ajoutera aussi ceci : l’ordonnance Macron relative à la pénibilité au travail réduit le nombre de facteurs considérés comme « à risque » pour les salariés. Dans le nouveau compte professionnel de prévention (C3P), qui succède au compte pénibilité, le gouvernement a décidé de retirer certains critères sous la pression du patronat. Disparaissent ainsi l’exposition à des agents chimiques dangereux, aux poussières et aux fumées, Mais aussi le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques émises par les machines. Le progrès social est en marche assurément.

C’est dans le pernicieux recul de l’attention portée aux plus humbles, à ceux qui triment contre des salaires de misère et au mépris de leur santé, souvent sans broncher, que se situe bien l’intolérable tolérance. M . Macron s’est délibérément placé du bon côté de la cognée : il ne satisfera pas les affligés afin de ne pas affliger les satisfaits.

Yann Fiévet

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La Guerre d’Espagne - Révolution et contre-révolution (1934-1939)
Burnett Bolloten
« La révolution espagnole fut la plus singulière des révolutions collectivistes du XXe siècle. C’est la seule révolution radicale et violente qui se soit produite dans un pays d’Europe de l’Ouest et la seule qui ait été, malgré l’hégémonie communiste croissante, véritablement pluraliste, animée par une multitude de forces, souvent concurrentes et hostiles. Incapable de s’opposer ouvertement à la révolution, la bourgeoisie s’adapta au nouveau régime dans l’espoir que le cours des événements (…)
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Que ce soit bien clair : nous avons commis des erreurs, évidemment. Et nous en commettrons d’autres. Mais je peux te dire une chose : jamais nous n’abandonnerons le combat pour un monde meilleur, jamais nous ne baisserons la garde devant l’Empire, jamais nous ne sacrifierons le peuple au profit d’une minorité. Tout ce que nous avons fait, nous l’avons fait non seulement pour nous, mais aussi pour l’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie, les générations futures. Nous avons fait tout ce que nous avons pu, et parfois plus, sans rien demander en échange. Rien. Jamais. Alors tu peux dire à tes amis "de gauche" en Europe que leurs critiques ne nous concernent pas, ne nous touchent pas, ne nous impressionnent pas. Nous, nous avons fait une révolution. C’est quoi leur légitimité à ces gens-là, tu peux me le dire ? Qu’ils fassent une révolution chez eux pour commencer. Oh, pas forcément une grande, tout le monde n’a pas les mêmes capacités. Disons une petite, juste assez pour pouvoir prétendre qu’ils savent de quoi ils parlent. Et là, lorsque l’ennemi se déchaînera, lorsque le toit leur tombera sur la tête, ils viendront me voir. Je les attendrai avec une bouteille de rhum.

Ibrahim
Cuba, un soir lors d’une conversation inoubliable.

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