RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Nos enfants ne sont pas égaux devant la dette publique, par Jean-Jacques Chavigné, Marc Dolez, Gérard Filoche.


21 janvier 2006.


Quels bons apôtres ! Quels coeurs sensibles ! Qu’ils sont soucieux de l’avenir, tous ceux (Dominique de Villepin, Thierry Breton, Nicolas Sarkozy et tant d’autres...) qui s’inquiètent, les larmes aux yeux, du lourd fardeau que la dette publique pourrait faire peser sur les fragiles épaules de nos enfants ! Une question vient pourtant faire douter de la pureté d’intention de tous ces gens si bienveillants : cette dette n’aurait-elle pas, quand même, quelques bénéficiaires ?

Il est difficile, en effet, d’imaginer une dette sans créancier. Mais si tel est bien le cas, si la dette publique est due, comme toute dette, à des créanciers : tout le monde n’aurait donc pas à pâtir de cette dette publique. Certains pourraient peut-être même en bénéficier !

C’est, évidemment, loin des contes de fées de nos bons apôtres libéraux, très exactement ce qui se passe dans la réalité. Les créances de la dette publique sont aux mains des heureux détenteurs des titres du Trésor public, notamment les obligations assimilables du Trésor (OAT) émises chaque mois par l’Agence France Trésor, remboursables au bout de sept à cinquante ans. Les détenteurs de ces titres empocheront, en 2006, environ 40 milliards d’euros : six fois plus que le budget de la justice, 12 milliards de plus que le "financement de l’emploi". Au total, une somme équivalente au total des budgets de l’armée, de la diplomatie, de la justice et de l’intérieur (43 milliards).

Les créances de la dette publique sont donc aux mains des rentiers. Ceux dont François Mitterrand affirmait qu’"ils s’enrichissent en dormant". Et ces bienheureux créanciers de la dette publique pourront parfaitement transmettre leurs titres à leurs enfants. "Nos" enfants ne verront donc pas tous le poids de la dette peser sur leurs fragiles épaules. Certains paieront les intérêts de la dette, d’autres les encaisseront. Et avec une dette publique de plus de 1 000 milliards d’euros, cela représentera un sacré pactole pour tous les enfants de rentiers.

Mettre tous "nos" enfants dans le même sac relève donc de la supercherie. Les enfants des rentiers, loin de ployer sous le fardeau de la dette, en percevront les intérêts. Ce sont, par contre, les enfants de tous ceux qui ne bénéficient pas de cette rente qui devront payer. Un peu comme sur cette image de 1788 où l’on voit le clergé et la noblesse brandissant leurs sacs d’écus et se faisant porter par le tiers état... La manoeuvre est grossière. Les libéraux espèrent pourtant qu’elle leur permettra d’atteindre trois objectifs.

Ils escomptent bien, tout d’abord, que le tapage qu’ils mènent autour de la dette de "nos" enfants leur évitera d’avoir à reconnaître l’origine de la dette publique : la baisse des impôts des riches et les intérêts payés chaque année aux rentiers. Les deux sont d’ailleurs liés, puisque c’est parce que les impôts des riches ont diminué que l’Etat a été obligé de leur emprunter les sommes qu’il ne leur prélevait plus sous forme d’impôt. Mais alors qu’avec l’impôt les sommes prélevées aux riches ne coûtaient rien à l’Etat, il n’en va plus de même avec l’emprunt. Le service de la dette (les intérêts versés aux rentiers, créanciers de la dette publique) est aujourd’hui le deuxième poste de dépenses de l’Etat, juste après l’éducation nationale. Avec la hausse des taux d’intérêts programmés par la Banque centrale européenne, il pourrait bien, d’ailleurs, devenir le premier.

Ils attendent, ensuite, de cette manoeuvre qu’elle impose l’idée qu’il n’existe (complétée par la vente au secteur privé d’EDF-GDF ou d’autres services publics) qu’une solution au problème de la dette publique : diminuer les dépenses publiques. C’est ce qu’ils appellent la "pédagogie de la dette". Cette façon de rembourser la dette est évidemment la pire : elle détruit le lien social, l’égalité entre citoyens, marginalise les plus pauvres et multiplie les ghettos. La crise des banlieues de nos grandes villes vient pourtant de donner un avant-goût de ce qui peut advenir quand les services publics reculent et désertent des quartiers entiers.

Ils espèrent, enfin, que la manoeuvre permettra d’occulter la solution qui pourrait autrement apparaître comme la plus évidente et la plus juste : augmenter les impôts des riches et baisser les taux d’intérêts des rentiers.

Jean-Jacques Chavigné, Marc Dolez, et Gérard Filoche sont membres du conseil national du Parti socialiste.

Article paru dans l’édition du 21 janvier 2006 du Monde.


Prochaines réunions avec Gérard Filoche :

Moulins le 26 janvier
Grenoble le 27 janvier
Nancy le 2 février
Landes le 4 février
Valence le 9 février
Uzès le 10 février
Vaucluse fin février
Morlaix le 10 mars
Le Mans le 18 mars
Agen le 24 mars
Fontenay-le-Comte 25 mars
Béziers le 30 avril
Villeurbanne le 18 mai



Code du Travail, Inspection du travail : La vérité sur les « réformes » du gouvernement, par UNAS-CGT- inspecteurs du travail.

Le CPE defendu par de Villepin... Il ne vaut pas un clou pour l’emploi... Mais il servira aussi a baisser les salaires... par Gérard Filoche.

Unedic : un nouveau recul des droits des chômeurs, par Jean-Jacques Chavigné.



URL de cet article 3182
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Auteur
DETTE INDIGNE ! QUI SONT LES COUPABLES ? QUELLES SONT LES SOLUTIONS ?
Jean-Jacques CHAVIGNE, Gérard FILOCHE
« Euro-obligations », « règle d’or », « gouvernance européenne », « fédéralisme budgétaire »… la crise de la dette qui ébranle la France et l’Europe donne lieu à une inflation sans précédent de termes économico-financiers dans les médias et dans les discours des dirigeants politiques. Pour les citoyens, ce vocabulaire, souvent obscur, dissimule une seule et même réalité : un gigantesque mouvement de transfert des dettes privées (en particulier celles des banques) vers les dettes publiques pour essayer de faire (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Je crois, juridiquement parlant, qu’il y aurait des motifs sérieux pour inculper chaque président des Etats-Unis depuis la seconde guerre mondiale. Il ont tous été soit de véritables criminels de guerre, soit impliqués dans de graves crimes de guerre.

Noam Chomsky, in "What Uncle Sam Really Wants"

"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.