L’élection de D.Trump à la présidence des Etats-unis a provoqué d’importantes manifestations aux Etats-unis et en Europe pour dénoncer les mesures sociales, les atteintes aux droits des femmes et des minorités. Ces protestations, toutes légitimes, sont soutenues, dans la presse française, par de nombreux analyses et articles dénonçant, dans ce domaine, la politique à venir du nouveau Président. Mais cette profusion d’articles tranche avec le peu, voire l’absence, d’articles sur la politique internationale. Pourtant les déclarations du président américain et de son équipe sur l’Iran, la colonisation et… Israël ont de quoi inquiéter les peuples, en particulier, le peuple palestinien, d’une région déjà meurtrie par une politique impériale à laquelle l’Etat français a adhéré sans retenue.
Résolution 2334 : un coup d’épée dans l’eau du Jourdain...
L’ambassadrice américaine à l’ONU, Samantha Power a déclaré le 23 décembre 2016 : « On ne peut en même temps défendre l’expansion des colonies israéliennes et une solution à deux Etats. » Une déclaration suivie par l’abstention lors du vote de la Résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU condamnant la colonisation israélienne dans les territoires occupés, y compris à Jérusalem. Dans cette Résolution, la Communauté internationale exige l’arrêt immédiat et complet de telles implantations tout en condamnant « tout acte de violence, y compris les actes terroristes » et dénonce « les appels à la haine » et « la rhétorique inflammatoire . » Confondant cause et conséquence, de telles condamnations rendent la résolution inopérante. Rien de nouveau donc dans cette résolution si ce n’est l’abstention américaine. Une abstention qui est loin de signifier un quelconque changement de la politique américaine mais plutôt les incohérences du Président Obama. En effet, dès 2010, l’administration d’Obama a fini par abandonner la condition du gel des implantations dans les négociations de paix avec l’Autorité palestinienne. Comme le soulignait à l’époque, le porte parole du département d’État américain, Philip Crowley : « nous avons tenté de parvenir à un moratoire sur les implantations pour créer les conditions d’un retour à des négociations significatives et continues...Nous sommes parvenus à la conclusion que cela ne crée pas de fondation solide pour parvenir à l’objectif commun d’un accord -cadre. » (1) Et tout cela a été fait à la grande satisfaction des dirigeants israéliens. Point de pression sur le gouvernement israélien, le processus de paix a débouché sur une impasse. Comme l’avait constaté « avec regrets », la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, « les Israéliens n’ont pas été en mesure d’accepter une prolongation du moratoire comme le demandaient les Etats-Unis et le Quartet. » (2)Et en se référant au rapport des Chefs de mission à Jérusalem des Ministres européens qui affirmait en 2010 que « si les tendances actuelles ne sont pas arrêtées de manière urgente, la perspective de Jérusalem-Est comme future capitale d’un Etat palestinien devient de plus en plus improbable et impraticable »(1), la Résolution 2334 est un coup d’épée dans l’eau. Un dernier geste diplomatique sans conséquence aucune sur la politique israélienne de colonisation ceci d’autant plus que rien n’est prévu dans la dite résolution en cas de non respect des décisions du Conseil de sécurité. Un geste qui ne fera pas oublier que, sous la présidence Obama, Washington s’est engagé à accorder à son allié israélien une aide militaire colossale entre 2019 et 2028. Selon les propos même du Département d’État, « c’est le plus grand engagement d’aide militaire bilatérale dans l’histoire des Etats-Unis. » (3)
Aussi la question qui se pose n’est nullement : quel avenir pour le processus de paix israélo-palestinien sous le mandat Donald Trump mais quand aura lieu la prochaine guerre israélienne ? S’il est difficile de répondre à cette question, en revanche, il est plus aisé d’analyser les conditions propices à son déclenchement.
Briser l’Axe des Souverainetés : Russie, Chine, Iran...
Dès l’intronisation du Président D.Trump, les responsables israéliens dont le maire de Jérusalem ont annoncé la relance de la colonisation et l’existence de plans pour la construction de 11000 logements dans les quartiers de colonisation de Jérusalem-Est. Cette colonisation en cours couperait la Cisjordanie en deux rendant ainsi les conclusions des Chefs de mission européens une réalité concrète. Pour couronner le tout et transformer la Cisjordanie en Judée-Samarie, il ne restera plus qu’à l’Administration américaine d’officialiser Jérusalem comme capitale de l’Etat israélien, comme promis par le candidat D.Trump. Une réalité conçue dans le projet ‘’Allon’’. Un projet fidèle à la stratégie du mouvement sioniste comme l’écrivait l’expert israélien Miron Benvesty, en 1992, « la position de Rabbin est basée sur les orientations d’avant 1948 de l’ancien mouvement ouvrier et qui appelait à ériger ‘’les remparts et les forts’’. Selon cette théorie, la colonisation est un élément central dans le réseau de défense des frontières contre les attaques extérieures. » (4)
Ce qui n’empêche pas le Premier Ministre israélien, Netanyahu d’exprimer au président américain « son désir de travailler étroitement avec le président Trump pour forger une vision commune afin de faire avancer la paix et la sécurité dans la région. » (5)
Il va de soi que dans cette vision commune, l’accord sur le nucléaire conclu avec l’Iran a une place prépondérante. Ce qui impose un règlement approprié de la guerre en Syrie. Comme le soulignait le général israélien Amikam Norkin avec un brin de mépris et d’arrogance : « pendant les 24 ans de ma carrière, il ne sait rien passé ...Aujourd’hui, l’Irak n’est plus, le Yémen n’est plus. Ni la Syrie, ni la Lybie, ni le Soudan. » (6) Mais pour le Général, face aux nouvelles « menaces que représentent l’Iran, le Hamas, le Hezbollah », la question est « faut-il privilégier la réactivité immédiate ou la préparation de l’armée pour la prochaine guerre dans deux ou trois ans ? » (6)
Soit dit en passant, le constat du général sur l’état du monde arabe est en parfaite adéquation avec les objectifs tracés en 1982 dans « Stratégie pour Israël dans les années 80. » (7)
A ces questions stratégiques, la nouvelle administration américaine va apporter des réponses qui tiendront compte de l’intérêt de l’Etat israélien sous la bannière de « l’Amérique d’abord et seulement l’Amérique. »
Toute la question réside dans ‘’que signifie sur le plan politique et militaire « l’Amérique d’abord et seulement l’Amérique » ? On peut sans risque de se tromper affirmer que ceux qui le traduisent par « protectionnisme » se trompe tout simplement de lecture. L’Etablishment américain, financier et militaro-industriel se rend compte que la mondialisation souhaitée, chantée avec tous les instruments idéologiques et économiques Thinks Tank, Banque mondiale, FMI , OMC et l’instrument militaire Otan qui a servi en Yougoslavie, Afghanistan, Irak , Soudan, Lybie , Syrie, Yémen…ne leur a pas permis d’être à la tête de la gouvernance mondiale, étape nécessaire vers l’avènement d’un gouvernement du monde sous la tutelle occidentale. Au contraire, c’est dix dernières années, des souverainetés nationales et politiques se sont affirmées en Amérique du sud et au Moyen-Orient comme l’Iran, le Liban. Des puissances, loin d’être négligeables, telles la Russie et la Chine, devenue puissance économique de premier plan, s’imposent sur la scène internationale et remettent en cause le monde unipolaire souhaité par les puissances occidentales. Ainsi, après avoir semé le chaos créateur, notamment au Moyen-Orient, voici venu le temps, avec la présidence Trump, d’exploiter ce désordre pour asseoir leur suprématie. Cela implique des choix stratégiques nouveaux face à la Russie, la Chine et l’Iran.
En déclarant que, dorénavant, les Etats-Unis vont mener une guerre sans merci contre les groupes islamistes tels Daech, Front El Nosra… D. Trump signifie par là même qu’en Syrie, les Etats-Unis vont ’’collaborer’’ avec la Russie ou, du moins, faciliter la tâche à la Russie dans son action militaire et politique de pacification de la Syrie. Pour faire cours, les actuels pourparlers de paix en Syrie qui se déroulent dans la capitale du Kazaksthan, à Astana sous l’égide de la Russie ne vont pas être torpillés d’une manière ou d’une autre par les U.S.A. A la table des négociations, l’absence des pays occidentaux et surtout des groupes salafistes tels l’Etat islamique, le Fateh El Cham-Front El Nosra, Ahrar El Cham et de leurs parrains du Golfe, a été expliquée par le représentant turc, le vice-premier ministre Mehmet Simcek en des termes sans ambiguïté :« il faut être pragmatique. Les faits sur le terrain ont changé. La Turquie ne peut plus insister sur un accord sans Assad. Ce n’est plus réaliste » (8). Ce dernier signifie ainsi aux occidentaux et leurs alliés du Golfe l’échec de cette politique. Mais si la page syrienne semble tourner en faveur de la Syrie, de l’Iran et du Hezbollah avec une relative ‘’ passivité américaine’, il faut s’attendre à l’écriture d’une autre au Moyen-Orient.
En effet, il n’est pas déraisonnable de prévoir qu’entre Russie et USA, des relations politiques et économiques plus apaisées s’installent comme annoncées par le candidat D.Trump- rétablissement des relations économiques, une politique moins agressive dans le dossier ukrainien et même un ‘’oubli’’ politique américain de la Crimée- l’objectif étant de neutraliser le Russe pour mieux affronter deux autres dossiers brûlants : la Chine et l’Iran.
Vers une confrontation politique avec la Chine ?
Dans un entretien téléphonique avec le président américain, le président chinois Xi Jimping a rappelé que « les faits témoignent que la coopération est l’unique choix correct pour développer les relations entre la Chine et les Etats-Unis » et invite son homologue à une rencontre pour en discuter.
Ce qui n’empêche pas la presse officielle chinoise de rappeler que la remise en cause de l’unicité de la Chine et de la souveraineté des îles de la mer de Chine du Sud constituent un casus belli. Face aux manœuvres navales japonaise et américaine dans la région et notamment dans le détroit de Formose, les éditorialistes chinois précisent qu’empêcher Pékin de contrôler ces îles « reviendrait à provoquer une guerre en mer de Chine du Sud » et a conseillé aux Etats-Unis de « renforcer leurs puissances nucléaires s’ils voulaient forcer une grande puissance nucléaire à se retirer de son propre territoire. »(9)
Il est évident que les déclarations du candidat D.Trump contiennent une part de bluff, somme toute inhérente à un homme d’affaires. Mais dans tout bluff, il y a une annonce : désormais, la parole et l’intérêt de la première puissance supplantent le droit international. Autrement dit, le faire semblant n’est plus de mise.
…Et une guerre avec l’Iran ?
Là aussi, le candidat D.Trump a dénoncé sans détour l’accord nucléaire signé en juillet 2015 entre l’Iran, le Conseil de Sécurité de l’ONU et l’Allemagne et s’est engagé à le remettre en cause en le qualifiant de « catastrophe qui pourrait conduire à un holocauste nucléaire. » Le président va-t-il mettre à exécution son engagement comme le souhaitent l’Etat d’Israël et l’Arabie Saoudite ?
Pour le président iranien Hassan Rohani, « les résultats des élections américaines n’a aucun effet sur la politique de la République islamique d’Iran. » Autrement dit, la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’ONU relative au nucléaire iranien est hors de danger. Ce qui ne signifie nullement que l’Iran est à l’abri d’une déstabilisation politique encouragée et organisée par la nouvelle administration, comme le souhaitent plusieurs ex-politiciens et intellectuels américains. Ces derniers ont exhorté le nouveau président à collaborer avec l’opposition iranienne, installée en Occident afin que Téhéran « ne menacent plus les intérêts stratégiques américains. » (10)
Certains des responsables de la sécurité nationale, nommés par le président D.Trump, membres d’un groupe appelé ’’Nous détestons l’Iran’’, ne cachent pas leurs hostilités viscérales à l’Etat iranien et sont prêts pour que « tout se mette en place pour rendre possible une guerre contre l’Iran. » (11)
De même au Liban, Israël et l’Arabie Saoudite ne peuvent pas permettre une ’’pacification’’ en Syrie sans une volonté de déstabiliser le Liban : réveiller les cellules dormantes des groupes islamistes, introduire des combattants islamistes opérant en Syrie pour semer des troubles militaires au Liban Sud afin de nuire à la résistance libanaise dont le Hezbollah. Car il faut bien que la guerre qu’attend le général israélien dans deux ou trois ans se prépare dès maintenant et elle a pour cible le Hezbollah, entre autres.
En tout cas, sur le dossier iranien et libanais, il est for probable que la rencontre prévue en février entre le Président américain et le Premier ministre israélien donnera un premier aperçu de « la vision commune pour faire avancer la paix dans la région. »
M. El Bachir