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Après l’Irak, la Syrie… De nouveau, le Liban au centre de la résistance

Au dernier sommet du G20, les Présidents états-unien et russe ont exprimé poliment mais fermement leurs désaccords sur le devenir de la Syrie et donc de la région,laissant à leurs Ministres de Affaires étrangères le soin de négocier les conditions politiques d’une Conférence de Paix.

Mais, avant même que les Ministres des Affaires étrangères, John Kerry et Serguï Lavrov, ne se rencontrent, l’opposition syrienne, dite ‘’modérée’’, a posé les conditions de sa présence à une telle Conférence se résumant en un : ‘’Tout sauf Bachar El Assad’’. Il faut souligner qu’un tel préalable survient au moment où l’ensemble des groupes armés ‘’modérés’’ ou non subissent des défaites militaires significatives, notamment à Alep. Un cessez-le-feu qui a débuté avec l’ouverture du front du Golan où Jordanie, Israël et Front El Nosra agissent main dans la main.

On connaît les grandes lignes de l’accord conclu entre Russe et Américain pour la mise en place d’un processus politique en Syrie. A ce sujet, deux questions se posent.

Peut-on apporter un quelconque crédit à la volonté américaine d’imposer à ses protégés et à ses alliés locaux les conditions de cet accord ?

Les Etats-Unis sont-ils réellement animés par le désir d’une résolution du conflit syrien ?

Abstraction faite de la ’’grosse bavure intentionnelle’’ de l’armée américaine à Deïr Zor, il est permis de douter de cette bonne volonté occidentale.

Un cessez-le-feu sans lendemain

Sans lendemain parce qu’il est difficile de croire que les parrains locaux, wahhabite, turc , jordanien et israélien, des groupes armés, aient une volonté d’imposer à leurs protégés une ligne politique qui acte, ni plus ni moins, leurs défaites militaires. A supposer que les pays occidentaux ne sont, eux, animés que par le souci de la mise en place d’un processus démocratique avec ou sans le Président syrien, croire à un tel scénario suppose que l’ingérence des Monarchies du Golfe et d’Israël est dictée par l’unique avenir du peuple syrien.

En effet, croire à une issue politique limitée dans le temps et l’espace syrien, signifie que ce conflit est avant tout, local sans dimension géostratégique internationale. Il va de soi qu’une telle lecture est coupée de toute réalité. D’une part, depuis une trentaine d’années, les exemples ne manquent pas pour affirmer qu’en Syrie comme ailleurs la motivation affichée occidentale, ‘’Droit de l’Homme’’, ‘’Droit de protéger les minorités’’ s’apparente plus au ’’Droit de civiliser les races inférieures’’ du colonialisme d’hier qu’à un quelconque souci de protéger. D’autre part, pour Israël et les Monarchies wahhabites, l’Iran, la Syrie et le Hezbollah constituent à leurs yeux une menace existentielle.(1)

Aussi répéter avec instance qu’une volonté politique occidentale existe pour mettre fin au drame syrien est, au contraire, annonciateur d’une mutation de la confrontation militaire. Une mutation dans la forme et dans l’espace géographique de la confrontation avec son corollaire militaire, l’entrée en scène de nouveaux acteurs.

Apporter un quelconque crédit à une volonté politique américaine de mettre fin au conflit syrien, c’est oublier, premièrement, que se joue au Moyen-Orient « la lutte entre deux axes géopolitiques : celui qui défend la prépondérance américano-israélienne, saoudienne et turque au Moyen-Orient d’un côté et celui qui conteste cette prédominance et qui, aujourd’hui, regroupe l’Iran, la Russie, la Chine, l’Etat syrien et le Hezbollah libanais et ses alliés qui se recrutent -dans toutes les communautés libanaises. C’est une bataille titanesque. » (2)

Deuxièmement, les Etats-Unis et les membres de l’Otan qui regardent, en Europe, la Russie comme un ennemi à encercler et à affaiblir, ne sont pas prêts à lui faciliter la tâche au Moyen-Orient. Et de surcroît offrir au Président Poutine une victoire politique et militaire au Moyen-Orient.

Pour comprendre les tenants et aboutissants de ce qui se jouent dans cette région, les déclarations actuelles des dirigeants occidentaux ne sont d’aucune utilité. Au contraire, celles-ci servent plus à masquer le réel qu’à le cerner.

Mais, en s’appuyant sur quelques déclarations et analyses d’idéologues israéliens et américains, on peut entrevoir la future phase de la confrontation, une fois le décès du ‘’cessez-le-feu de la fête symbolisant le sacrifice d’Abraham’’ constaté. Un décès qui ne saurait tarder.

Le Chaos créateur au cœur de la géostratégie impérialo-sioniste

Le sourire charmeur d’ Obama ne doit pas faire illusion sur les objectifs stratégiques de la politique internationale des Etats-Unis. Une politique internationale à laquelle la France s’est alignée corps et âme. Un objectif stratégique constitué d’ un arsenal idéologique qui définit la place et le rôle des Etats-Unis dans le monde du 21° siècle comme un Empire au-dessus de la loi internationale puisqu’il est la Loi. A ce sujet, il ne faut pas se leurrer, l’Empire n’a pas pour mission de veiller au respect du Droit international mais d’être la Loi. En ce sens, l’Iran, la Syrie, le Hezbollah, la Russie et la Chine représentent l’avant garde de la résistance à cet Empire dont Israël est l’une des pièces maîtresses. Pour cet Axe de la résistance, le Droit international, notamment la souveraineté des Etats est ,en même temps, sa force et sa faiblesse parce que ce dernier affronte une nouvelle forme de stratégie idéologique et militaire : le Chaos créateur.

Pour donner quelques caractéristiques de ce Chaos. Commençons par une question-réponse :

« Croyez-vous que des solutions efficaces puissent émerger d’une analyse judicieuse de la réalité observable ? »

La réponse est sans ambiguïté : «  En vérité, le monde ne marche plus réellement de cette manière. Nous américains, nous sommes maintenant un Empire et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez studieusement cette réalité, nous ne perdons pas de temps, nous agissons et nous créons de d’autres réalités nouvelles qu’il vous est loisible d’analyser…C’est ainsi que les choses se passent, pas autrement. Nous sommes les acteurs et les producteurs de l’Histoire. A vous, vous tous, il ne vous reste qu’à étudier ce que nous créons. » (3)

Des propos qui ne peuvent être compris sans un retour dans le passé et en s’appuyant sur quelques faits historiques.

A cet effet, prenons comme point de départ, un document israélien publié en février 1982 par la Revue d’Etudes palestiniennes. En voici la teneur :« ...La décomposition du Liban en cinq provinces préfigure le sort qui attend le monde arabe tout entier, y compris l’Egypte, la Syrie, l’Irak, et toute la péninsule arabe… La désintégration de la Syrie, de l’Irak en province ethniquement ou religieusement homogène est l’objectif prioritaire d’Israël à long terme…A court terme, l’objectif est la dissolution militaire de ces Etats… » Il ne faut pas oublier, nous sommes en 1982. Et pour compléter cette vision du Haut fonctionnaire des Affaires étrangères Oded Ollin, ajoutons ce que l’armée arabe syrienne soutenue par l’Iran, la Résistance arabe dont le Hezbollah et la Russie ont empêché d’advenir : « … La Syrie va se diviser en plusieurs Etats suivant les communautés ethniques, de telle sorte que la côte deviendra un Etat alaouite chiite ; la région d’Alep, un Etat sunnite… » (4)

Les autres Etats arabes, Irak, Liban, Egypte, Libye, Soudan… n’échappent pas à la désintégration anticipée. Il va sans dire que la réalité actuelle de ces Etats confirme la ’’vision’’ d’Oded Yollin. Mais loin d’être un visionnaire, Oded Yollin ne faisait que tracer la ’’Feuille de Route’’ de la « Stratégie pour Israël dans les années 80. »

Et la place du peuple palestinien dans cette ’’Feuille de Route’’ ?

Le Haut fonctionnaire israélien Oded Yollin répond sans détour : « … La tactique d’Israël soit militaire, soit diplomatique, doit viser à liquider le régime jordanien et à transférer le pouvoir à la majorité palestinienne. Ce changement de régime en Cisjordanie résoudra le problème des territoires cisjordaniens… Il faut rejeter le plan d’autonomie et toute proposition de compromis… »

Evidemment, il faut ajouter à cette patrie palestinienne, la Bande de Gaza. Elucubrations ou pas d’un illuminé, une chose est sûre : la colonisation de la Cisjordanie et sa mutation en Judée-Samarie, y compris Jérusalem-Est, est en cours d’achèvement avec le soutien sans condition des puissances occidentales. Aussi croire que, par la voie diplomatique, une solution politique reconnaissant un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza avec Jérusalem-Est comme capitale, c’est croire tout simplement à l’existence du Père Noël. Ceci d’autant plus que se tissent des alliances politiques et militaires avec les Monarchies wahhabites en vue de la future phase de la confrontation régionale dont le prix à payer est l’abandon du Golan, un contrôle militaire israélien sur sa frontière Nord et une autonomie palestinienne à minima. Ainsi la « Stratégie pour Israël dans les années 80 » prend corps dans la réalité actuelle des Etats et des peuples arabes. C’est cela le Chaos créateur dont parle l’idéologue néo-conservateur K.Rove.

Le rôle des Monarchies wahhabites : légitimer religieusement l’entrée en guerre d’Israël

Deux moments historiques permettent de définir le rôle actuel de l’Arabie saoudite dans ce Chaos créateur. Tout d’abord, sa création même par le colonialisme britannique : diviser le Moyen-Orient arabe et combattre le mouvement de la Renaissance arabe. Puis, à partir de 1945, se substitua, peu à peu, au colonialisme franco-britannique, l’impérialisme américain pour faire de l’Arabie Saoudite le gendarme idéologique en s’appuyant sur sa force pétrolière et surtout religieuse. Le Pacte du Quincy de 1945, renouvelé en 2005 et la doctrine Roosevelt de 1956, consacrèrent l’Arabie Saoudite telle qu’elle apparaît, aujourd’hui, sur la scène musulmane. Un Etat anachronique mais fort utile à l’Impérialisme occidental et au Sionisme.

Aujourd’hui, en présentant l’Iran comme l’ennemi juré du sunnisme, l’Arabie Saoudite prépare mentalement la population à majorité sunnite à une extension du conflit. Et au regard du rapprochement politique et plus secrètement, militaire entre les Monarchies du Golfe et l’Etat d’Israël, le Liban est sans doute le prochain théâtre militaire avec l’entrée en scène d’Israël. Il est évident que la Résistance libanaise incarnée par le Hezbollah est la cible désignée. Sur ce point, la participation de l’aviation militaire d’Emirats arabes unis à un exercice militaire organisé par l’Etat- major américain auquel a participé également Israël et le Pakistan est-elle anecdotique ?

Toujours est-il le réveil des cellules dormantes des organisations terroristes au Liban, financées dès 2007 (1) sera l’annonciateur d’une intervention militaire d’une grande ampleur dans le pays du Cèdre.

M El Bachir

(1) http://questionscritiques.free.fr/dossiers/Seymour_Hersh/Etats-Unis_Proche-Orient_redirection_260207.htm

(2) Michel Rimbaud : Tempête sur le Grand Moyen-Orient Broché – 24 février 2015

(3) https://www.monde-diplomatique.fr/2007/12/SALMON/15433

(4) http://www.renenaba.com/revue-detude-palestiniennes-n-14-fevrier-1982


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Philippe Bordas. Forcenés. Paris, Fayard 2008.
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