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Union Européenne : claquer la porte ou « renégocier les traités » ? En débattre sans tabou !

Pour un "indépendantisme" conséquent Par Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF, auteur de Patriotisme et internationalisme

La tonalité des discours de Jean-Luc Mélenchon sur l’UE se fait de plus en plus dénonciatrice, et c’est heureux : avec de francs accents républicains, l’ex-candidat Front de gauche aux présidentielles de 2012 dénonce avec vigueur la domination du grand capital, de Berlin et des EU sur l’UE ; dans la dernière période, il a vigoureusement fait le lien – contrairement aux états-majors du PCF-PGE et de la CGT ! – entre la loi El Khomri et le diktat que Bruxelles a adressé à la France en matière de dérégulation du marché du travail.

Toutefois une différence de taille, dont doivent fraternellement débattre les forces progressistes, sépare la position claire du PRCF, que résume l’expression quatre sorties (de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme), de la position que défend jusqu’ici Jean-Luc Mélenchon. Disant cela nous n’avons pas principalement en vue les divergences traditionnelles qui opposent les réformistes aux révolutionnaires au sujet de la rupture révolutionnaire avec le capitalisme : il serait bien vain en effet de demander à Mélenchon de devenir subitement marxiste-léniniste en affirmant, comme le PRCF n’a cessé de le faire, qu’aucune alternative au délitement de la nation ne peut émerger « si l’on craint de marcher au socialisme » (Lénine) : un socialisme qui implique toujours la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, la mise hors d’état de nuire du grand capital et des forces contre-révolutionnaires et la socialisation des grands moyens de production. Sur ce plan, le PRCF se tourne tout naturellement vers les forces vraiment communistes de notre pays où qu’elles militent, vers la classe ouvrière en lutte (Goodyear, Air France...) et vers les syndicalistes « rouges » qui ont compris la nature 100% régressive du turbo-capitalisme actuel : reconstruire un parti communiste de combat relève en effet exclusivement de la responsabilité des militants communistes qui doivent réapprendre à militer ensemble, indépendamment du PCF dont la direction n’est plus qu’un satellite de l’UE (laquelle subventionne le PGE présidé par P. Laurent) et qu’une force d’appoint consentante du PS (cf la proposition liquidatrice de P. Laurent de dissoudre ce qui reste du PCF dans les « primaires » cambadéliennes**...

Ne demandant pas plus au président-fondateur du Parti de Gauche de devenir communiste que nous n’accepterions qu’il exigeât l’inverse de nous, nous l’interpellons donc très cordialement à propos de sa « sortie des traités européens ». A nos yeux cette proposition d’apparence radicale qui vise à « refonder » l’UE, ne peut suffire ni à « accrocher » la classe ouvrière – force motrice incontournable d’une éventuelle rupture progressiste – ni à fédérer notre peuple face à la tenaille mortifère de l’U.M.-Pen-S ni à permettre, si elle était mise en pratique suite à l’accès au pouvoir de la vraie gauche, de consolider le changement et de contrer l’inévitable contre-offensive fascisante de la réaction.

Le PRCF : EN SORTIR AU PLUS TÔT POUR NE PAS « Y RESTER » !

Quelle est alors la proposition stratégique du PRCF ? Elle part d’une idée simple qu’il est inutile d’être marxiste pour partager : c’est en effet Jean-Jacques Rousseau qui a démontré dans le Contrat social que la souveraineté du peuple est inaliénable, qu’on n’a pas à la négocier, qu’elle s’affirme d’emblée dans toute sa force irruptive... ou qu’elle n’est rien. Sœur jumelle de la souveraineté populaire, la souveraineté de la nation ne se négocie pas : elle se prend. Sortir de l’UE, de l’euro, de l’OTAN, ces trois carcans supranationaux et atlantiques majeurs dont dérivent tous les autres carcans qui nous strangulent, ne saurait donc, dans le principe même, faire l’objet d’une négociation ; le simple fait de négocier sur ce point signifie déjà que la France... n’existe pas, qu’elle dépend d’autrui pour... être indépendante et qu’elle se situe au mieux comme une province récalcitrante de l’Empire européen en passe de devenir « Union transatlantique » ; en clair, que feue la République française fondée par Robespierre et refondée par le CNR n’est qu’un pays mineur dénué de dignité nationale. Or on ne peut pas plus être « semi-indépendant » qu’on ne saurait se dire à moitié vierge... Au contraire, proclamer que « le peuple souverain s’avance » sans demander ni quémander, à l’image de la Marianne de Delacroix entourée de l’ouvrier combattant, de l’intellectuel en armes et du Gavroche juvénile, c’est prendre pleinement au sérieux l’insoumission, l’insubordination, en un mot l’indépendance politique du peuple et de ses composantes combatives : travailleurs salariés en lutte, intellectuels progressistes, jeunesse en rébellion, mais aussi paysans et artisans se fédérant sous les emblèmes conjoints du drapeau tricolore et du rouge bonnet phrygien. Annoncer ici et maintenant que l’on est disposé à claquer la porte de l’UE atlantique, c’est appeler les forces du travail et du progrès au combat sans merci, c’est s’interdire d’avance les pitoyables palinodies d’un Tsipras, les dérisoires « NON Podemos » à répétition d’un Iglesias, c’est renoncer pour l’avenir, non pas au noble engagement écologique, mais aux alliances sans avenir avec les euro-fédéralistes « verts » ; c’est aussi couper court au sempiternel rabattage indécent vers le PS hollando-maastrichtien cher à l’état-major PCF uniquement préoccupé de sauver ses postes parlementaires en cautionnant la primaire socialiste...

DE L’EURO-RENEGOCIATION A L’ENLISEMENT

Supposons à l’inverse qu’une fois élu le candidat des Français insoumis engage une sortie des traités, MAIS PAS de l’euro, de l’UE et de l’OTAN, bref, qu’il propose de fait la « renégociation des traités » européens dans le cadre de l’UE. Le voilà aussitôt pour de longs mois à la merci des tenanciers de l’euro, donc dans l’incapacité de décider vraiment du budget national toujours soumis de fait à la BCE (c’est-à-dire à Merkel). Le voilà menacé d’être entraîné à tout moment dans les aventures belliqueuses de l’OTAN (c’est-à-dire des impérialistes en chef Trump ou Clinton). Le voilà dans l’incapacité de stopper aux frontières les capitaux et les grandes fortunes achevant de migrer vers le Panama et de stopper le remboursement de la « dette » aux marchés usuriers. Car pour tout cela, il faut des instruments (politiques, économiques, militaires, diplomatiques...) NATIONAUX tant il est vrai qu’il vaut mieux partir armé pour la guerre qu’attendre la bataille pour s’armer. Impuissance aussi à (re-)nationaliser franchement – sans indemnités pour les gros actionnaires pillards – les secteurs stratégiques de l’économie, banque, grande industrie, grande distribution, infrastructures, et impuissance à interdire les délocalisations qui, bien évidemment, s’accélèreraient du jour au lendemain ou même tout simplement, à protéger notre langue nationale phagocytée par le tout-anglais « transatlantique » puisque toute mesure de protection linguistique ou culturelle se heurtera d’emblée à d’énormes amendes européennes (au nom du « marché unique ») et au déclenchement d’alertes juridiques devant les instances supranationales.

Voilà au contraire le nouveau pouvoir progressiste, après plusieurs mois de « renégociation » des traités (si renégociation il y a !), non pas en train d’agir et de changer la vie comme l’attendraient légitiment les dizaines de millions de Français qui vivent mal, mais en passe d’organiser un référendum sur le résultat de la négociation avec, en fait d’action... une nouvelle campagne électorale sur les bras : c’est en réalité ce que se propose de faire, sur les bases de droite qui sont les siennes, David Cameron en Grande-Bretagne et ce que – au service d’une politique ultraréactionnaire diamétralement opposée à ce que propose Jean-Luc Mélenchon – a récemment proposé Marion Le Pen à la matinale de France-Inter. Rappelons en outre que le 29 mai 2005, le peuple français a dit non à la constitution supranationale et non pas « renégociation des traités fondateurs ». Bien plus que reconstituer la mortifère UE sur d’improbables bases progressistes, la sortie de l’UE appellerait tout au contraire à reconstituer la nation républicaine une, laïque, indivisible et sociale : ce qui ne devrait pas effrayer un partisans conséquent de la 6ème République.

FRANCHISE MOBILISATRICE

Certes, Mélenchon garde sous le coude un « plan B » qui est la sortie pure et simple de l’euro et de l’UE si Berlin, dont on a mesuré le sens du dialogue d’Athènes à Madrid, ne nous écoutait pas. Mais outre que, dans les rapports de forces inter-impérialistes actuels, la mastodontesque « République de Berlin », soutenue par Washington se fait un malin plaisir d’humilier ceux qui veulent négocier avec elle DANS LE CADRE PIEGEANT de l’UE/Euro/OTAN, ne voit-on pas que ce plan B risque fort de venir trop tard, d’être torpillé de cent façons par la partie la plus modérée de la gauche populaire encline à « renégocier » l’euro, bref, d’intervenir totalement à contretemps et quand notre pays aura déjà été mis financièrement à genoux par la conjonction de l’euro-cartel bruxellois et des forces oligarchiques qui détruisent au quotidien notre pays de l’intérieur ?

On peut certes se dire que, tactiquement, il peut être utile de prouver aux Français progressistes qui en doutent encore, que la rupture vient de l’UE et non de la France et qu’en réalité, la « sortie des traités » mène automatiquement à la sortie tout court. Mais si tel est le cas, soit on ne le dit pas, et dans ce cas on cultive l’équivoque, la division, les flottements, et à l’arrivée, la décomposition du camp progressiste ; soit on le proclame : dans ce cas, il n’y a pas de plan A et de plan B, et la classe ouvrière n’étant pas plus sotte que l’oligarchie, il faut se préparer et la préparer au combat immédiat : ce qui est toujours plus simple si l’on dit la vérité que si on l’entoure de cent codicilles démoralisants. Non seulement ce positionnement FRANC ET DIRECT ne nuirait pas au rassemblement populaire majoritaire mais il créerait le choc de franchise dont les couches populaires ont besoin pour s’engager, élargir les luttes sociales et entraîner les couches moyennes ; car jusqu’ici, ces dernières donnent le ton à gauche en conduisant le camp progressiste à céder au FN le terrain de la radicalité patriotique (mensongère !) sans pour autant tenir efficacement le terrain du progrès social et des coopérations internationales.

UNILATERALISME PROGRESSISTE

Regardons d’ailleurs les pays sud-américains de l’ALBA : ont-ils réclamé la renégociation des traités néolibéraux et supranationaux qui les enchaînaient à Wall Street ? Nullement, ils ont recouvré unilatéralement leur souveraineté par des actes de lutte, par des mesures sociales immédiates, par la mise en place de coopérations internationales d’Etat à Etat étrangères à « l’économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » (Maastricht). Et si certains pays latino-américains ont reculé récemment devant l’offensive conjointe de la droite ultra et de Washington, est-ce parce qu’ils sont trop restés fidèles à ce programme de rupture ou parce qu’au contraire, faute parfois d’une influence encore suffisante des partis communistes locaux, la classe laborieuse n’a pas pu (encore) prendre franchement la tête des processus de rupture ? Progrès social, démocratie populaire de masse, indépendance nationale, coopération internationale, tout cela nécessite la confrontation avec le grand capital et c’est pourquoi – nous le disons en tant que communistes sans forcer quiconque à aller jusque là, c’est l’expérience qui tranchera – les processus de rupture franche avec l’ordre néolibéral euro-atlantique ou autre ne peuvent avoir selon nous qu’un débouché révolutionnaire.

DIALOGUER POUR RASSEMBLER

Cela signifie-t-il qu’il faille rompre les ponts entre ceux qui, de manière conséquemment républicaine, comme le PRCF, usent du slogan « pour s’en sortir, il faut en sortir ! (de l’UE atlantique) » – et les républicains non communistes qui cheminent à petits pas vers ce mot d’ordre – tant il devient difficile à quiconque, expérience mille fois faite de la nocivité de l’UE, de défendre l’introuvable « Europe sociale » des gauches réformistes, ou l’impossible et chauvine « Europe à la française » du « souverainisme » droitier ? Nullement ! Ce que nous proposons plutôt, non seulement au citoyen Mélenchon mais à tous ceux qui veulent construire le FR.A.P.P.E (Front Antifasciste, Patriotique, Populaire et Ecologique) pour rouvrir à la France la voie du progrès, c’est de débattre ensemble, fraternellement et publiquement, sur le « comment » de l’émancipation populaire : faisons en sorte que toutes les occasions soient bonnes, luttes revendicatives et civiques, résistances anti-impérialistes, mobilisations antifascistes et antiracistes, Nuits et jours debout, échéances électorales diverses, pour OUVRIR ENFIN PUBLIQUEMENT LE DEBAT SANS TABOU et SANS EXCLUSIVE sur la rupture franche avec l’UE atlantique et son funeste euro.

Georges Gastaud est secrétaire national du PRCF

*ainsi que les communistes qui se satisfont trop vite du mot d’ordre de « sortie des traités supranationaux »...

**Olivier Dartigolle, porte-parole officiel du PCF, évoquant même un changement de nom de son parti...).

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»» http://www.initiative-communiste.fr...
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