Mais cette fois non pas à l’égard de l’Exécutif ou du Législateur (on sait qu’indépendante elle ne saurait l’être depuis que De Gaulle l’a assignée au simple rang d’autorité, alors que Montesquieu la vouait à s’élever en troisième pouvoir), mais à celui d’une puissance étrangère. Alors que l’on savait l’Etat français plus enclin à défendre la souveraineté d’Israël que les droits de l’homme en Palestine, la Justice se met au diapason. Voici en effet la Cour de cassation qui se met à son tour au garde à vous, et encore à genou, devant l’impérialisme sioniste.
Rendez-vous compte. La chambre criminelle vient de justifier, en droit comme en fait, la condamnation de militants du BDS (le mouvement Boycott Désinvestissement Sanctions) qui dénoncent la colonisation de la Palestine. Crime de lèse Netanyahou en quelque sorte.
En fait, qu’avaient-ils commis comme forfait ? S’agissaient-ils de dangereux extrémistes gauchistes fomentant un attentat contre la sécurité de l’Etat ? Ou encore de divers agitateurs venus casser de la vitrine d’honnêtes commerçants bourgeois ?
Vous n’y êtes pas.
Ces courageux militants « participaient à une manifestation appelant au boycott des produits en provenance d’Israël, en portant des vêtements comportant la mention "Palestine vivra, boycott Israël", en distribuant des tracts sur lesquels on lisait : "Boycott des produits importés d’Israël, acheter les produits importés d’Israël, c’est légitimer les crimes à Gaza, c’est approuver la politique menée par le gouvernement israélien", mention suivie de l’énumération de plusieurs marques de produits commercialisées dans les grandes surfaces de la région, et en proférant les slogans : "Israël assassin, Carrefour complice" ».
Et pour les punir d’avoir osé s’élever contre l’expansionnisme israélien, c’est ainsi qu’« à la suite de ces faits, ils ont fait l’objet de citations à comparaître devant le tribunal correctionnel ». On deviendrait donc désormais délinquant lorsque l’on porte des « vêtements comportant la mention "Palestine vivra, boycott Israël" », lorsque l’on distribue des tracts appelant au « Boycott des produits importés d’Israël » et si bien entendu on considère Israël comme un état « assassin ».
Vous ne rêvez pas. Nous sommes en France. En 2015, et malgré la douceur automnale ambiante, il fait froid à la liberté.
Mais alors comment justifier, en droit, la primauté d’Israël, non plus seulement sur la Palestine, mais sur la liberté d’expression ?
Et bien « sur le fondement de l’article 24, alinéa 8, de la loi du 29 juillet 1881 » répond la Haute Cour, faisant la plus magistrale volte face jamais encore réalisée à l’occasion d’un revirement de jurisprudence.
Critiquer Israël de la sorte, c’est en effet nous dit la devenue basse Cour, une « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une race, une religion, une nation ».
Le juriste (et tout justiciable d’ailleurs aussi) est alors tenté de questionner : mais qui sont en l’espèce ces personnes ou ce groupe de personnes qui ont été discriminées ou appelées à l’être par ces militants du BDS qui ne faisaient que protester à l’encontre de la commercialisation en France de produits manufacturés par l’Etat sioniste en territoire palestinien ?
Jusqu’à présent, le droit pénal était d’interprétation stricte. On ne pouvait ainsi étendre la portée d’une infraction au-delà de la lettre du texte de loi incriminant. De sorte que si une infraction réprime un comportement à l’égard de personnes, elle ne peut être consommée si ce comportement vise des choses. Ici, les produits d’origine israélienne manufacturés fabriqués dans les territoires illégalement occupés aux yeux du droit international...
Ce principe élémentaire est toujours vrai, toujours applicable et dans toute sa rigueur.
Sauf s’agissant d’Israël qui a la faculté de conférer la personnalité juridique à du pastrami ou des oranges...
Qui ne voit en effet qu’en l’espèce, il n’y avait pas lieu de « déclarer les prévenus coupables », dès lors que « par leur action [ils n’avaient fait qu’appeler] à discriminer les produits venant d’Israël, incitant les clients à ne pas acheter ces marchandises en raison de l’origine des producteurs et fournisseurs » ?
Mais en discriminant ces « produits venant d’Israël » à raison de l’origine de leur production, il fallait comprendre - et c’est là ineptie juridique - qu’en réalité on discriminerait un groupe de personnes, les producteurs et fournisseurs établis dans les territoires occupés au mépris du record absolu des résolutions onusiennes depuis 50 ans, qui constitue « un groupe de personnes » et « appartiennent à une nation déterminée, en l’espèce Israël ».
Vous pensiez naïvement qu’en fait, comme en droit, Carmel (fruits et légumes), Jaffa (fruits et légumes), Kedem (avocats), Coral (Cerises), Top (fruits et légumes), Beigel (biscuits apéritifs), Hasat (agrumes), Sabra (repas complets), Osem (soupes, snacks, biscuits, repas complets préparés), Dagir (conserves de poissons), Holyland (miel, herbes), Amba (conserves), Green Valley (vin), Tivall (produits végétariens), Agrofresh (concombres), Jordan Valley (dattes), Dana (tomates cerises), Epilady (appareils d’épilation), Ahava (cosmétiques de la Mer morte) et j’en passe, étaient des marques commerciales appartenant à de grands groupes commerciaux détenus par des trusts via des montages de sociétés à capitaux israéliens…
Et bien non, il s’agit de groupe de personnes. Sans rire. Et c’est vrai que cet arrêt ne fait pas rire. Il fait honte. Honte à la France.
Honte à toi chambre criminelle qui a statué que de tels motifs de jugement étaient « exempts d’insuffisance comme de contradiction ».
On pensait la justice rendue au nom du peuple français. On se trompait. Voici qu’elle est rendue en France pour compte du gouvernement fascisant d’Israël.
MaxKo
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000031374097&fastReqId=434382946&fastPos=1