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Le fanatisme religieux est un élément essentiel du soutien étasunien à Israël. (The Intercept)

Un nouveau sondage de Bloomberg Politics parvient à des résultats qui, quand on y pense, sont pour le moins étonnants.

En ce qui concerne les relations entre Israël et les Etats-Unis, à laquelle de ces propositions adhérez-vous :

 

  • Israël est un allié mais nous devrions poursuivre nos intérêts quand ils divergent de ceux d’Israël : 47%
  • Israël est un important allié, la seule démocratie de la région, et nous devrions le soutenir même si nos intérêts divergent : 45%
  • Je ne sais pas : 8%
Intérêts américains versus intérêts israéliens

Près de la moitié de tous les Américains veulent soutenir Israël, même si les intérêts de ce pays divergent des intérêts de leur propre pays. Seule une minorité d’Américains (47 %) disent que leur pays doit poursuivre ses propres intérêts plutôt que de soutenir Israël quand il faut faire un choix entre les deux. C’est le reniement complet du Discours d’adieu de George Washington de 1796 dans lequel il soulignait qu’"il était absolument capital de ne pas se laisser aller à la haine invétérée et irréductible contre certaines nations et à la passion amoureuse pour d’autres ... La nation qui s’habitue à détester ou à aimer une autre nation en devient forcément plus ou moins l’esclave".

Il est inimaginable qu’une grande partie des Etasuniens veuille soutenir un pays étranger, quel qu’il soit, même lorsque cela est contraire aux intérêts étasuniens. Seul Israël suscite ce degré de ferveur et d’abnégation chez les Etasuniens. Cela vaut donc la peine de se demander d’où vient cette bizarrerie de l’opinion publique étasunienne.

La réponse devrait nous mettre tous mal à l’aise : c’est le fanatisme religieux. Les médias étasuniens adorent se moquer du fait que des nations ennemies, surtout les nations musulmanes, soient menées par des forces religieuses extrémistes, mais c’est précisément ce facteur qui explique en grande partie le fervent soutien de la population américaine à Israël. En donnant les résultats de son sondage, Bloomberg a fait la remarque suivante :

La religion semble jouer un rôle important dans ces chiffres. Les chrétiens sont plus nombreux que l’ensemble des sondés, 58% contre 35%, à soutenir Israël même contre l’intérêt des Etats-Unis. Les Etasuniens sans appartenance religieuse ont été les moins prêts à le faire, à 26%.

La principale raison pour laquelle les chrétiens évangéliques des États-Unis sont si dévoués à Israël est simple : leur doctrine religieuse radicale leur enseigne que c’est Dieu qui l’exige. En 2004, Pat Robertson a prononcé un discours intitulé "Pourquoi les chrétiens évangélistes soutiennent-ils Israël ?" dans lequel il a dit : "Les chrétiens évangélistes soutiennent Israël parce que nous croyons que les paroles de Moïse et des anciens prophètes d’Israël ont été inspirées par Dieu," et "nous pensons que la création d’un état juif sur la terre promise par Dieu à Abraham, Isaac et Jacob a été ordonnée par Dieu." Il a ajouté que "le peuple élu de Dieu" – les Juifs - avaient un devoir envers Dieu, celui de lutter contre les "vandales musulmans", afin qu’Israël reste uni entre leurs mains :

Si le peuple élu de Dieu laissait ses sites les plus sacrés, tomber aux mains d’Allah – si les vandales musulmans se rendaient maîtres des tombeaux de Rachel, de Joseph, des patriarches, des anciens prophètes – s’ils croyaient que leur droit à la Terre Sainte vient uniquement de Lord Balfour d’Angleterre et de la volage ONU plutôt que des promesses du Dieu tout-puissant alors dans ce cas, l’Islam auront gagné la partie. Dans le monde musulman se répandrait le message qu’"Allah est plus grand que l’Eternel" et que les promesses de l’Eternel aux Juifs n’ont aucune valeur.

C’est cet épouvantable discours extrémiste religieux au sujet d’Israël qu’on entend encore et encore dans les plus grandes églises évangélistes d’Amérique. La très populaire secte "dispensationaliste"* repose sur la croyance dogmatique qu’un Israël unifié aux mains des Juifs est la condition préalable à l’Armageddon ou à l’Enlèvement et à la Seconde venue de Jésus** : une croyance partagée non par des milliers, mais par des millions d’Américains. Comme l’évangéliste Robert Nicholson le dit dans un essai nuancé et réfléchi de 2013 portant sur les différences doctrinales qu’on trouve dans ce groupe : "Les évangélistes croient que Dieu a choisi le peuple bibliques d’Israël comme instrument de la rédemption de l’humanité, un agent terrestre à travers lequel il accomplirait son grand plan pour l’histoire." Comme, le célèbre et influent et influent, John Hagee, l’a dit en termes simples : "Nous soutenons Israël parce que toutes les autres nations ont été créées par l’action des hommes, mais Israël a été créé par un acte de Dieu !".

Il va sans dire que la croyance religieuse joue également un rôle dans le soutien à Israël des juifs américains. En effet, les néocons font fréquemment le lien entre la judéité américaine et le soutien à Israël en faisant valoir qu’un bon Juif Américain ne devrait pas être Démocrate parce que ce parti ne soutient pas suffisamment Israël (ce qui ne les empêche pas d’accuser "d’antisémitisme" les critiques d’Israël qui font état du même lien que celui qu’ils exploitent eux-mêmes). Comme le montre un sondage Pew de 2013 :

La plupart des Juifs américains ressentent au moins un certain attachement affectif pour Israël, et beaucoup se sont rendus dans l’état juif. Quatre sur dix croient qu’Israël a été donné au peuple juif par Dieu, une croyance que partagent environ huit sur dix juifs orthodoxes.

L’extrémisme religieux juif est directement lié au soutien à Israël, comme l’a noté The Forward : "De tous les Juifs, ce sont les Juifs orthodoxes qui soutiennent le plus l’AIPAC". Le New York Times a récemment parlé du lien entre l’activisme juif et le soutien à Israël : "Les Républicains ... sont plus inconditionnellement pro-israélien que jamais" en partie à cause "d’une forte augmentation des dons en leur faveur" de la part de ce que J. Street appelle un "petit groupe de très riches juifs américains", comme Sheldon Adelson.

Mais les Juifs ne forment que 1,4% de la population américaine, ce qui limite encore ce phénomène. (En revanche, 82% des Américains se disent chrétiens et "37 % de tous les chrétiens se disent nés de l’Esprit-Saint ou évangélistes"). De plus, les Juifs américains ont longtemps été divisés sur le poids à donner à Israël dans leur vision politique et il y a une érosion de ce soutien chez les jeunes Juifs américains, en particulier. De fait, les chrétiens évangéliques sont beaucoup plus fermes dans leur soutien à Israël que les Juifs américains, comme le dit Bloomberg : "Pour de nombreux Démocrates, même ceux qui sont juifs, la question n’a pas la même importance." Le soutien d’origine religieuse des évangélistes - et l’alliance cynique entre les deux factions religieuses**** - est crucial pour le maintien de ce soutien.

Il est important de ne pas trop simplifier le rôle joué par le fanatisme religieux. Il y a, bien sûr, d’autres facteurs qui expliquent ce bizarre soutien américain à Israël même au détriment de leur propre pays. Le profond rejet des musulmans qui a suivi le 11 septembre a été habilement exploité pour générer ce soutien. On répète aux Etasuniens depuis des dizaines d’années qu’Israël est une “démocratie” - une affirmation de plus en plus difficile à soutenir - et donc un allié politique naturel. Les Américains ont tendance à ne pas remettre en question ni même à débattre des raisons politiques qui sous-tendent le soutien bipartite, et le dévouement sans faille à Israël est depuis des années,la prise de position bipartite par excellence. Et, comme David Mizner l’a récemment expliqué dans Jacobin, Israël est depuis longtemps un "état-client" qui permet au gouvernement américain de déployer par procuration sa volonté de puissance au Moyen-Orient.

Mais on ne peut nier que l’extrémisme religieux joue un rôle très important dans l’attitude des Américains envers Israël. Compte tenu de son importance, c’est un phénomène remarquablement peu discuté pour la bonne raison que les personnalités médiatiques étasuniennes trouvent très agréable d’accuser calomnieusement d’autres pays d’être animés par le fanatisme religieux, tout en ignorant le fait que leur propre pays l’est tout autant. Le fait que le journaliste politique de NPR, Domenico Montanaro, soit choqué***** de ce que le soutien à Israël ait engendré le soutien passionné de la foule lorsque Ted Cruz a annoncé sa candidature à la présidentielle à Liberty University donne la mesure du peu de place que cette question occupe dans le débat public.

Comme Dave Weigel se l’est demandé, après avoir vu ce tweet, comment quelqu’un dont le métier est de couvrir la politique peut-il trouver cela surprenant ? C’est parce que ce phénomène est très rarement discuté. C’est amusant, facile et auto-satisfaisant de croire que les pays que nous n’aimons pas sont la proie d’un fanatisme religieux qui dicte leur politique étrangère. C’est beaucoup moins amusant et moins réconfortant de penser à nous-mêmes de cette façon. Mais il ne fait aucun doute que l’extrémisme religieux prévaut en Amérique, et que le soutien général et bizarrement inconditionnel à Israël a pour origine principale une doctrine religieuse extrémiste sur la volonté de Dieu.

Glenn Greenwald

Notes

* Le dispensationalisme est une doctrine évangélique et un mode de lecture de la Bible, fondé sur une approche théologique consistant en une interprétation biblique de l’histoire et en une révélation progressive de la façon particulière dont Dieu administre souverainement Son règne sur le monde pour atteindre progressivement Son objectif (Wikipedia)

** http://www.gotquestions.org/Francais/enlevement-deuxieme-venue-Christ.html

*** born again

**** https://www.facebook.com/RabbiShmuleyBoteach/posts/10152796885376089

***** Il a écrit dans ce tweet : Israël, le thème le plus applaudi dans une université chrétienne évangéliste ?

Traduction : Dominique Muselet

»» https://firstlook.org/theintercept/...
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Nous possédons 50% des richesses de la planète, mais seulement 6% de sa population. Dans cette situation, nous ne pouvons éviter d’être l’objet d’envies et de jalousies. Notre véritable tâche dans la période à venir sera de créer un tissu de relations qui nous permettra de faire perdurer cette inégalité.

Département d’Etat Etats-Unien - Planning Study #23, 1948

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