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Il y a beaucoup de leçons à tirer de la bataille marseillaise !


[ Marseille ces dernières semaines a parlé et agi non en fonction de quelques particularismes locaux mais comme la majorité de la population française l’avait fait le 29 mai. La victoire du 29 mai, l’échec des marins, sont des étapes, le combat continue, mais il y a des leçons à tirer de la victoire comme de l’échec, pour remporter la prochaine. ]


Marseille, 15 octobre 2005.


A propos de Cuba et d’autres pays en proie aux campagnes de dénigrement médiatique, il m’est arrivé d’avoir envie de hurler tant le mensonge était grossier. Concotée dans les officines de la CIA, à Miami, l’information paraissait si énorme que l’on se demandait qui pourrait y croire [1]. Mais quand tout à coup, on se retrouve avec les mêmes méthodes de truand en France, dans la ville dans laquelle vous vivez, on s’interroge sur ce que "la presse libre" est capable d’inventer ?

Lundi matin, Le Parisien annonce un "scoop", les marins marseillais, et leur syndicat CGT pillent la SNCM, en empochant les recettes de boisson et de restauration des navires. le journaliste affirme tenir son information du repreneur. Et toute la journée les télévisions et les radios ont relayé "l’information". Après avoir été accusés de couler la compagnie de navigation par leurs grèves incessantes, voici que les marins, leur syndicat CGT, sont accusés de détourner l’argent. A vomir. La réaction de la CGT des marins ne se fait pas attendre, le syndicat porte plainte contre Le Parisien. Quant au repreneur il affirme n’avoir jamais donné une telle information à quiconque. On se doute que si les faits étaient avérés, le repreneur, le gouvernement les auraient utilisés pendant les négociations. Mais il s’agit, comme tout au long du conflit de stigmatiser ceux qui osent résister, de les isoler dans l’opinion publique, de transformer Marseille en repaire de voyous. Si cette ville avait un maire digne d’elle, ce serait lui qui devrait porter plainte. Parce que cette nauséabonde affaire, grand air de la calomnie, cette déformation systématique de la réalité a été le pain quotidien dont nous avons été abreuvés tout au long de ce conflit. Et si nous avons éprouvés un sentiment d’isolement, de trahison, tout a été fait pour cela. La propagande médiatique, cela sert à cela, à isoler ceux qui résistent, à les déconsidérer, mentez, il en restera toujours quelque chose.


La vérité sur le conflit.

Nous avons tout subi à Marseille pour que soit étouffée la voix d’une ville rebelle, de marins qui se battaient non pas seulement pour eux, mais pour le service public, pour l’intérêt national, qui étaient confrontés à de vrais voyous de haut vol, ceux qui se servent, dilapident le patrimoine du pays. Sous couvert d’"informations", vous n’avez eu droit dans les médias qu’à ce qui pouvait peser en faveur du gouvernement, du patronat et ce jusqu’au mensonge pur et simple, comme l’invention de cadres agressés par des grèvistes à demi-voyous. Il n’y a pas que les journaux ou les télévisions nationales, La Provence, le produit Lagardère local et son supplément gratuit, n’ont cessé de peser sur le conflit des marins et celui des traminots pour aider les prédateurs du MEDEF, du gouvernement et de la mairie, ils continuent pour le conflit des traminots et tentent de trouver "des usagers en colère". Il faut ajouter que seuls L’ Humanité et La Marseillaise ont fait entendre un autre son de cloche.


Le contexte : les mensonges et l’honneur d’une ville qui se bat.

Pendant tout le conflit des marins, on vous a menti, présenté des jusqu’aux boutistes isolés qui avaient fini "par choisir la privatisation" (sic) de la SNCM. Et tandis que Villepin venait expliquer devant les caméras de télévision qu’il était pour le dialogue social, le gouvernement se conduisait à Marseille comme le représentant direct du MEDEF, provocateur et méprisant de toutes les revendications des salariés de l’entreprise, une véritable honte. A toutes les propositions, ils répondaient par la menace d’un dépôt de bilan, la condamnation pure et simple de la liason avec la Corse. Ils bafouaient sans état d’âme la territorialité française. On vous a caché le bradage pur et simple de tout un patrimoine national, batiments, navires, laissé à perte à un copain du ministère.

Ce qui a été occulté, déformé, a été à quel point les marins ont porté non seulement leur propre statut mais aussi une responsabilité nationale, Marseille tout entière a défendu cet enjeu, comme elle défend les traminots, même si La Provence ou la télévison locale se battent les flancs pour dénicher des "usagers mécontents" . Parce qu’ici au moins on sait ce que l’attaque du service public, signifie pour le patronat la possibilité de mettre a quia tous les salariés y compris ceux du privé qui ont moins de capacité pour se défendre, que cela signifie pour tous : les droits fondamentaux, à la santé au logement, à l’éducation bafoués. C’est logique, le privé ne reprend pas un service public pour défendre l’intérêt général, mais pour le profit de ses actionnaires et les rentes confortables de ses PDG, qui se sont avérés jusqu’ici bénéficier de primes à l’incapacité, à commencer par France télécom. Alors qu’on ne nous raconte pas que le naufrageur d’entreprises qui se présente pour assumer le destin privatisé de l’entreprise SNCM, vient pour rétablir une situation menacée par les marins et la CGT. De cela, une bonne partie de la population marseillaise est convaincue.

S’il arrive que chez un commerçant une voix tente de s’élever pour relayer les mensonges, pour dire que c’était la CGT et ses grèves qui coulaient le port, dix voix lui répondent que sans le combat des travailleurs, nous serions encore au Moyen-âge. Ainsi hier matin cette femme qui se plaignait d’avoir du faire des kilomètres à pied pour se rendre à la Sécurité sociale : "T’inquiète, si tu ne te bats pas, t’auras plus à aller à la sécu, tu n’en auras plus... Parce que sans les combats de nos aînés, tu n’aurais pas de sécurité sociale ! Et "ils" veulent nous l’enlever !"

La haine contre le patronat, le gouvernement et ce maire mal élu qui livre sa ville à l’encan est grande, et on ne se fait aucune illusion sur leurs mobiles.

Et s’il n’y avait qu’eux, eux c’est logique, ils sont de droite, mais que dire de certains syndicats comme la CFDT, Chérèque jouant une fois de plus les jaunes, le PS national faisant la fine bouche et manifestant sa volonté de "laisser faire", prenant prétexte de ses divisions internes pour ne pas soutenir les marins. Le PS local n’est pas en reste, il poursuit ses querelles pour le pouvoir entre Guerini, le président du Conseil Général et Vauzelle, celui du Conseil Régional sur le dos des marins et du service public. Ils s’opposent sur les solutions et semblent ignorer le dossier solide présenté par les marins que seuls l’humanité et la Marseillaise ont popularisé.

C’est en ce sens que beaucoup ont pensé que le meeting des "nonistes" devant le port n’était sans doute pas la meilleure des choses, une apparente radicalisation des mots d’ordre, un soutien que nul ne peut leur reprocher mais qui n’était pas la meilleure manière de rassembler. Le PS national y a vu l’occasion de marquer sur le dos des marins, la même ligne que celle qu’il venait de tenir dans la bataille pour la Constitution. OUI au traité, OUI au néo-libéralisme, comme la droite et le patronat, OUI au bradage de la SNCM. C’est pour cela que la une de L’ Humanité avec son trombinoscope de dirigeants du PS affirmant qu’ils s’opposeraient à la privatisation d’EDF a été mal vécue. Non seulement ces gens-là avaient plus ou moins initié à Lisbonne la dite privatisation et avaient plus privatisé que la droite quand ils étaient au pouvoir, avaient mené campagne pour le OUI à la Constitution, mais ils venaient d’affaiblir la lutte des marins de la SNCM. Et après toutes ces trahisons, ils avaient le front de venir s’exposer dans un journal communiste qui se prêtait à l’opération, pour dire qu’ils allaient défendre l’EDF, le service public.

Il y avait plus. Oui Marseille avait besoin des communistes, de sa presse, de ses militants, allant partout dans les entreprises, dans les quartiers pour populariser leurs lutte, comme l’a fait la CGT. Ils ont partiellement répondu à l’appel, mais leurs faiblesses politiques du moment, leurs hésitations politiciennes, leur désorganisation, ont montré leurs limites. Comme personne à Marseille ne peut imaginer à quel point le PCF s’est lui-même sabordé, ses incapacités à jouer réellement le rôle que l’on attendait de lui, ont été mal vécues... Cela rappelait les interpellations de militants au moment de la Constitution : "Pourquoi vous ne faites pas comme avant, vous ne nous réunissez pas entre voisins pour qu’on discute entre nous ?" Ils ignoraient jusqu’à l’existence des comités du NON. Qui pourtant faisaient ce qu’ils pouvaient à leur manière. Heureusement il y avait la CGT, dans les entreprises où elle était organisée, malgré le silence de leur direction nationale.


Un syndicat et des marins qui ont fait front :

A Marseille, la CGT ressort encore grandie de cette affaire, comme de la bataille pour le NON à la Constitution. D’abord la CGT des marins. Auprès des marins eux-mêmes : quand dans un conflit aussi dur, qui se heurte à un tel mur, les salariés votent à 87% comme le leur demande un syndicat, cela traduit à quel point le capital de confiance reste intact. Ils ont approuvé la ligne impulsée par la CGT, la combativité responsable, mais aussi le fond de responsabilité à l’égard du pays et des autres salariés. Alors que les médias ont tenté, à partir d’un détournement de bateau d’identifier leur combat avec celui des "Mafias" vraies ou supposées de l’île Corse. La couverture de L’ Express de cette semaine en porte encore témoignage. Sans parler de la complaisance à peindre une compagnie, un service public coulé par d’éternels grévistes. La CGT devait développer l’unité avec un syndicat corse, qui parfois avait des méthodes qui donnait des armes aux adversaires, c’est allé jusqu’à la folle proclamation du FLNC d’appeler à l’assassinat du repreneur. Elle devait au plan local, faire l’unité avec des syndicats qui au plan national faisaient chorus avec les médias et le patronat. Et toujours, à partir de là ce théatre d’ombre médiatique, les marins avaient bien cherché ce qui leur arrivait. A Marseille c’était la gabegie, le jusqu’au boutisme, on ne pouvait pas les défendre. On voit que les accuser eux et leur syndicat de piller la caisse est dans la logique.

Alors même que c’était le gouvernement qui était en train de donner à perte à ses copains un patrimoine national, se conduisait comme des bandits même pas d’honneur. Il y avait de l’amertume dans le coeur des Marseillais de voir ainsi leur lutte caricaturée, le sentiment que l’on mesurait mal que c’étaient eux qui étaient responsables, eux qui défendaient l’intérêt général. Ils vivaient très mal toute cette stigmatisation, et le fait qu’on ne prenait pas leurs luttes à son véritable niveau, celui de la défense du service public, de tout ce qu’il représente non seulement pour le statut et les droits des salariés en général, mais également pour les populations, pour la Nation. Ils réclamaient des porte-voix pour rétablir la vérité. Ils savaient bien pour y vivre que le journal La Provence ou la télévision locale (la voix de son maître) n’était pas la population marseillaise, mais l’image qui leur était donné du politico-médiatique français les renvoyait à leur isolement. C’est dans un tel contexte que la mollesse de la direction nationale de la CGT, qui reproduisait l’attitude au moment de la Constitution, les distinguait comme le PS de la bataille pour l’ EDF, pour le service public leur est apparu au mieux comme une faute.

Dans ce conflit, on retrouvait tous les ingrédients de l’ heure, toute une politique que le NON à la Constitution européenne avaient dénoncée et battu. C’est justement parce que ce vote NON mêlait inextricablement défense des salariés et de la nation qu’il a été accusé de tous les maux, que certains ont cru devoir se battre sur la défensive privilégiant soit un plaidoyer en faveur de l’Europe, soit un chauvinisme national, alors que pour les couches populaires il s’agissait de la globalité de leur vie. Ce que l’on appelle le néo-libéralisme et qui n’est qu’un stade du capitalisme et de l’impérialisme, poussant la pression sur les salaires, le niveau de vie jusqu’à la régression et pour se faire démantelant la nation et les protections sociales. Qu’une ville entière, la seconde de France, le principal port de notre pays participe d’un tel enjeu, une ville, la seule très grande de France qui avait voté NON à la Constitution, était le prolongement de ce combat et on y a constaté les mêmes mensonges, les mêmes résistances, les mêmes incompréhensions politiques que pendant la bataille contre la Constitution, la même pression médiatique. Constater cela c’est montrer que les problèmes demeurent autant que la volonté de résistance. Marseille ces dernières semaines a parlé et agi non en fonction de quelques particularismes locaux mais comme la majorité de la population française l’avait fait le 29 mai. La victoire du 29 mai, l’échec des marins, sont des étapes, le combat continue, mais il y a des leçons à tirer de la victoire comme de l’échec, pour remporter la prochaine.

Les Marseillais ne mènent pas de bataille aussi rudes, par esprit de bravaches, c’est un petit peuple joyeux, gentil, sans histoire, on le traque, lui retire l’emploi, le droit au logement, le pouvoir d’achat, et on le stigmatise, alors il résiste, c’est logique, bientôt on va l’accuser de "terrorisme" au vu de la mixité assumée de son centre ville. [2]C’est une caricature, un théâtre d’ombre qui n’est que le reflet de la manière dont on traite tous ceux qui résistent. Comme le dit le proverbe africain : "Tant que le lion n’aura pas la parole, les histoires de chasse glorifiront le chasseur." Les Marseillais veulent des porte-voix qui disent la vérité et parfois ils ont le coeur lourd, la rage au ventre parce qu’ils se disent "si on tirait tous ensemble dans le même sens ce serait plus facile !"


La manifestation de samedi 15 octobre :

Elle avait lieu après la reprise des marins, Marseille était non pas abattue mais meurtrie par tant d’injustice, ce samedi 15 octobre sur le Vieux port. En début d’après-midi il pleuvait des cordes, après ça c’est arrangé. On pouvait craindre le pire et une demi-heure avant le début du meeting, si les délégations du département affluaient, chacun constatait que les Marseillais se faisaient attendre et on ne pouvait l’attribuer à la seule haine viscérale des Marseillais pour la pluie. Etait-ce la tristesse de l’échec ? Il y avait de cela, mais il y avait autre chose. Peu à peu le Vieux port s’est empli, a même un peu débordé en bloquant la circulation, environ 10.000 personnes, après un échec c’est considérable, mais cela n’avait rien à voir avec les grands jours, ceux où l’on sent l’unité syndicale, où l’on est au diapason d’un élan national comme le 4 octobre.

Mais il faut aussi mesurer combien Marseille, capable de mobiliser 10.000 personnes, en temps d’échec, donnait une leçon de combativité et d’unité syndicale avec les drapeaux des autres centrales qui flottaient et la canebière remplie. Certes les rangs n’étaient pas serrés et les marins n’avaient pas tous répondu à l’appel comme d’ailleurs ceux des autres entreprises en lutte. Il avait des banderoles avec des délégations.

Marseille est un lieu où tout se sait, tout se dit, cela tient sans doute au fait que son centre est resté populaire, et chaque jour la ville bruisse de mille rumeurs, celles des derniers jours allaient toutes dans le même sens, les héros étaient fatigués, en colère, mais il n’y avait dans leurs rangs aucun ressentiment contre leur direction syndicale locale, la CGT en sortait renforcée. S’il fallait confirmation du fait que la quasi absence ne refletait en rien le découragement, on constatait la même présence clairsemée des traminots en grève et qui se heurtent au même refus de négocier, là la bataille se poursuit et leur représentant est venu le dire à la tribune. Au bout de huit jours de grève, il n’y a que 4% de salariés qui ne la font pas, impossible d’assurer le moindre transport. Imaginez depuis plus d’une semaine pas le moindre transport public, la grève est totale, pas la moindre protestation d’usagers, mais le fait est que les traminots dans leur masse n’avaient pas considéré que cette manifestation et ce meeting étaient tout à fait ce qui correspondait à leur détermination. La colère, la détermination restent entières contre Villepin et Gaudin, le gouvernement et la mairie, et c’est ça qui domine, la volonté de défendre Marseille contre sa vente à l’encan et avec elle une certaine conception du service public et du droit des salariés.

La base populaire marseillaise c’est clair n’était pas venue, rien à voir avec les 100.000 manifestants du 4 octobre, ils étaient dix fois moins nombreux, mais les plus politiques étaient là pour dire que le front était uni et ferme. Il ne s’agissait pas d’un baroud d’honneur mais de l’affirmation de l’essentiel, justement le fait que le combat continuait. Les responsables étaient là , mais ils n’avaient pas fait le tour des cantines pour mobilier, pour inviter les salariés ou mêmes les syndiqués à être présents. Ils étaient venus en délégation et par un miracle du comportement collectif, ils étaient juste assez nombreux pour compter et pas assez pour que cela tourne au plebiscite, à Marseille l’absentéisme est une forme de fidelité. La phrase la plus entendue était : "cette pluie plus Thibault, on n’est pas aidé"... Mais en disant cela on marche sur des oeufs, parce que l’intelligence politique des manifestants et même de Marseille est tout entière orientée contre l’adversaire.

Mireille, la secretaire de l’UD CGT, en a fait une tonne dans le meeting pour expliquer qu’il n’y avait pas le moindre désaccord entre le local et le national, elle a dit que ceux qui affirmaient le contraire étaient des menteurs et des ennemis de la CGT, et elle a terminé par un vibrant "merci Bernard". Il y a eu de rares applaudissements dans les silences qu’elle installait dans son discours pour l’approbation de la foule, mais celle-ci ne répondait pas, elle attendait la suite poliment.
Bernard Thibault en tant que Secrétaire de la CGT devait être respecté en tant que symbole et sa présence était dans l’ordre des choses, mais là s’arrêtait l’enthousiasme populaire. Les rumeurs disaient que Bernard Thibault serait hué ; c’était mal compter avec le respect qui entoure la CGT, et même plus que tiède son secrétaire avait du compter avec la grande dame qu’est sa centrale, à côté des autres syndicats nationaux, il avait été modéré dans ses abandons. Donc il n’était pas question de le huer, l’adversaire était ailleurs, le front devait rester uni, mais même si Bernard Thibault n’a pas pris la parole, défiler à la tête de la manif entouré de véritables combattants qui le protégeaient, tandis que ceux qui avaient la colère, s’étaient absentés, a été une manière de leçon que lui ont infligé, à la Marseillaise, avec le sens de leur dignité et celle de la CGT, les travailleurs. Comme dans le conflit des marins, Marseille stigmatisée, brocardée, vendue a revendiqué derrière la CGT, son sens des priorités, son refus de laisser diviser, son honneur autant que les nécessités d’un combat de classe au service du pays.


Il y a beaucoup de leçons à tirer de ce conflit :

Vous pouvez penser que cette description d’une manif qui n’avait pas fait le plein et pourtant témoignait d’une combativité intacte est destinée à remonter le moral, en violation des faits, mais dans ce cas je n’écrirais pas. Face à la pression médiatique, il faut dire la vérité (on peut se tromper) et la vérité est que Marseille résiste tout en portant une appréciation nuancée sur l’aide dont elle a bénéficié.

A Marseille, la CGT est sacrée. Et ces semaines de lutte ont encore renforcé cette adhésion morale. Il y a à Marseille une famille communiste populaire qui n’a jamais renié ses racines du syndicalisme révolutionnaire et les renouvelle dans chaque bataille, les comportements de chacun sont appréciés non dans l’abstrait mais par rapport à des faits, par rapport aux luttes concètes. Dans cette manif, les communistes étaient très présents, mais les avis étaient très partagés sur l’apport réel des forces politiques, si chacun avait conscience du rôle très positif du quotidien local, La Marseillaise comme de L’ Humanité, les seuls à rompre avec l’unanimité médiatique en faveur du gouvernement et du patronat, les "questions" demeuraient sur la manière dont les leaders de la gauche avaient "joué le coup", sans parler des responsables syndicaux nationaux, du vote NON à la Constitution jusqu’au conflit des marins. Sans acrimonie, mais pour faire mieux la prochaine fois. Il est clair que si Villepin et Gaudin tablaient sur des déchirements, des réglements de compte ils en étaient pour leur frais. Mais ça s’accompagnait de lucidité, du refus de s’en laisser compter.

Il n’y avait pas de tristesse, au contraire, l’affrontement de ces dernières semaines était inscrit dans le rapport des forces, il y en aurait d’autres. Comme la reprise des marins face à la menace intransigeante de déposer le bilan de la compagnie s’était faite sur l’idée : "On se battra mieux sur le port et sur le pont de nos bateau que devant un tribunal de commerce prononçant la liquidation !" Toutes les conversations refletaient la même conscience d’une bataille bien menée et dont les Marseillais étaient fiers. L’idée que l’adversaire qui présentait un mur et refusait de négocier ne faisait pas la preuve de sa force mais de son isolement face à la population, parce que le rapport des forces restait celui du vote contre la Constitution, à Marseille plus qu’ailleurs. "Ils" sont minoritaires donc enragés, décidés à aller le plus vite possible et le plus loin possible. Il y a beaucoup de leçons à tirer de ce conflit disaient-ils un demi-sourire aux lèvres.

Et chacun fera son bilan en temps utile. Y compris sur le plan politique ou jamais l’absence d’un parti capable de développer l’initiative populaire et l’intervention d’une population favorable à la grève ne s’est fait aussi cruellement ressentir. Tout est là , tous les ingrédients d’une future victoire sont rassemblés, mais il faudra tirer la leçon de l’échec marseillais. Et se donner le moyen de renforcer le camp de la résistance, parce que pas plus Marseille que dans l’ensemble de la France, qui, le NON l’ a montré, ressemble plus à Marseille qu’ aux beaux quartiers de la capitale, ne renonce, les problèmes demeurent et le refus de cette politique grandit. Il reste à donner à notre peuple les moyens d’un combat auquel il aspire, la responsabilité de tous est engagée.

Danielle Bleitrach, sociologue.


Danielle Bleitrach vient de publier avec Maxime Vivas et Viktor Dedaj Les États-Unis DE MAL EMPIRE Ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud, Atheles.


A LIRE : Marseille résiste, par Danielle Bleitrach.


Que se passe-t-il à Marseille ? par Danielle Bleitrach.




[1Ma rumeur "préférée" est sans doute celle qui accuse Cuba d’enlever des enfants sarahouis pour les livrer aux touristes pédophiles... Mais cette grossierté dans le mensonge, comme l’accusation portée sur Fidel d’être une des principales fortunes du monde (évident puisque le journaliste de Miami, lui a attribué la totalité du budget de l’île à titre du patrimoine personnel) n’est pas le pire.Il y a la toile de fond que l’on batit à coup de mensonges répétés, l’évacuation systématique des effets du blocus. Si Cuba a été longtemps l’objet privilégié de ces campagnes relayés par des best-sellers comme la montagne d’ignominies et d’ignorance de Raffy (Castro l’infidèle) ou le dernier produit made in CIA "Cuba nostras", aujourd’hui le Venezuela de Chavez ne lui cède en rien. Comprendre jusqu’ou peut aller la désinformation médiatique de la presse dite libre en France, c’est savoir jusqu’où ils iront pour attaquer les travailleurs qui résistent. Si, comme nous, vous avez choisi de dénoncer le système de propagande, ils vous étoufferont dans une véritable censure et n’accorderont de publicité qu’à ceux qui jouent le grand air de la calomnie et "Cuba est une île" et aujourd’hui DE MAL EMPIRE, ne doivent leur diffusion qu’à tous ceux qui ont compris cela et ils sont de plus en plus nombreux.

[2Sur cette question Marseille a été aussi injustement stigmatisée, en ignorant que les votes LE PEN étaient d’abord ceux des beaux quartiers et quand LE PEN intoxiqué par cette propagande a voulu se présenter à Marseille, il a été battu dans les quartiers nord, les quartiers populaires. Lui qui parlait de prendre la mairie, il ne s’y est plus jamais frotté. Le seul élu Lepniste, un conseiller général, qu’a eu Marseille l’a été dans le sixième, un quartier bourgeois et ses meilleurs scores, il les fait dans les bureaux de vote les plus huppés de la ville. Marseille subit depuis toujours, la propagande qui a frappé le choix populaire du NON, on l’accuse d’être stupide, xénophobe en dépit de la réalité. Nous ne disons pas qu’il n’y ait pas sur le port, dans les quartiers populaires des xénophobes, mais il existe en majoritéé des organisations de classe capable d’endiguer les aspects fascisants, la CGT en tête. Et la population marseillaise se reconnait dans ses combats.


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Je définirais la mondialisation comme la liberté pour mon groupe d’investir où il veut, le temps qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possibles en matière de droit du travail et de conventions sociales.

P.Barnevick, ancien président de la multinationale ABB.

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