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Visa, Mastercard et consorts : des outils au services de l’impérialisme ?

Il y a quelques années, lorsque certains partisans des théories conspirationnistes les plus folles tentaient de me convaincre du danger que représentaient les nouvelles technologies en terme de moyens de paiement, je trouvais leurs inquiétude pas improbables mais, de toute évidence, assez capillotractées. Le cartes de crédit auraient pour véritable sens la possibilité d’isoler une personne en la privant de l’accès à ses moyens financiers par une simple désactivation de sa carte à puce ; des puces elles-mêmes présentes au sein de nos toutes nos cartes - qu’elles soient bancaires, de transports publics ou de sécurité sociale - dans le but inavoué de pouvoir géolocaliser chacun d’entre nous...

George Orwell aurait-il vu loin ?

Le marché des cartes bancaires est aujourd’hui dominé par trois réseaux principaux, tous américains, que sont VISA, Mastercard et American Express. Ces compagnies émettent les cartes bancaires qui portent leur nom et les affilient à leur réseau. Ces trois groupes détiennent le quasi-monopole mondial des réseaux de paiement par carte bancaire et sont, de fait, incontournables pour toute transaction. Un monopole risqué et sujet à toute sorte de dérives, a fortiori lorsque ces groupes sont issus d’un Etat aux agissements de type impérialiste et qu’ils s’alignent sur sa politique.

VISA et Mastercard se sont fait remarquer ces dernières années par leur implication dans des affaires opposant le gouvernement des Etats-Unis à des personnes physiques ou morales, étrangères ou non.

C’est notamment le cas de l’association Wikileaks, dont le fondateur Julian Assange est toujours sous le coup d’une extradition demandée par les Etats-Unis pour divulgation de câbles contenant des informations classées, ainsi que par la Suède pour deux accusations de viol qui, pour reprendre l’expression du Canard Enchainé, "ressemblent fort à un coup tordu des services, à l’ancienne."

Nul besoin de rappeler les faits qui ont poussé l’australien à se retrancher depuis le 19 juin 2012 au sein de l’ambassade d’Equateur à Londres, qui lui a accordé l’asile le 16 août de la même année. Le fait est que Wikileaks fait face depuis 2010 à un véritable blocus financier entrepris par VISA et Mastercard, mais aussi Paypal, Western Union et Bank Of America, ce qui selon Julian Assange, a détruit 95% des revenus de l’association en bloquant les dons en sa direction, la contraignant à suspendre officiellement ses activités éditoriales le 24 octobre 2011 avant de les reprendre une année plus tard. Les services de paiements internationaux ont ici clairement pris parti en faveur de la destruction de l’association à but non lucratif et de la réduction au silence de son dérangeant fondateur.

Ce n’est pas le seul dossier sur lequel ces groupes ont pris parti. Le 20 mars dernier, le gouvernement US a établi une liste des personnalités russes influentes et proches de Wladimir Poutine qui sont désormais l’objet de sanctions de la part de Washington. Une liste élargie qui comprend désormais des oligarques et banquiers dont Guennadi Timtchenko, Arkadi Rotenberg et Iouri Kovaltchouk, président de la banque Rossia. Ces derniers verront leurs avoirs aux Etats-Unis gelés et ne pourront désormais plus entrer en affaires avec des ressortissants ou des entreprises américaines.

Le lendemain, les banques Rossia, Sobinbank et SMP, contrôlées par les personnalités citées plus haut, annoncent que VISA et Mastercard ont "arrêté sans préavis de fournir leurs services de paiement aux clients" des-dites banques.

La nécessité d’une régulation des services de transaction monétaire

Le parlement européen s’est saisi en 2012 de ce dossier par le biais de l’eurodéputé Christian Engström, qui a demandé l’étude d’une interdiction aux réseaux de transaction monétaire de refuser leurs services à une quelconque entité, et proposé de légiférer en ces termes :

"32. [Le Parlement Européen] Considère qu’il y a probablement un nombre croissant d’entreprises Européennes dont les activités sont effectivement dépendantes de leur capacité à accepter des paiements par carte bancaire ; il considère qu’il est d’intérêt public de définir des règles objectives encadrant les circonstances et procédures par lesquelles les groupements de cartes de crédits peuvent unilatéralement refuser leur acceptation."

Engström estime, prenant l’exemple de l’affaire Wikileaks, qu’un autre exemple est "quand Visa, MasterCard et PayPal ont bloqué les donations à WikiLeaks. C’est arrivé sans aucune base légale et doit être regardé comme une aide des trois compagnies au gouvernement Américain pour faire taire une voix qui ne leur convenait pas. Il est inacceptable que des entreprises privées aient ce genre de pouvoir sur la liberté d’expression."

Cependant, cette initiative est restée sans suite et on ne peut s’empêcher de se dire que 1984 approche...

par Lahcen Senhaji

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Depuis 1974 en France, à l’époque du serpent monétaire européen, l’État - et c’est pareil dans les autres pays européens - s’est interdit à lui-même d’emprunter auprès de sa banque centrale et il s’est donc lui-même privé de la création monétaire. Donc, l’État (c’est-à -dire nous tous !) s’oblige à emprunter auprès d’acteurs privés, à qui il doit donc payer des intérêts, et cela rend évidemment tout beaucoup plus cher.

On ne l’a dit pas clairement : on a dit qu’il y avait désormais interdiction d’emprunter à la Banque centrale, ce qui n’est pas honnête, pas clair, et ne permet pas aux gens de comprendre. Si l’article 104, disait « Les États ne peuvent plus créer la monnaie, maintenant ils doivent l’emprunter auprès des acteurs privés en leur payant un intérêt ruineux qui rend tous les investissements publics hors de prix mais qui fait aussi le grand bonheur des riches rentiers », il y aurait eu une révolution.

Ce hold-up scandaleux coûte à la France environ 80 milliards par an et nous ruine année après année. Ce sujet devrait être au coeur de tout. Au lieu de cela, personne n’en parle.

Etienne Chouard

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