Et puis, soudain, comme un verre heurté, une tige d’acier trop sollicitée, un crayon trituré sans y penser… clac ! Avec un bruit de gifle.
La brisure s’appelle 1789. Pour l’instant, nous sommes quelques mois ou quelques années avant.
Le long sommeil du CSA
Si l’on en croit le co-président du Parti de Gauche, (voir sa déclaration complète et détaillée ici : http://www.jean-luc-melenchon.fr/2014/03/24/pas-vu-a-la-tele-2/) en cinq semaines de campagne municipale, RMC, RTL et Europe 1 n’ont donné la parole aux composantes du Front de Gauche qu’à hauteur de :
– 8,58% du temps d’antenne sur le sujet à RMC,
– 4,38% sur « Europe 1 ».
– 0 (zéro) seconde sur RTL.
Et encore, précise-t-il, « il s’agit uniquement d’un temps d’antenne attribué au PCF, sans que l’on sache s’il a servi à défendre les listes autonomes du Front de Gauche ou son alliance avec le PS. Pour sa part, le Parti de Gauche n’a tout simplement jamais, oui jamais, eu la parole sur ces trois radios entre 10 février et le 14 mars pour parler de la campagne nationale des élections municipales.
Pendant ce temps, le PS, l’UMP et le FN se partageaient près de 90% du temps d’antenne consacré aux municipales sur Europe1 et RMC.
C’était mieux sur RTL avec « seulement » 62% pour ces trois-là. Mais le seul autre parti à profiter des restes était Europe Ecologie ».
Le co-président du PG a ajouté : « Certes, les stations audiovisuelles privées ne sont pas là pour faire parler les adversaires de l’ordre établi dont elles vivent. Il faut donc composer avec elles. Mais quand même ! BFM-TV atteint ainsi les sommets du lepénisme médiatique avec 43% de temps d’antenne pour le FN entre le 10 février et le 14 mars ».
Vous avez dit CSA ?
Le FN a effectué une « percée » nationale… à un chiffre.
Certes, un FN surmédiatisé (pourquoi, au fait ?) progresse et consolide ses positions, là où il est implanté depuis des décennies. Il gagne des voix (mais proportionnellement moins que d’heures d’antennes ou de colonnes de journaux).
Le FN a pu présenter des candidats dans quelques centaines de villes (594), et c’est tout. Demain, au pire, il gouvernera une dizaine de mairies après un scrutin ouvert dans 36 000 communes. Sa force est celle d’une baudruche gonflée par les médias (qui pourraient la faire éclater demain s’ils le voulaient).
Si l’on totalise le nombre de voix obtenues par le FN le 23 mars et si on le rapporte au nombre total de suffrages exprimés dans le pays, on observe (avec incrédulité si l’on a trop écouté et lu les média) que le résultat national s’avère très faible : 4,65 %, soit 1,2 million
de votants.
Certes, il y a des exceptions dont il faut parler (comme d’un avion qui disparaît). Et là, si vous n’avez pas passé le dernier mois sur la planète Mars, vous avez pensé surtout à Henin-Beaumont. A la « percée » du FN à Hénin-Beaumont.
Que s’est-il passé à Hénin-Beaumont.
Hénin-Beaumont, est une ville où Gérard Dalongeville, ex-maire PS a été traduit en Justice et condamné, pour faux et usage de faux, détournement de fonds publics et favoritisme.
Gérard Dalongeville, s’il avait également à répondre d’un éventuel enrichissement personnel, de l’existence dans son bureau d’un coffre-fort contenant 13 000 euros en liquide, n’était pas le seul inculpé dans ces affaires de fausses factures d’un montant de près de 4 millions d’euros au préjudice de la commune, etc. Une partie de son équipe était complice. « Socialiste » est l’étiquette du parti qui a fait élire cette bande.
Il fallait une liste de rupture avec le PS
En mars 2014, à quelques jours de la date limite de dépôt des candidatures, la tête de liste du Front de gauche, le communiste David Noël, a rallié la liste d’Eugène Binaisse, maire sortant soutenu par le PS.
Le PG n’a plus eu le temps de monter sa propre liste.
Résultat : dans une ville de forte implantation FN, les électeurs mécontents n’ont pas eu la possibilité matérielle de voter pour une liste de gauche nettement démarquée d’un parti déconsidéré par ses anciens élus qui donnent ici quelque crédit au « tous pourris » lancé par l’extrême-droite.
Une erreur magistrale
Jean-Luc Mélenchon, – qui fut candidat à Hénin-Beaumont aux dernières législatives – a vertement critiqué ce ralliement : « Sur le plan humain, ce procédé est détestable. Sur le plan moral, il est répugnant, et sur le plan politique, c’est une erreur magistrale ».
Erreur magistrale que les démocrates de la commune ont payé plus vite que prévu puisque Steeve Briois, cacique FN, a été élu dès le premier tour.
Cette victoire au premier tour est une surprise, pas une percée.
Ces sont le discrédit mérité du parti solférinien, l’absence d’une représentation de gauche démarquée de lui, les abstentions, les nausées, les envies de pêche à la ligne, la colère, le désespoir teinté de nihilisme qui ont ouvert à Briois (partisan actif du rétablissement de la peine de mort, mais grand laboureur du terrain, enfant du pays, déjà conseiller municipal et conseiller régional) les portes de la mairie.
Les chiffres sur les résultats du FN à Hénin-Beaumont.
Le 23 mars 2014, à Hénin-Beaumont, 19 048 électeurs étaient inscrits sur les listes électorales.
11 950 se sont exprimés.
Le candidat du FN a recueilli 6 006 voix : 50,25 % des exprimés et 31,53 % des inscrits.
Moins d’un tiers des citoyens en âge de voter a commis le geste de glisser dans l’urne un bulletin FN.
Mais 100 % vivront pendant 6 ans sous la cravache du FN.
Quelle progression ?
Au deuxième tour des élections législatives de 2012, Marine Le Pen recueillait (chiffres pour la commune d’Hénin-Beaumont) 6030 voix et 55,14 % des exprimés.
Entre le 2ème tour des législatives de 2012 et les municipales de 2014, le taux d’abstention est passé de 40,71 % à 35,41 %. Il en résulte que le nombre de suffrages exprimés est passé de10 936 en 2012 à 11 950 en 2014, soit un plus de 1014 voix.
Non seulement Steeve Briois n’a pas engrangé ces voix supplémentaires, mais le FN en a perdu 24 entre les deux élections.
Les abstentionnistes seraient donc responsables de l’élection du candidat FN ?
Oui et non.
– Oui si l’on pense que la politique est une simple arithmétique. Il aurait suffi de quelques voix pour que Steeve Briois ne soit pas élu au premier tour (ce qui nous aurait épargné le tintamarre médiatique).
– Non, si l’on considère que les citoyens de gauche, les anti-FN, n’ont pas eu de vrai choix en raison de manœuvres politiciennes inopinées. La présence d’une liste de gauche aurait suffi à faire descendre le score du FN en dessous des 50 %.
Ceux qui ont livré Hénin-Beaumont au FN dès le premier tour, ce sont ceux qui ont surmédiatisé cette ville, surmédiatisé un candidat (Briois) et ceux qui ont brisé le seul rempart possible, celui du Front de Gauche.
Aujourd’hui, à supposer qu’il n’y ait aucune honte rétrospective parmi les 6006 électeurs du FN, 31 % des habitants d’Hénin-Beaumont ont un triomphe bruyant repris par le clan Le Pen dans son manoir de Montretout.
Il en reste plus des deux tiers qui auront demain des questions à leur poser sur ce qu’ils ont fait. Car il n’est pas juste, il n’est pas bon d’absoudre tout, au nom d’un mal-être, d’une souffrance, d’une paupérisation galopante, d’une désespérance, des coups portés naguère par l’UMP et de la trahison du parti solférinien qui prend aux pauvres et donne au MEDEF.
Il n’est pas indispensable de savoir lire une thèse pour comprendre ce qu’est le FN. Sans être politologue, chacun sait ce que firent naguère ici et là les gens de cette engeance,
chacun peut voir qui sont les alliés européens du FN et ses sbires français (« de souche »), tatoués et rasés, ces condensés de haine et de violence.
Dommage qu’il ait suffi de 6006 électeurs et d’une nuée de journaleux pour faire croire au monde qu’Hénin-Beaumont est peuplé de Dupont-la-Joie trinquant avec des Bidochon.
Vladimir Marciac
Et voir :
http://www.humanite.fr/politique/la-percee-562007