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Le voyage de François Hollande en Israël : un enterrement de première classe de la politique arabe de De Gaulle

« Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil à toi !(...) Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère. »
Évangile de Luc, 6, 41

François Hollande a fait une visite en Israël plus importante en temps que celle qu’il a faite en Chine. Et François Hollande d’affirmer haut et fort « je suis votre ami et je le resterai » dès son arrivée, ajoutant même que la France « ne cèderait pas sur la prolifération nucléaire. Tant que nous n’aurons pas la certitude que l’Iran a renoncé à l’arme nucléaire, nous maintiendrons toutes nos exigences et les sanctions. »
François Hollande exige le maintien des sanctions à l’égard d’un peuple qui veut, comme le lui permet le Traité de non-prolifération, développer un bouquet énergétique auquel le nucléaire participe.
La parabole du Christ citée plus haut s’applique comme un gant à la situation actuelle concernant la position ambiguë de la France au nucléaire iranien et israélien. Il n’a sûrement pas entendu parler du programme nucléaire israélien, fort d’un arsenal de bombes atomiques mis en place dans la clandestinité avec justement l’aide de la France socialiste des années cinquante de Guy Mollet et dont personne n’ose parler.

Historique de la politique israélo-arabe de la France

Sans remonter à la politique arabe de la France décrite par Volney, contentons-nous de décrire la politique israélienne de la France qui représente en creux justement celle de la politique arabe de la France impulsée par De Gaulle.
Dans une contribution assez complète, l’Encyclopédie nous apprend que les relations Israël-France ont démarré d’une façon tumultueuse après la Seconde Guerre mondiale :
« (...) La France permettait aux dirigeants sionistes de mener des activités sur son territoire, d’envoyer sporadiquement des armes et d’organiser l’immigration juive à partir de ses ports. Finalement, elle a également voté en faveur du plan de partage de la Palestine mandataire par l’ONU le 29 novembre 1947. Cette politique française était soutenue pour l’essentiel par certaines personnalités socialistes, souvent juives et anciens résistantes, tels que Léon Blum, René Mayer ou Daniel Mayer. (...) Avant la reconnaissance dIsraël par la France en 1949, plusieurs désaccords importants existaient entre les deux pays concernant notamment le statut de Jérusalem et des Lieux Saints et l’avenir des institutions françaises en Israël (...) ».

  • Pour synthétiser, une théorie s’est faite jour : celle des « trois France » face à Israël. Premièrement, la France « fille aînée de l’Église », qui se préoccupe du sort de Jérusalem et des Lieux Saints.
  • Deuxièmement, la « Puissance méditerranéenne » qui se soucie de ses intérêts en Afrique du Nord et au Levant.
  • Troisièmement, la France « humaniste et résistante », pays de l’Émancipation des juifs (...) » [1]

« Or, en 1956, avec l’attaque conjointe de l’Égypte, il est devenu apparent que leurs relations, jadis balbutiantes, s’étaient transformées en une véritable alliance stratégique au Proche-Orient. Une coopération qui allait au-delà de la simple relation d’amitié entre les socialistes de Guy Mollet et les travaillistes de David Ben Gourion et qui prit la forme d’un véritable partenariat d’assistance militaire et diplomatique. La France a voté en 1947 la création de l’État d’Israël à l’ONU (...)
Les dirigeants des firmes nationales d’armements et leurs relais politiques encourageaient ce type de commerce. Dans ce contexte global, les ventes d’armes s’accrurent rapidement, en faveur d’Israël. Il s’agissait notamment de contrats portant sur les premiers chasseurs Mystère IV.. (...)
Shimon Peres et David Ben Gourion négociaient désormais ouvertement des achats massifs d’armes à la France.
Avec le soutien de son partenaire, Israël allait se doter dès 1956 d’un arsenal important permettant de rétablir l’équilibre régional des forces. (…) Face à un adversaire commun, la coopération franco-israélienne a connu un renforcement par le biais d’une dimension offensive. »
 [2]

Le général de Gaulle et la politique proche-orientale

Le général de Gaulle ambitionnait de voir son pays jouer le rôle d’avocat des pays décolonisés et de leurs intérêts, dans un monde ceinturé par les deux supergrands, à savoir les États-Unis et l’Urss.
C’est dans ce contexte du renouveau des relations franco-arabes que le général de Gaulle a conceptualisé une réorientation progressive de la politique française à l’égard de son allié israélien.
Parallèlement aux avancées dans le secteur économique, la coopération franco-israélienne s’était aussi développée dans le domaine de l’énergie atomique.
Signé conjointement en 1955 par le ministre de la Défense Pierre Koenig et le ministre des Affaires atomiques Palewski, l’accord avec l’État d’Israël fut maintenu dans le plus grand secret alors qu’en 1958, la France avait officiellement déclaré avoir cessé toute collusion avec les scientifiques à Dimona. (...) Au début des années 1960, le lanceur Shavit (en français : « comète ») était propulsé avec succès grâce à la technologie française, celle-ci fut aussi utilisée bien plus tard dans les projets de missiles Jéricho. (.) » [3]

De manière globale, cette diplomatie à géométrie variable s’inscrivait dans un cadre plus large, la politique de la France en Méditerranée. Face à un Proche-Orient soumis à une structure bipolaire. La rupture de cet équilibre eut lieu au mois de juin 1967 avec l’attaque surprise de la chasse israélienne sur les aérodromes égyptiens.
Le 2 juin, le général de Gaulle vint à décréter un embargo préventif sur les ventes d’armes à destination du Moyen-Orient.
La guerre des Six-Jours allait dès lors marquer le début de la rupture entre Paris et Jérusalem, la fin graduelle d’une alliance jadis née à l’aube de Suez et mise à mal une décennie plus tard. (...)
La querelle entre les deux États vint à s’accentuer lors d’une conférence de presse donnée le 27 novembre 1967 à l’Élysée. Il vint à déclarer que beaucoup se demandaient si « les juifs, jusqu’alors dispersés, mais qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps, c’est-à-dire un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent, une fois rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles ». [4]

Mieux encore, les fameuses vedettes de Cherbourg prirent le large vers Israël malgré l’embargo et avec la complicité de la chaîne de commandement.

L’ère Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac

« Dès son entrée en fonction lit-on sur Wikipédia, le président Pompidou s’était inscrit dans la lignée du général De Gaulle, qui privilégiait un règlement du conflit israélo-arabe parrainé par les grandes puissances. (...) L’élection de Valéry Giscard d’Estaing en mai 1974 a posé la question de la continuité des orientations diplomatiques de la France au Proche-Orient. (...)

À son arrivée à l’Élysée en 1981, François Mitterrand avait l’image d’un ami d’Israël. La politique de François Mitterrand au Moyen-Orient était cependant empreinte de grande continuité. Le rapprochement de la France avec l’OLP et le soutien de Paris aux revendications nationalistes palestiniennes constituaient une importante pomme de discorde entre la France de Mitterrand et Israël (...) Le déclenchement de la Seconde Intifada a provoqué une rapide dégradation des relations franco-israéliennes » [5]

La France de Chirac eut des relations difficiles au bord de la rupture des relations avec les incidents lors de la visite de Chirac à Jérusalem. Rien de pareil avec Jospin qui, lui, traita les Palestiniens Hamas de terroristes et vit sa voiture caillassée par de jeunes Palestiniens.
« En Israël, l’élection de Nicolas Sarkozy a suscité l’espoir que les relations bilatérales avec la France s’améliorent par le relai du Crif et la nomination pour la politique moyen-orientale d’une diplomatie acquise à Israël (...)
Sous Hollande on se souvient que les 31 octobre et 1er novembre 2012, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu effectue une visite officielle en France marquée par une conférence de presse commune avec le président François Hollande à l’Élysée et une cérémonie d’hommage à Toulouse aux victimes de la tuerie de mars 2012. (...)
Netanyahu fit de cette visite une tribune pour sa réélection mettant Hollande dans la gêne. La visite officielle de François Hollande en Israël, du 17 au 19 novembre, 2013 illustre la similarité des points de vue des deux pays sur la question iranienne. [6]

La position actuelle dénuée d’équilibre de la France

La France apparaît de plus en plus comme les États-Unis de George Bush. Dans tous les dossiers chauds, elle est chaque fois en première ligne prenant le risque chaque fois d’être déjugée par l’Empire comme nous l’avons vu dans l’affaire syrienne. En première ligne en Libye et au Mali, va-t-en guerre en Syrie, intransigeante dans le dossier iranien : la France, longtemps critique du rôle de gendarme joué par les États-Unis, est devenue le pays occidental le plus interventionniste.
Laurent Fabius, depuis plus d’un an, adopte une posture ultra-radicale, écartant toute possibilité de négocier avec les parties prenantes. Une telle posture n’aurait de sens que si l’on pouvait s’imposer. Laurent Fabius fait preuve d’un absolutisme moral à peu de frais mais non sans conséquences.

La classe politique et l’opinion israéliennes, écrit Jean Christophe Ploquin, sont persuadées que l’Iran représentera une menace existentielle dès lors qu’il sera capable de fabriquer une bombe nucléaire et de l’envoyer par un missile balistique fiable. Un scénario du pire pourtant très peu probable. Mais il y a une autre angoisse : celle d’un glissement de terrain géopolitique au Moyen-Orient. Si l’Iran, un jour, redevient un pays fréquentable pour les Américains, les cartes de l’influence seront redistribuées dans la région. À cela, le gouvernement, Netanyahou ne s’est absolument pas préparé. [7]

Lors d’une conférence commune dimanche 17 novembre avec le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, tenue dans le cadre d’une visite en Israël, François Hollande a formulé les « quatre exigences » de la France pour « un accord intérimaire » sur le programme nucléaire iranien :

  • Première exigence : « mettre l’intégralité des installations nucléaires iraniennes sous contrôle international, dès à présent. »
  • Deuxième point : suspendre l’enrichissement [d’uranium] à 20%. »
  • Troisième exigence : « réduire le stock existant. » « Et enfin arrêter la construction de la centrale d’Arak.
    Voilà les points qui pour nous sont essentiels comme garantie d’un accord. (...) « Mieux vaut un bon accord qu’un mauvais, là-dessus nous nous entendons », a-t-il déclaré à l’adresse de Benyamin Netanyahu. [8]

« Nous n’admettrons jamais que l’Iran puisse détenir l’arme nucléaire. Parce que c’est une menace pour la sécurité d’Israël, mais aussi pour le monde. » M.Pérès avait salué la fermeté française dans ce dossier. « Israël a beaucoup de respect pour la position forte de la France afin d’arrêter les ambitions dangereuses de l’Iran », avait expliqué le chef de l’Etat hébreu. « Tamid esha’er haver shel Israel !´´ Accueilli en grande pompe par le président Shimon Pérès et le Premier ministre, Benyamin Netanyahu ». [9]

Colonisation : Hollande attend des « gestes » d’Israël

S’agissant du dossier palestinien, Hollande réduit la voilure, il n’est plus question de fermeté, de rodomontade, Hollande fait appel au bon cœur de Netanyahou, : « Le président français François Hollande a par ailleurs déclaré qu’il attendait des « gestes » d’Israël sur la colonisation des territoires occupés pour contribuer au processus de paix. Il demande aux Palestiniens,à qui il ne reste que les yeux pour pleurer, de faire aussi des gestes ! estimant qu’il s’agissait de « trouver un accord définitif pour une paix juste et durable » reposant sur la solution de « deux États », israélien et palestinien.

Israël joue la France contre les États-Unis

Pour Laurent Zecchini, François Hollande bénéficie de l’« effet Kerry ». John Kerry, le secrétaire d’État américain, est de plus en plus critiqué à Jérusalem, en raison d’un double contentieux : ses remarques acerbes s’agissant de l’attitude israélienne lors des négociations de paix avec les Palestiniens, et surtout l’expression publique de divergences à propos du programme nucléaire militaire de l’Iran.(...) A l’inverse, la France est exemplaire, aux yeux des dirigeants israéliens, dans sa fermeté et ses exigences vis-à-vis de Téhéran. Qu’adviendra-t-il de cette entente cordiale si d’aventure les pays du groupe P5 + 1 se mettent finalement d’accord pour accepter un processus intérimaire de dénucléarisation de l’Iran, avec un allégement des sanctions ? [10]

Recevant ensuite les dignitaires religieux, François Hollande a voulu placer le débat sur un terrain consensuel, celui d’une « république laïque qui a aussi une mission particulière de protection des chrétiens et des lieux saints ».(...) Le ton a été donné par Hind Khoury, ancienne déléguée générale de la Palestine en France : « Jérusalem n’existe plus comme une ville palestinienne, la vie y est devenue insupportable ! Vous avez parlé de la souffrance du peuple juif ?
Nous avons besoin d’entendre parler de la souffrance du peuple palestinien ! » Et Huda Al-Imam, directrice du Centre d’études sur Jérusalem, d’enfoncer le clou : « Israël, en toute illégalité, est en train de judaïser, de coloniser cette ville et son patrimoine », a-t-elle lancé. « Nous attendons beaucoup de la France », a-t-elle insisté, en illustrant son propos par un rappel de « la réaction de M.Chirac dans la vieille ville ! » [11]

Que gagne la France ?

En dehors de la détérioration probable et durable de ses relations avec le monde arabe, Israël est le pays qui a le plus de start-up après les États-Unis ; 78% de ses exportations concernent la haute technologie. Israël consacre 6% de son budget à la recherche ; La France n’est qu’à la 11e place avec moins de 3 milliards de dollars. La relation économique entre les deux pays est bonne, dit-on à l’Élysée, « mais pas à la hauteur de la qualité du dialogue politique ». la part de marché de la France en Israël dans ces échanges est de 2,17%, contre 6,58% pour l’Allemagne.

En fait, Israël n’a pas besoin fondamentalement de la technologie française, ce qui l’intéresse c’est sa capacité supposée de gérer les affaires d’Israël. Pour cela tous les relais sont bons, notamment « le tribunal dinatoire » du Crif. Mais ceci est une autre histoire

Professeur Chems Eddine Chitour [12], Jeudi 21 novembre 2013

[1Les relations de la France avec Israël, Encyclopédie Wikipédia

[2Les relations de la France avec Israël, Encyclopédie Wikipédia

[3Les relations de la France avec Israël, Encyclopédie Wikipédia

[4Les relations de la France avec Israël, Encyclopédie Wikipédia

[5Les relations de la France avec Israël, Encyclopédie Wikipédia

[6Les relations de la France avec Israël, Encyclopédie Wikipédia

[10Laurent Zecchini : Israël, en froid avec Washington, Le Monde 16.11.2013

[11Laurent Zecchini : François Hollande et les dignitaires religieux Le Monde.fr 18.11.2013

[12Ecole Polytechique nep-edu.dz


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