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Le devoir d’écriture

Il y a tellement de choses qui ont été dites sur le 8 mai 1945 de Sétif, Kherrata, Guelma, livrées à la lâcheté criminelle de l’armée et des milices coloniales, celui des douars soumis au feu du ciel, quand d’autres feux, festifs ceux-là, illuminaient de leurs couleurs les nuits parisiennes et celles de toutes les villes et villages de France.

Il y a tellement de choses qui ont été racontées sur les fusillades, sur les exécutions sommaires, sur les lynchages et sur les cadavres amoncelés en charniers, pour l’exemple, quand les bals musettes faisaient vibrer les places des villes et villages de France. Il y a tellement de choses qui ont été écrites, qu’il semble qu’il n’y a plus rien qui vaille la peine de dire, de raconter, d’écrire l’innommable barbarie qui a meurtri à jamais la mémoire algérienne.

Pourtant, il faut continuer à en parler, à redire, à répéter et à réécrire, sans cesse. Berthold Brecht écrivait, parlant du fascisme, que « le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ». Cette affirmation s’applique, de même, on ne peut mieux, au colonialisme face auquel il ne pas faut se résigner. Au nom de l’humanité, refusée à des milliers d’être humains, comme elle a été refusée à leurs compatriotes plus d’un siècle durant. Au nom des supplices, des martyres infligés à l’innocence désarmée.

« Pour que nul n’oublie » et aussi et surtout pour que ceux qui ne savent pas apprennent le visage du crime et l’apprennent à leur tour aux générations qui viennent. Parce que se taire, c’est lâcher la bride aux criminels, c’est peut-être même leur donner raison. Car la bête est toujours à l’œuvre et ne semble pas près de renoncer.

On a cru, un temps, qu’elle avait reculé. On a eu tort. Elle revient plus féroce et plus déterminée que jamais, sous d’autres oripeaux qui cachent mal ses desseins morbides. Elle n’a pas désarmé et n’a jamais cessé de rêver de puissance et de prédation. Elle rode autour de la proie, qu’elle voudrait voir tomber pour l’aider à mourir, pour se vautrer ensuite dans son sang. Elle voudrait même l’aider à succomber. Elle l’y pousse. Au nom des mêmes principes qu’elle brandissait du temps des conquêtes sans risques, quand elle a « civilisé » dans leur sang les « indigènes » à travers le monde. Elle a le sourire aux lèvres et la main sur le cœur, elle crie à la bienfaisance de ses bombardements « révolutionnaires » et de ses guerres « zéro mort ». La bête, la barbarie, qui a massacré hommes, femmes et enfants, notre peuple, il y a 68 ans, il y a 59 ans, il y a 183 ans, tout au long d’un horrible déni de droit, est la même que celle qui chante cette « démocratie » revisitée, parfois reprise en chœur par ceux qui ont cédé à la tentation d’être promus au sein des peuples convoités.

Pour cela, ne pas se taire, jamais, convoquer le souvenir, la mémoire des victimes, faire revivre sans cesse le passé de la bête, si réel, si présent, si menaçant. Ce 8 mai 2013, nous ne devrions pas faillir à la mémoire des dizaines de milliers d’Algériens qui ont témoigné et qui témoignent par leur mort, par delà les années, de l’infamie colonialiste.

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« Cremada » de Maïté Pinero
Bernard Revel
Prix Odette Coste des Vendanges littéraires 2017 Maïté Pinero est née à Ille-sur-Têt. Journaliste, elle a été correspondante de presse en Amérique Latine dans les années quatre-vingts. Elle a couvert la révolution sandiniste au Nicaragua, les guérillas au Salvador et en Colombie, la chute des dictatures chiliennes et haïtiennes. Elle a écrit plusieurs romans et recueils de nouvelles dont « Le trouble des eaux » (Julliard, 1995). Les huit nouvelles de « Cremada », rééditées par Philippe (…)
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