15 août 2004
Aujourd’hui, référendum au Venezuela. La presse française, les télévisions françaises ont fait soit silence sur l’événément, soit ont largement relayé les arguments et les images de l’opposition vénézuélienne. Elles nous ont présenté un dirigeant "populiste", c’est-à -dire en bon français non, ce qui est le cas, un dirigeant populaire, soutenu par un peuple, agissant en faveur des plus pauvres, mais un démagogue à tendance fascisante. Un sujet d’Arte a même directement repris les images et les propos de l’opposition transformant Chavez en clown déclarant "je suis le roi" et l’accusant d’avoir fait tirer sur la foule des manifestants. Alors qu’il y a quelques mois sur la même chaîne, un film avait démonté la propagande de l’opposition, en prouvant que les victimes avaient été non le fait de la police ou des militants bolivariens mais bien une provocation des anti-chavistes pour organiser le coup d’État. Mais qu’est ce qui ce joue réellement au Venezuela ?
A- LE VENEZUELA, QUELQUES RAPPELS HISTORIQUES :
En 1998, l’ancien colonel et parachutiste Hugo Chà vez était élu président du Venezuela à une écrasante majorité, sur base d’un programme appelant à une transformation politique du pays. Lors de son premier mandat fut promulguée une nouvelle Constitution. En 2000, il a été réélu jusqu’en 2006, avec 60 % des suffrages et un Parlement dominé par ses partisans.
1) ELECTION DE CHAVEZ SUR FOND DE CRISE NÉO-LIBÉRALE :
La situation du Venezuela, qui avait porté Chavez au pouvoir, réclamait d’importants changements. Le Venezuela, comme l’ensemble de l’Amérique Latine, avait pratiqué depuis plusieurs décades les politiques néo-libérales du FMI avec une rigueur dogmatique, ce qui s’était traduit, comme pour l’ensemble du continent par des fuites massives de capitaux et un enfoncement dans la crise pour la majorité de sa population. On nous dit aujourd’hui que Chavez bénéficie de la montée du prix du pétrole, mais l’expérience est là : si les années soixante, grâce à l’explosion des prix du pétrole, avaient procuré au Venezuela le revenu par habitant le plus élevé du continent, en permettant l’accroissement de la consommation de la classe moyenne, le sort des plus pauvres n’avait pas été amélioré. Les Vénézuéliens ont l’expérience de la montée du prix du pétrole qui ne bénéficie en rien à la population, accroît encore la misère des plus défavorisés.
Entre 1978 et 1985, le PIB avait chuté d’une manière continue, pendant que le capital fuyait le pays et que la dette extérieure explosait. Au milieu des années quatre-vingt-dix , le PIB par habitant était retombé au niveau des années soixante et les salaires réels dans l’industrie, y compris le salaire minimum, étaient à près de 40% de la valeur des années quatre-vingts. En même temps que les salaires s’écrasaient et que les dépenses sociales diminuaient, la proportion de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté passait de 36 à 66 % entre 1984 et 1995, et le nombre de personnes vivant dans une pauvreté extrême passait de 11 à 36 %. Au cours de la même période, le chômage en zone urbaine fit plus que doubler, dépassant tous les chiffres continentaux déjà catastrophiques. En outre, la part des revenus des 2/5 de la population la plus pauvre tomba de 19,1 à 14,7 % entre 1981 et 1997, pendant que le dixième le plus riche voyait sa part grimper de 21,8 à 32,8 %.
La mise en coupe réglée de l’État et la corruption de l’establishment politique atteignait un niveau véritablement scandaleux, deux partis - Acción Democrà tica, les Socio-Démocrates, et COPEI, les Démocrates Chrétiens - se partageaient en alternance le pouvoir. Deux tentatives successives d’imposer des thérapies de choc néo-libérales se heurtèrent à une violente réaction populaire - la première en 1989, entraînant toute la nation dans des révoltes et de lourdes pertes humaines, la seconde en 1996, permit l’arrivée au pouvoir de Chà vez.
Il faut bien mesurer que quand Chavez a été élu, personne ne donnait un grand avenir à cet homme seul qui ne bénéficiait d’aucune force organisée, (ni syndicats, ni parti, tous les médias privatisés étaient aux mains de l’opposition) et qui prétendait conduire un processus démocratique. L’expérience de l’Amérique latine était là , soit Chavez prétendait effectivement conduire des réformes en faveur du peuple et de ce fait s’opposait aun néo-libéralisme, à la main mise des États-Unis, et il se heurtait rapidement à la CIA, aux forces organisées, soit il cédait et trahissait ses engagments.
2) LES PREMIàˆRES RÉFORMES ET LA VIOLENCE DE L’OPPOSITION :
Tant que Chavez s’était contenté de réformer la Constitution, l’opposition déconsidérée par sa gestion catastrophique, le gaspillage et la corruption qu’elle avait pratiqués, était restée silencieuse, ce fut seulement en 2001, quand il entreprit des réformes qui touchaient aux intérêts des multinationales et à ceux de la bourgeoisie parasitaire du pays, que la violence se déchaîna contre lui. Chavez voulut améliorer la situation des plus pauvres dans son pays, en réalisant une réforme agraire rurale et urbaine qui apporterait de quoi vivre aux paysans sans terre des campagnes et l’accès au logement à la population des bidonvilles. Mais cela n’était rien en regard de la violence qu’il déclencha en prétendant contrôler au profit de l’ensemble du peuple les pétroles pourtant nationalisés La compagnie pétrolière nationale, la PDVSA était un véritable état dans l’Etat. La direction s’y montrait depuis longtemps hostile, à toute idée de développement national ou social, elle défendait la politique des multinationales pétrolières US . Les patrons de la PDVSA encourageaient les compagnies pétrolières étrangères à revenir dans le pays, et essayaient de réduire les quotas de l’OPEP tout en tentant d’ouvrir la porte à de futures privatisations. C’est pourquoi la PDVSA n ’était en fait qu’une officine aux ordres de l’Empire nord-américain et la CIA lui apporta son aide selon un schéma bien connu : elle fournissait une aide à l’opposition interne, y compris dans ses actions les plus illégales, coup d’État, séquestration d’un président en avril 2001, violences de rues. Dans les grands intérêts financiers devenus maîtres de la presse occidentale déclenchaient d’une campagne de presse internationale qui accusait, hors toute vraisemblance, le président de vouloir établir une dictature communiste, d’attenter aux libertés démocratiques.
Sous le contrôle de ses présidents successifs - Luis Giusti, lui-même riche propriétaire de bateaux de transports de pétrole et des services informatiques utilisés par la compagnie -, la PDVSA avait délibérément maximisé ses investissements étrangers (achetant par exemple des raffineries en Europe et aux USA, ainsi qu’une vaste chaîne de stations d’essence en Amérique du Nord), utilisant également les coûts de transport de ses filiales pour diminuer les royalties qu’elle devait normalement payer à l’Etat vénézuélien, ce qui avait provoqué la chute de celles-ci, passant de 71 cents pour un dollar de rapport brut en 1981 à 39 cents pour un dollar en 2000
Pour contrecarrer l’action des seigneurs du pétrole, Chà vez avait limité, par une loi, les partenariats avec des compagnies étrangères à 50%. Les royalties fixes payées à l’Etat pour chaque baril de pétrole extrait sur le sol vénézuélien étaient doublée. La loi imposait également pour la première fois une certaine transparence comptable et fiscale sur les opérations de la PDVSA. Elle prévoyait enfin la possibilité pour l’Etat de restructurer l’industrie pétrolière. La direction de la PDVSA attaqua et, grâce aux moyens financiers gigantesques à sa disposition, elle lança la première grève générale contre le gouvernement le 10 décembre 2001, en coopération avec l’association d’entrepreneurs la Fedecameras et la bureaucratie syndicale notoirement corrompue de la CTV. En réponse à cette action, Chà vez déposa deux mois plus tard les principaux dirigeants de la PDVSA - ce qui déclencha la décision de coup d’Etat contre lui en avril 2001.
Ce coup d’État fomenté par la CIA a été un véritable fiasco. Cyniquement on peut dire que les factieux ont été au-dessous de tout, leur grande erreur par rapport aux moeurs habituelles de la CIA en Amérique latine a été de ne pas avoir executé tout de suite Chavez comme Allende. Ils n’ont pas bénéficié d’un Pinochet. Il est d’ailleurs probable que la CIA en a tiré leçon et qu’elle ne cesse de fomenter des conditions favorables à cette exécution. De nombreux complots allant dans ce sens ont été déjoués depuis que le processus référendaire est en route. Si Chavez l’emporte aucun scénario n’est à exclure, y compris un mouvement qui sous couvert de protestation contre "la fraude", créerait les conditions d’un putsch. Mais aujourd’hui la situations a évolué et la population qui soutient Chavez est mobilisée, organisée, il ne s’agit plus seulement de la situation de 2001 où Chavez a été libéré par les éléments loyalistes de l’armée et une manifestation spontanée des quartiers pauvres mais où les forces d’opposition au sein des médias, de l’appareil d’État demeuraient toutes puissantes.
En 2001, Chà vez, bien que rétabli dans ses fonctions par un mouvement venu des quartiers pauvres et par une armée loyaliste, fut en effet néanmoins obligé de réintégrer les dirigeants limogés, qui aussitôt se remirent à comploter contre lui. Et ce fut la gigantesque grêve de décembre 2002 à février 2003 avec le blocage de l’industrie pétrolière, il s’agissait plus d’un lock-out que d’une grève, puisque les sections informatiques étaient sous le contrôle des directeurs et des techniciens en col blanc, ce qui bloquait toute exploitation pétrolière. L’échec de la grève, qui a littéralement sabordé l’économie du pays, a porté un sérieux coup à la tête de la PDVSA. Ses dirigeants les plus virulents ont été mis hors d’état de nuire, la production de pétrole a été rétablie à une vitesse étonnante, en grande partie grâce à l’engagement des travailleurs eux-mêmes, et désormais la compagnie se trouve entre les mains de l’ancien secrétaire général de l’OPEP, Ali Rodriguez.
Dans le même temps, Chavez entreprenait d’ambitieux programmes sociaux de santé et d’éducation dans les barrios les plus pauvres et dans les zones rurales déshérités. Car l’extraordinaire de la situation vénézuélienne fut bien l’irruption des populations déshéritées venues soutenir leur président. Chavez jouit d’un incontestablement charisme et sait leur parler, mais il faut bien reconnaître que de 1998 à 2001, il n’avait pas fait grand chose pour eux. L’armée, issue des couches populaires, a eu la même attitude, tous ont tablé non sur ce qui avait été fait mais sur le fait que Chavez représentait le seul espoir de changement, la seule possibilité de défense de la souveraineté nationale et donc de développement social. Ils sont donc tous venus le soutenir dans sa volonté de redonner à la nation la maîtrise de ses ressources nationales et de ce fait ont influé sur l’action future du Président et de son gouvernement. Ils sont restés à ses côtés dans la grande grève, comme ils l’ont été devant les continuelles provocations visant à obtenir la destitution du Président. Il faut bien mesurer ce que représente de conscience politique un tel soutien de la part d’une population pauvre, volontairement non éduquée, et d’une armée formée à la peur du communisme, alors même que Chavez est accusé par tous les médias de vouloir installer une dictature castro-communiste. Quelle que soit l’issue du bras de fer vénézuélien, cette leçon ne sera jamais oubliée, l’idée que l’on peut faire autrement, qu’un peuple peut maîtriser son destin en collaboration avec d’autres peuples est née de cette expérience bolivarienne, une véritable organisation de la société civile s’est développée sur la base de cette conscience populaire .
3)LA PROPAGANDE OCCIDENTALE SE DÉCHAàŽNE CONTRE CHAVEZ
Dans le même temps, selon un scénario habituel, la conjonction entre presse internationale et grands intérêts financiers joue à plein, et Chavez est présenté comme l’ennemi des libertés démocratiques, se maintenant au pouvoir contre la volonté populaire. Ce en violation flagrante des faits, car on peut dire que le gouvernement d’Hugo Chavez se montre un des plus tolérants de l’Amérique Latine à son opposition, un des plus respectueux de la Constitution. De surcroît vouloir l’accuser d’attenter à la liberté de la presse est une sinistre farce dans un pays où celle-ci est à 90 % dans les mains d’une opposition qui y déclenche des campagnes d’une violence qui ne serait tolérée ni aux Etats-Unis, ni en Europe, contre un gouvernement élu. C’est pourtant l’opération à laquelle se livre la majorité de la presse française. Dans cette affaire, s’est particulièrement illustrée l’organisation reporters sans frontières et son chef autoproclamé Robert Ménard qui a confirmé de ce fait ses liens avec l’impérialisme US. Rarement les médias françaises sont apparus autant que sur le cas du Vénézuéla, pour ce qu’elles sont : un système de propagande, caractérisé par la concentration de la propriété des titres (au main des marchands d’armes que sont Lagardère et Dassault) et des annonceurs (L’armée nord américaine est un des principaux clients de publicis).
L’opposition vénézuélienne dont nous avons vu qu’elle était engagée de manière permanente dans la déstabilisation violente de Chavez, coup d’État, sabotage pétrolier et qui a même officiellement demandé l’intervention étrangère, a proclamé que Chavez n’accepterait jamais de se soumettre au référendum révocatoire inscrit dans la Consitution. Celui-ci a au contraire considéré que forcer l’opposition à se soumettre à la Constitution et y compris s’il était battu, se représenter à l’élection présidentielle qui devrait avoir lieu dans le mois suivant, était une manière de faire face à la violence de cette opposition et des tentatives de coup d’État fomenté par la CIA. Ce qui est un pari inouï en Amérique latine... Mieux Chavez en appelle à la constitution d’une opposition démocratique, responsable qui jouerait le jeu de propositions alternatives.
Comme Chavez l’a déclaré à Haïti Progrès (édition du 28 juillet) :
" Lorsque je parle de l’opposition en ce moment, je pense tout particulièrement à sa direction, comme je l’ai déclaré à monsieur Gustavo Cisneros au cours d’une rencontre qui a provoqué pas mal de spéculations. Souhaitons que tous ceux qui ont mené des coups d’État, qui ont attaqué les institutions de manière perverse et soutenue, qui ont tenté de déstabiliser le pays et ont fait tant de mal à l’économie, qui ont semé pas mal de terreur au sein d’une bonne partie de la population vénézuélienne, souhaitons qu’ils acceptent le fait qu’il y a ici une Constitution, que nous puissions disposer d’une opposition démocratique, réellement démocratique, une opposition sérieuse,rationnelle, qui pense, qui mesure les conséquences de ses actes, que ses dirigeants deviennent les leaders d’un groupe important de Vénézuéliens que nous n’ignorons pas.
Je reconnais, en tant que président de tous les Vénézuéliens, qu’il y a dans ce pays des courants politiques qui s’affrontent au projet bolivarien, le projet que j’incarne ensemble avec la majorité de tous les Vénézuéliens. Nous devons les respecter, et nous voulons qu’ils occupent la place qui leur revient, mais dans le cadre de la Constitution. J’aime à penser qu’ils sont entrés dans une phase de réflexion, qu’ils acceptent la réalité et qu’ils construiront une opposition sérieuse et loyale envers le pays. La Constitution n’est pas un mandat exclusif en faveur des chavistes, c’est une obligation pour tous les Vénézuéliens. »
On voit à quel point l’image complaisament diffusée par les médias français est en contradiction avec la réalité vénézuélienne, ou non seulement Chavez repecte la liberté de la presse quasiment en totalité contre lui, mais encore tente de contraindre une opposition à jouer le jeu démocratique de la Constitution. Ce qui renvoit la dite opposition non seulement à son absence d’unité mais à son projet politique réel par rapport à ce qu’a réalisé le gouvernement.
Là encore la distance est grande entre ce qui est affirmé par les médias français et la situation vénézuelienne. Au meilleur des cas, la dite presse insiste sur le fiasco économique de Chavez, attribuant à son gouvernement les effets de la paralysie économique engendrée par l’opposition lors du grand lock out des dirigeants pétroliers, et attribuant l’embellie dont bénéficient les plus pauvres à "la rente pétrolière" provoquée par la hausse des cours. Mais comme nous l’avons vu il y a déjà eu des hausses des cours qui se sont combinés avec une agravation de la situation des plus pauvres.
B - LES ENJEUX RÉELS
1) UNE OPPOSITION DÉSORIENTÉE :
L’opposition n’a qu’un slogan : "il faut chasser Chavez !" Mais les résultats sont là : 1.250.000 personnes ont été alphabétisés grâce à l’expérience dans ce domaine des Cubains, expérience que ces derniers proposent à l’UNESCO de mettre au service de ce grand problème mondial et qui a pu se réaliser au Venezuela à travers la Mission Robinson. Mêmes résultats, toujours avec l’aide des Cubains en matière de santé. L’opposition qui n’arrêtait pas de dénoncer les médecins cubains, en les accusant de ne pas être de véritables médecins, qu’ils allaient tuer les enfants et qu’ils en profitaient pour faire de la propagande castro-communiste, a recemment été obligée de déclarer qu’elle maintiendrait les missions et les programmes sociaux du gouvernement Chavez. C’est la première fois que le peuple, les couches les plus défavorisées de la population se rendent compte qu’on fait quelque chose pour eux, qu’il existe une véritable lutte contre la misère qui touche la majorité de la population.
Ce à quoi Chavez n’a pas de mal à répondre à cette opposition : vous ne pourrez pas poursuivre cette action parce que votre programme néo-libéral l’empêchera. Là encore voici les déclarations de Chavez :
"Ce changement d’attitude envers les missions reflète le peu de cohérence d’une opposition qui n’ose pas avouer quel est son véritable projet. Car, en fait, il n’est pas totalement vrai qu’ils n’aient pas de plan. Le plan de la très mal nommée « Coordination démocratique », qui n’a aucun leadership ni morale, est le plan de Washington, c’est un projet néolibéral qui veut entre autres privatiser la société pétrolière PDVSA, brader tous les avoirs de Corpozulia et les privatiser, idem avec la CVG. C’est un projet qui veut réduire les forces armées à un rôle de police destinée à ne protéger que les grands capitaux parce que, selon eux, à quoi sert une armée nationale si l’on a le Commandement Sud (ndlr : les États-Unis) qui nous protège tous. C’est un projet destiné à brader la souveraineté nationale du pays, pour dollariser l’économie de toute l’Amérique latine.Tel est leur plan, et il est clair qu’il ne vient pas d’eux, mais de Washington. Ils n’osent pas l’avouer. Certains, il est vrai, parce qu’ils l’ignorent, mais les sommets dirigeants de l’opposition savent, eux, parfaitement la vérité. On a déjà pu voir un bout de ce projet au moment du coup d’État d’avril 2002. L’une des premières déclarations de Carmona fut de dire que « le Venezuela quittera l’OPEP ». Tiens donc ! C’est justement ce que souhaite Washington !
L’opposition avait récemment déclaré de manière démagogique et irresponsable, dans le seul but de tromper l’opinion publique, qu’elle poursuivrait l’oeuvre des Missions (si elle arrivait au pouvoir). Mais, même s’ils le voulaient réellement, ils ne pourraient le faire. Car, en admettant qu’un éclair de lucidité les ait frappés et qu’ils admettent que cette pauvreté accumulée depuis 200 ans au Venezuela est le produit de l’égoïsme, ils ne pourraient rien faire, même s’ils le voulaient, parce qu’on ne leur permettrait jamais cela.
Car le projet prévu par Washington pour cette opposition,dans le cas douteux où ils reviendraient au pouvoir, est un projet néolibéral et ce dernier suit certaines règles dont l’une d’elles est de réduire au minimum les dépenses sociales.
Ce projet néolibéral implique que le prix du pétrole descende au-dessous des 10 dollars le baril, et c’est pour cela que le Venezuela devra alors quitter l’OPEP et produire beaucoup d’or noir. Pour éviter le déficit, le FMI nous tombera dessus pour octroyer des prêts parce que ce qui les intéresse, c’est un pétrole à bas prix. »
2) CE QUI RISQUE DE SE PASSER :
Ce qu’il faut bien mesurer est que le système de propagande, la désinformation sur ce qui se passe réellement au Venezuela n’est pas un simple rideau d’illusion, il fait partie d’une stratégie impérialiste, ici comme dans d’autres parties du monde.
Nous sommes au Venezuela devant un processus démocratique quasi total : respect de la Constitution et mobilisation populaire par un sytème d’assemblées populaires directes. Dans un contexte où non seulement la liberté de la presse est respectée mais où l’immense majorité des médias est au main de l’opposition. Le respect des institutions est tel que l’opposition possède par exemple au niveau des pouvoirs locaux, les moyens d’une fraude massive. Celle-ci peut être relayée par les médias venezueliens aux mains de l’opposition et de l’impérialisme, relayée au plan international par le système de propagande des grands intérêts capitalistes.
Donc il faut bien mesurer ce qui risque d’arriver au Venezuela. Si l’armée US et son gouvernement n’étaient pas pris dans les problèmes irakiens, il est clair qu’il y aurait déjà eu sous un prétexte quelconque une invasion militaire. Celle récente à Haïti fait partie d’une manoeuvre d’encerclement. Actuellement à partir du réferendum, plusieurs scénarios sont envisagés.
Tout laisse à penser que les forces bolivariennes vont l’emporter, tous les sondages vont dans le même sens. Chavez bénéficie aujourd’hui de l’écrasante majorité de la population vénézuélienne qui se mobilise pour empêcher la fraude mais aussi pour mettre en place un processus de démocratie directe d’assemblée. Il est nécessaire que l’opinion publique mondiale comprenne les risques qu’affronte la démocratie vénézuélienne pour empêcher les trois scénarios que prépare la CIA.
L’opposition impérialiste possède tous les moyens de mettre en oeuvre une fraude massive qui peut créer 3 scénarios :
1) Imposer par la fraude la victoire du "oui" (la question posée au referendum est de savoir si l’on retire Chávez du gouvernement - Les Bolivariens votent "non" alors que l’opposition vote "oui"). C’est contre ce danger que se développe actuellement la mobilisation populaire.
2) En cas d’égalité, peser la différence entre le « oui » et le « non » avec des négociations tentaculaires de la bureaucratie mettant tout en oeuvre pour rechercher les lois gouvernementales qui permettent d’arrêter le processus de radicalisation, en particulier tenter de reprendre le contrôle du secteur pétrolier et des autres moyens de production.
3) Dans le cas où la fraude est trop difficile à exécuter, l’Opposition peut unilateralement annoncer sa victoire (massivement amplifiée par les medias qui sont dans le pays et à l’extérieur à sa botte) avant l’annonce des résultats officiels. Au moment où le bureau électoral reconnait la victoire de Chávez, une campagne médiatique agressive accusera la "fraude chaviste" pour essayer de faire descendre dans la rue les classes moyennes. Bien sûr, ils vont immédiatement déployer un plan de violence sans précédent (Il y a des paramilitaires colombiens dans tout le Vénézuéla, en plus des récents vols d’armes et d’explosifs) essayant de créer le chaos et les massacres qui pourraient justifier un coup d’État ou l’intervention des forces multinationales de "maintien de la paix" au Venezuela.
3) L’IMPERIALISME NE RENONCE PAS :
Car il est est clair que l’impérialisme ne peut pas renoncer à écraser le processus vénézuélien, comme il ne peut pas renoncer à écraser Cuba et toutes les résistances qui s’opposent à son pillage mondial. Non seulement il doit mettre la main sur le pétrole vénézuélien, mais il doit empêcher la contagion.
Car peut-être l’acte le plus impardonnable de Chavez aux yeux de l’impérialisme, a été quand il a entrepris au sein de l’Amérique Latine, de résister aux diktats nord-américains. Le contexte était celui de l’imposition par les Etats-Unis d’un grand marché néo-libéral, du Canada au cap Horn, complètement ouvert aux capitaux et aux produits des Etats-Unis, la ZLEA. L’élection de gouvernements de gauche, la crise argentine et la montée des mouvements populaires en particulier dans les pays andins où les révoltes indigènes renversèrent les gouvernements à la solde des Etats-Unis, avait commencé à changer la donne. Le MERCOSUR (Brésil, Argentine Uruguay) refusait de se saborder. Chavez a pris la tête de la résistance des gouvernements en proposant une alliance du sud du continent et des Caraïbes, voire une consultation populaire contre ce grand marché néo-libéral. C’en était trop pour les Etats-Unis qui multiplient les tentatives de déstabilisation en soutenant plus ou moins ouvertement une opposition interne y compris dans ses actions les plus illégales, coup d’État avec enlèvement d’un chef d’État, violences de rues, provocations y compris armées.
Danielle Bleitrach
bleit@up.univ-aix.fr.
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