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Timoleon Jimenez ou "Timochenko" succède à Alfonso Cano à la tête des Forces armées révolutionnaires de Colombie

Le nouvel Hadès

« Maintenant je sais qu’existent Dieu et le mal, et le mal c’est les FARC » [1] a expliqué le sergent de police Luis Alberto Erazo, seul survivant d’une opération de l’armée colombienne, le samedi 26 novembre 2011, sur un campement de la guérilla qui s’est soldée par la mort de quatre prisonniers, vraisemblablement exécutés par les combattants insurgés. Dans une interview accordée à Radio Caracol il a relaté les détails de sa détention, le quotidien des prisonniers au milieu de la jungle et comment il a réussi à s’échapper lors de la bataille. Confiant, il a affirmé au sujet du nouveau commandant en chef que « là où il se trouve la Force publique le trouvera (...) La Force publique ira jusqu’en enfer, ils vont le ramener, ils vont le neutraliser » [2]. « Timochenko sera poursuivi jusqu’en enfer » résument les gros titres [3].

Timochenko, de son vrai nom Rodrigo Londoño Echeverri, est publiquement présenté, le 15 novembre 2011, comme le nouveau commandant en chef des FARC après la mort, lors d’une attaque militaire au début du mois, d’Alfonso Cano. Grand inconnu de la scène médiatique, le choix de Timochenko plutôt que celui d’Ivan Marquez se veut sans doute un geste de confiance à l’égard des troupes rebelles. En effet, selon Ariel Avila, de la Corporation "Nuevo Arco Iris" , observatoire du conflit, le nouveau commandant « possède une reconnaissance supérieure à celle qu’avait "Jojoy" et "Cano" au sein des subversifs malgré sa personnalité silencieuse (...) il possède une ligne beaucoup plus accentuée sur le plan stratégique d’intelligence militaire dû à sa formation » [4]. Une formation militaire et politique forgée à Moscou et dans l’ancienne Yougoslavie où il aurait également étudié médecine [5]. Son propre pseudonyme est un hommage au maréchal soviétique Semion Timochenko, qui s’est illustré dans d’importantes batailles durant la Seconde Guerre Mondiale. Militant des Jeunesses Communistes, il intègre les FARC dans les années 80 et dirige le bloc du Magdalena Medio depuis 1993. Agé de 52 ans, il est chargé, au sein de la guérilla, des « affaires d’espionnage et de contre-espionnage » [6]. Pour les analystes de Nuevo Arco Iris, la nomination de Timochenko ne signifiera pas un changement dans les objectifs et tactiques de la guérilla. Tous s’accordent à dire que bien que les différences personnelles existent, ce qui prédominent chez les FARC « avant les individus ce sont les documents (Plan stratégique, conférence, plénière, etc.) » [7].

Des différences individuelles il y en a. D’allure plus robuste que Cano, discret quant à ses apparitions télévisuelles (c’est lui qui annonça dans un communiqué vidéo de la guérilla la mort de Manuel Marulanda en 2008) Timochenko possède plus la silhouette d’un homme de guerre que celle d’un intellectuel. Il s’est pourtant démarqué de son prédécesseur dans son premier communiqué en tant que commandant en faisant preuve, à mes yeux, d’une maîtrise de la plume plus adroite et moins académique. Un style direct qui tranche avec la plupart des textes signés par la guérilla et avec lequel il s’est adressé directement au premier mandataire du pays :

« On doit tous mourir, Santos, tous. De cela personne ne va s’échapper. Certains d’une façon et les autre d’une autre. Certains pour telle cause et d’autres pour telle autre (...) C’est comme la vie, certains préfèrent la passer en faisant de l’argent et en s’engraissant comme des porcs, pratiquant la chirurgie pour rester jeune, écrasant les autres tout en se vantant. D’autres choisissent des chemins plus nobles. Et ils sont très heureux comme ça. C’est une affaire de conscience. Prétendre les intimider pour qu’ils vivent comme les premiers est une erreur. Et c’est encore plus grave de les tuer (...) Ces gens sont là depuis plus d’un demi-siècle Santos. Certains, les cheveux blancs, racontent leurs histoires de l’époque de Marquetalia. d’autres parlent de l’époque de Guayabero, des premiers dialogues avec Belisario (...) Et plus encore ont vécu ici l’époque du Caguan. Beaucoup sont venus par la suite rejoindre nos rangs. Dans ce devenir, c’est certain, il y a eu des désertions et des trahisons. Mais ça n’a pas été le plus déterminant. Ils sont bien plus nombreux les révolutionnaires et les cadres convaincus. Ces gens ont construits une épopée sans antécédents nulle-part ailleurs ni à aucune époque. Cela n’aurait pas été possible sans le plus extraordinaire altruisme (...) Ce n’est pas comme ça Santos, ce n’est pas comme ça » [8]

Une réponse du nouveau dirigeant aux avertissements de Juan Manuel Santos qui lui a prédit le même avenir que Cano en cas de refus de démobilisation. « Réfléchissez » a-t-il lancé au guérillero [9]. Nouvelle bête noire des Forces armées colombiennes, « dans la ligne de mire » comme le titre l’hebdomadaire Semana, Timoleon Jimenez est devenu l’homme à abattre. Pour cela il faut le trouver. Bogota a donc, selon ses dires, réactiver les canaux diplomatiques entre elle et Caracas afin de déterminer la présence ou non du chef rebelle en territoire vénézuélien. De visite à Londres, Juan Manuel Santos a déclaré le 20 novembre, que dans le cas où Timochenko se trouverait dans le pays voisin, Chavez « agirait immédiatement » [10]. Les journaux colombiens ont rappelé que bien que le président bolivarien se soit montré coopératif ces derniers temps sur ce terrain, notamment avec l’extradition de Joaquin Perez Becerra, celui-ci n’a toujours pas procédé à l’extradition du guérillero Julian Conrado. Le ministre de l’intérieur vénézuélien, Tareck el Aissami, a affirmé qu’aucune preuve n’existait pour confirmer la présence du guérillero dans le pays voisin, tout en soulignant que c’était là des propos visant à créer des tensions entre les deux états [11].

L’exécution des quatre prisonniers lors de l’intervention militaire a porté un sérieux contre-coup médiatique à la guérilla, provoquant un rejet quasi unanime de la scène politique et journalistique et ce malgré le communiqué de « regrets » des FARC. Ces dernières affirment que c’est parce que l’état savait que les prisonniers allaient être libérés unilatéralement qu’il a orchestré cette offensive armée, lui renvoyant ainsi la responsabilité de la mort des officiers [12]. « Timochenko arrêtez l’horreur ! Mardi vous verrez combien on vous hait » écrit le chroniqueur Luis Noé Ochoa dans Eltiempo.com en référence à la marche convoquée le mardi 6 décembre contre le groupe armé [13]. Rodrigo Londoño Echeverri alias Timochenko hérite d’une guérilla très isolée politiquement, solide sur le plan organique mais de plus en plus faible sur le plan militaire, difficilement capable d’imposer un cessez le feu à Bogota. Bien que Santos se déclare prêt à entamer des négociations, celui-ci répète en boucle les annonces d’opérations pour « une phase finale » de la guerre et la fin prochaine de la guérilla [14].

En face, il est peu probable que les FARC plient sous les critiques. Elles sont encore capables de résister aux harcèlements militaristes du pouvoir et au déploiement de propagande visant à les démobiliser. Elles ont « décidé de tuer et de mourir, ça elles le portent dans leur ADN » écrit Luis E. Célis, membre de Nuevo Arco Iris [15]. Timochenko semble bien disposé à se battre jusqu’au bout, jusqu’en « enfer ». Ca tombe bien.

Loïc Ramirez

[6Ibid


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