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De la bancocratie en Europe

Plus personne n’en doute désormais : ce sont les pauvres qui vont payer l’addition vertigineuse de la crise financière. Addition d’autant plus salée que ladite crise est loin d’être terminée. Les riches, les vrais sont d’ores et déjà à l’abri grâce à l’opportun sauvetage des banques qui gèrent leurs juteux avoirs. Le théâtre européen de la crise est particulièrement édifiant à tous égards. Si la crise de l’Euro n’est que le prolongement de la crise plus large de la finance mondialisée, elle nous révèle que la solidarité des nations et des peuples européens dont on nous rebat les oreilles depuis cinquante ans n’était guère plus depuis longtemps qu’un mot. Ce n’est pas la Grèce qui menace l’Euro mais l’Euro qui a fait tomber la Grèce si bas qu’elle ne s’en remettra peut-être pas. Il est temps d’asséner quelques vérités, histoire de se persuader définitivement que les économistes de connivence et les dirigeants politiques ont piteusement choisi le camp des nantis et des brigands.

Des nantis ? Il se dit possiblement que les 850 plus gros milliardaires du Monde sont plus riches que l’Afrique avec ces 850 millions d’habitants. Des brigands ? Maurice Allais, Prix Nobel de sciences économiques 1988, a écrit un jour que « par essence, la création monétaire ex nihilo que pratiquent les banques est semblable, je n’hésite pas à le dire, pour que les gens comprennent bien ce qui est en jeu ici, à la fabrication de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement réprimée par la loi. » Des chiffres vertigineux ? Alors que Le new deal de Roosevelt en 1933 représentait 50 milliards de dollars d’aujourd’hui, et le plan Marshall, 100 milliards de dollars, Le plan européen adopté le 10 mai dernier atteint quant à lui 750 milliards d’euros et ne représente pourtant qu’à peine plus de 10% de la dette de la zone euro grosse de 7000 milliards d’euros.

Et le vertige s’accentue quand à l’envolée des chiffres s’ajoute la superbe incertitude du devenir de l’économie européenne. Sur la somme de 750 milliards d’euros, où l’intervention du FMI est considérée comme complémentaire de l’intervention européenne, plus de la moitié, soit 440 milliards, sont considérés comme « mobilisables », c’est-à -dire qu’ils n’existent tout simplement pas à ce jour. Le plan de sauvetage de l’Espagne, seul à avoir été estimé par Natixis, réclamerait entre 400 et 500 milliards d’euros. Alors, si on ajoute l’Italie et l’Irlande… La crainte grandit encore quand on sait que ce ne sont plus les producteurs de richesses matérielles, susceptibles de nourrir, loger, améliorer l’existence des populations, mais les spéculateurs, au travers des banques et de leurs produits financiers toujours plus risqués, qui dirigent l’économie. Ils vampirisent l’économie réelle dans son entier, et aussi désormais les ressources publiques des États. Ce délirant renversement des rôles conduit forcément à la spoliation des peuples, par le chômage, la misère, les reculs civilisationnels…

La crise n’est pas non plus une crise du déficit budgétaire de la Grèce, mais bel et bien une crise des banques européennes. Ainsi, l’opération de sauvetage de la Grèce ne lui est pas destinée, mais profite aux banques européennes. Il s’agit d’un véritable hold-up, au crédit de la spéculation et au débit de la dette publique, qui a été perpétré. On assiste médusé à une permutation de créancier ; les contribuables européens se substituent aux banquiers qui récupèrent ainsi leur mise. Le reste de l’Europe va emprunter pour « sauver » les banques qui ont prêté à la Grèce qui ne peut pas rembourser ! L’économiste irlandais David McWilliams remarque à quel point nous sommes passés de la démocratie à la « bancocratie ». Par le biais de l’État, en effet, les richesses sont transférées des « non-initiés », le peuple, vers les « initiés » du système bancaire. Il ajoute que l’on ne doit pas s’y tromper : ce que l’on a présenté comme le sauvetage d’un État en faisant appel au supposé sentiment de solidarité européenne, n’est rien d’autre qu’un transfert direct d’argent de la poche des citoyens à celle des créanciers étrangers de banques françaises et allemandes. On tient là la recette de la division et de l’instabilité.

Le prix Nobel Joseph Stiglitz dit à propos de la crise financière de 2008-2009 aux États-Unis que les banques ont réussi à mutualiser leur pertes avec les contribuables mais qu’ils privatisent leurs bénéfices au profit des seuls actionnaires. L’Europe aide aujourd’hui à faire de même. L’État n’est tout bonnement plus dans son rôle de défenseur du bien commun appartenant à tous les citoyens. En volant ( !) à la rescousse des rufians et des rupins, l’État est devenu privé. Le règne tyrannique des nouvelles féodalités est advenu.

Yann Fiévet

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