Selon Serge Halimi, « une armée occidentale ne peut pas être vaincue. Sa défaite est nécessairement provoquée par des politiciens sans colonne vertébrale et par des auxiliaires locaux qui détalent sans combattre. Depuis plus d’un siècle, ce mythe du coup de poignard dans le dos a nourri les ruminations des va-t-en-guerre ainsi que leur désir de revanche. Laver un affront signifie préparer l’affrontement qui suit. Pour effacer le « syndrome du Vietnam » et surtout le traumatisme de l’attentat ayant tué 241 soldats américains à Beyrouth le 23 octobre 1983, le président Ronald Reagan envahit la Grenade deux jours plus tard. Qu’en sera-t-il avec les images de l’aéroport de Kaboul, humiliantes pour les États-Unis, terrifiantes pour ceux qui les ont servis ? »
Le Diplo ouvre un dossier sur “ Les guerres sans fin ” : « Les images simultanées de civils s’agrippant aux avions américains pour quitter Kaboul et des talibans installés dans le bureau présidentiel resteront comme les symboles (…)Lire la suite »
Je discutais récemment avec un ami psychologue d’Un autre monde, le dernier film de Stéphane Brizé qui concourra à la Mostra de Venise en septembre. Ni lui ni moi n’avons vu ce film mais le thème en a été rendu public. Vincent Lindon, cadre dans un groupe industriel étasunien, ne sait plus quelle attitude adopter face aux demandes incohérentes de sa direction. Sa vie est mise en doute et ses relations avec sa femme (Sandrine Kiberlain) s’en ressentent fortement. Hier encore, il était dirigeant ; aujourd’hui, il n’est plus qu’exécutant.
Mon ami me fit remarquer que, aussi louables qu’aient pu être les intentions de Stéphane Brizé (elles le sont toujours), ce film allait très vraisemblablement mettre en scène un monde qui n’existe plus, celui d’une entreprise où il y a des travailleurs, des cadres, une chaîne de commandement et des rapports humains. Dans l’entreprise d’aujourd’hui, celle qui est gérée par le capitalisme financier, les rapports interpersonnels ne comptent plus, les (…)Lire la suite »
Après trois semaines de Tour de France, les commentateurs sportifs ont pu s’exprimer tout à loisir pendant la quinzaine des Jeux Olympiques. Et là, tous les poncifs langagiers nous ont pollué les oreilles.
Il n’y a pas encore si longtemps, Patrick Montel était le champion hors catégorie avec ses « ce coureur est fréquent, il est présent dès qu’il y a un challenge. » Avec ses « départs canons » qui débouchaient sur des « performances stratosphériques ». Mais le pauvre Patrick a été viré par le service public pour, semble-t-il, s’être exprimé un peu trop librement sur le dopage chez les sportifs de haut niveau. Ne jamais gêner la circulation des pépettes, telle est une des règles d’or du sport de compétition à la télé. Même, et surtout, si l’on contribue à l’appauvrissement de la langue française.
Ses successeurs ont légèrement renouvelé les poncifs. Je n’en retiendrai ici qu’un seul : « évidemment », parfois modulé en « bien sûr ». Lorsqu’un commentateur utilise 15 fois « (…)Lire la suite »
Serge Halimi envisage une possible embellie pour la France : « Les dix prochains mois de la vie politique française seront-ils rythmés par une avalanche de faits divers susceptibles d’entretenir une panique sécuritaire et par des injonctions dramatiques à « faire barrage » à une extrême droite propulsée par ce climat de peur ? Un tel enchaînement n’est pas une fatalité. L’élection présidentielle de 2022 n’est plus écrite d’avance. Ses deux finalistes présumés, Mme Marine Le Pen et M. Emmanuel Macron, sortent en effet affaiblis des scrutins régionaux qui viennent de se conclure. Les gigantesques erreurs de pronostic des sondeurs devraient conduire à se défier de leurs prévisions dans les semaines qui viendront.
Certes, le taux d’abstention exceptionnel (66,72 % à l’issue du premier tour) vaut condamnation d’un découpage territorial arbitraire autant qu’incompréhensible. Mais la grève des électeurs exprime aussi le dégoût d’une campagne politique qui a pataugé dans les bas-fonds de (…)Lire la suite »
François Ruffin est tombé récemment sur un sujet de bac en sciences économiques conçu pour les candidats libres, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent, pour diverses raisons, suivre les cours en lycée : « Á l’aide de vos connaissances du dossier, vous montrerez que les politiques de flexibilisation du marché du travail permettent de lutter contre le chômage structurel. »
On note que ce sujet ne pose pas une question mais demande de justifier une affirmation (zum Befehl !). Tout aussi scandaleusement tendancieuse eût été la proposition inverse : « Á l’aide de vos connaissances du dossier, vous montrerez que les politiques de flexibilisation du marché du travail contribuent à l’aggravation du chômage structurel. »
François Ruffin qui, comme le banquier éborgneur est amiénois, a fait ses études au collège-lycée confessionnel La Providence à Amiens. Je suis toujours amusé de voir des enfants issus de milieux pas foncièreme catholiques étudier « chez les curés », comme on disait de mon (…)Lire la suite »
Il m’a été donné récemment d’assister en visio-conférence à un conseil de classe dans un très bon lycée de France, la classe étant elle-même une terminale scientifique d’un excellent niveau.
Pour la nième fois, je pus entendre, de la part du corps professoral, des récriminations parfaitement fondées contre Parcoursup. Parcoursup remplaça l’application APB (Admission Post Bac) à laquelle il avait pu être reproché dans certains cas le tirage au sort des candidats.
Le baccalauréat fut longtemps un grade universitaire d’État, le premier d’une suite pouvant déboucher sur le doctorat. Jusqu’au début du XXe siècle, l’examen des candidats était effectué uniquement par des professeurs des facultés de lettres et sciences. Un titulaire du baccalauréat avait, de plein droit, accès à l’établissement universitaire de son choix. Des restrictions furent apportées avec, par exemple, les quotas en médecine et le respect plus ou moins contraignant de la carte scolaire.
Le banquier éborgneur et (…)Lire la suite »
Serge Halimi prend la défense de Gaza et de son « peuple debout : « Depuis quinze ans, Gaza a subi cinq expéditions punitives : 2006 (« Pluie d’été ») ; 2008-2009 (« Plomb durci ») ; 2012 (« Pilier de défense ») ; 2014 (« Bordure protectrice ») ; et 2021 (« Gardien des murailles »). Israël a choisi ces noms pour mieux maquiller les assaillants en assiégés. Et, depuis quinze ans, les mêmes personnages débitent les mêmes slogans pour légitimer les mêmes châtiments. Car le déséquilibre des moyens engagés rend le terme de « guerre » inapproprié. D’un côté, une des armées les plus puissantes et les mieux équipées du monde, qui dispose de l’appui sans limites des États-Unis, qui soumet ses adversaires à un blocus terrestre et maritime de chaque instant. En face, pas un char, pas un avion, pas un navire, pas de soutien (autre que verbal) d’une seule capitale. Il fallait par conséquent tout l’aplomb d’un ambassadeur israélien en France pour reprocher aux Palestiniens « l’un des crimes de (…)Lire la suite »
Les radicalismes religieux : désislamiser le débat. Paris : Robert Laffont, 2020.
« Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas ». Si cette phrase ne figure dans aucune des œuvres publiées de Malraux, elle a fondé une part de la série télévisée qui lui a été consacrée par Claude Santelli et Françoise Verny : “ La Légende du siècle (1972-1973) ”. Il s’agissait d’un espoir prophétique et visionnaire. Malraux laissait entendre qu’entre le retour du religieux, la vogue des sectes, la quête de sens et d’éternité, toutes les voies, individuelles ou collectives, seraient possibles comme antidote au matérialisme sous toutes ses formes.
Le problème est que nous n’en sommes plus là : le XXIe siècle n’est pas religieux : il est radicalement religieux car l’extrémisme a imposé ses paradigmes. Dans un monde qui s’est dangereusement radicalisé, seuls les athées et les agnostiques sont silencieux, réfléchis, ouverts, non dogmatiques. Les religieux, pour leur part, n’y sont jamais allés avec le dos de la cuiller, ce depuis des siècles. Les Français se souviennent à juste (…)Lire la suite »
Serge Halimi s’étonne que, dans la perspective de l’élection présidentielle, la politique étrangère n’intéresse plus personne : « Que l’on souhaite ou non une alliance de la gauche et des écologistes en vue de l’élection présidentielle française de l’année prochaine, les termes de ce débat ont confirmé l’analphabétisme géopolitique de la plupart des journalistes. Car, à supposer qu’aucune divergence de politique économique et sociale n’interdise aux formations situées à gauche de M. Emmanuel Macron de faire front commun contre lui dès le premier tour du scrutin, peut-on en dire autant pour la politique étrangère ? Le plus étonnant est que cette question n’ait intéressé personne. Les rapports avec les États-Unis, la Chine, la Russie ; la politique de la France au Proche-Orient, en Afrique, en Amérique latine ; la force de frappe ? Aucun de ces sujets ne semble avoir été abordé par les dirigeants de gauche lors de leur rencontre du 17 avril dernier. Mais, loin de s’en montrer (…)Lire la suite »
Enquête inédite sur un attentat oublié. Bruxelles : Investig’Action, 2021.
Preuve, s’il en est encore besoin, qu’un événement n’existe que s’il est couvert par les médias dominants.
Le 4 mars 1960, le cargo français La Coubre, chargé de diverses marchandises, dont des armes belges, explose à La Havane. Des corps sont projetés dans tous les sens, jusqu’à 300 mètres. Fidel Castro, son frère Raoul, le président de la nation Osvaldo Dorticos d’autres dirigeants se précipitent sur les lieux. Une deuxième explosion, tue davantage que la première. 70 personnes meurent, dont 6 marins français. Le lendemain, Castro déclare que la bombe n’a pas été placée à Cuba.
Les médias français n’ont quasiment rien dit de ce drame. Le gouvernement français y a prêté une attention distraite.
Cuba, sa jeune révolution, voulaient cet armement. Castro et les siens savaient qu’un plan secret visait à déstabiliser le régime, sous la férule d’Alan Dulles, directeur de la CIA et frère du secrétaire d’État John Foster Dulles. Les Dulles, une famille de hauts dirigeants depuis (…)Lire la suite »