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Des enseignants français inféodés au capitalisme financier

François Ruffin est tombé récemment sur un sujet de bac en sciences économiques conçu pour les candidats libres, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent, pour diverses raisons, suivre les cours en lycée : « Á l’aide de vos connaissances du dossier, vous montrerez que les politiques de flexibilisation du marché du travail permettent de lutter contre le chômage structurel. »

On note que ce sujet ne pose pas une question mais demande de justifier une affirmation (zum Befehl !). Tout aussi scandaleusement tendancieuse eût été la proposition inverse : « Á l’aide de vos connaissances du dossier, vous montrerez que les politiques de flexibilisation du marché du travail contribuent à l’aggravation du chômage structurel. »

François Ruffin qui, comme le banquier éborgneur est amiénois, a fait ses études au collège-lycée confessionnel La Providence à Amiens. Je suis toujours amusé de voir des enfants issus de milieux pas foncièreme catholiques étudier « chez les curés », comme on disait de mon temps. Mais, dans La Distinction, Bourdieu nous a expliqué tout cela en 700 pages. Laurent Delahousse, Jean-Paul Delevoye, Gilles de Robien, Wallerand de Saint-Just ont traîné leur fond de culotte dans ce prestigieux établissement sur les traces fictives du chevalier des Grieux dans Manon Lescaut et celles bien réelles du, pour sa part, très catholique Maréchal Leclerc de Hautecloque.

Feignant, j’imagine, l’innocence, Ruffin demande si c’est le banquier éborgneur qui choisit les sujets du bac. C’est plus grave que cela. Le banquier n’a pas à donner d’ordre, comme dans une dictature vulgaire. Désormais, les fonctionnaires anticipent. Un sujet de bac est mis au point par une commission d’enseignants qui transmet à l’Inspection générale le produit de ses réflexions par la voie hiérarchique. L’horreur banquière citée ci-dessus a été élaborée, connue, remaniée par une bonne dizaine de personnes avant d’atterrir sous les yeux des candidats.

On peut parler d’une Bérézina dans l’École de la République.

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COMMENTAIRES  

15/06/2021 11:40 par Buffaud

ça n’est pas exceptionnel, j’ai souvenir que mon fils a travaillé sur un devoir d’éco sur le même thème, ça devait être en première ou en terminale.

15/06/2021 16:54 par DuGNu

Il suffit de constater quelle doxa est imposée au sein du département économie à l’Université par son illustre "nobelisé" Jean Tirole (demandez-lui donc ce qu’en pense l’exilé en Philosophie Frédéric Lordon) pour ne pas s’étonner de la voir ruisseler aux étages inférieurs de l’enseignement secondaire ...

C’est ça le ruissellement : la merde déversée en haut lieu ruisselle vers le bas... phénomène gravitaire socio-hiérarchique.

15/06/2021 16:56 par cunégonde godot

Les fonctionnaires enseignants ont adhéré massivement à l’horreur banquière (l’UE) depuis une bonne trentaine d’années. La "bérézina" ne date pas d’hier donc...

15/06/2021 22:38 par etiennes

il serait intéressant de voir comment réagiraient les enseignants qui ont conçu le sujet s’ils/elles étaient confrontés à cette flexibilité du travail : en viendrait-ils/elles à proposer un tel sujet ?

15/06/2021 22:46 par T 34

Autre exemple, en espagnol l’épreuve du BAC de 2012 était aussi de la propagande anticubaine.

De la propagande anti-cubaine jusqu’au baccalauréat : Les enseignants et associations de solidarité avec Cuba s’insurgent

15/06/2021 23:57 par Yannis

Dans une méthode de FLE, français langue étrangère, on trouve aussi cette perle :

Quí est Carlos Ghosn ?

Carlos Ghosn est un grand PDG (Président Directeur Général) français

(...)

Il est divorcé et il a 3 enfants. Aujourd’hui il partage son temps entre la France et le Japon.

Questions de compréhension écrite :

Dans la vie de Carlos Ghosn, dites ce que vous trouvez... surprenant / intéressant / admirable

Entre Nous, niveau A1, p. 43 - Édition maison des langues, édition 2015

Dans le monde d’avant, on mettait en avant les artistes, chanteurs, acteurs, hommes et femmes de lettre, scientifiques...

Désormais la crême de la crime !

16/06/2021 07:51 par gusdecambrousse

ah bon ? l’école est occupé par un ramassis de jean-foutre pas foutu de comprendre quoi que ce soit au monde réel ?
ah bon ? On y apprends la doxa officielle ?
ah bon ? En terminale la culture de la critique est nulle et non avenue ?
ah bon ? En terminale on a eu en tout et pour tout une heure de cours sur les syndicats français ?

C’est inouï ..........

16/06/2021 09:12 par chb

Bien aidée par le prétexte Covid, l’organisation (?) chaotique des épreuves du bac aggrave la Bérézina, de même que les nouveaux programmes aussi ridicules qu’infaisables du fait de la réduction d’heures de cours disciplinaires.
Le plus cynique dans la gestion Blanquer, c’est que les profs eux-mêmes sont mis en situation de se sentir responsables de la décrépitude. De quoi leur faire accepter une destruction totale de l’éducation nationale, et donc une réduction ’drastique’ du nombre de fonctionnaires, alors que le volet DRH des rectorats enfle sur un mode d’entreprise privée et que les syndicats en chute libre perdent leurs derniers moyens de contrôle. Vous aviez dit capitalisme financier ?

16/06/2021 10:28 par J.J.

On peut parler d’une Bérézina dans l’École de la République. depuis 1959 et mon général, situation aggravée, par des Blanquer (avec lui, on sait à qui on a affaire), mais aussi des Bayrou(béni soit qui mal y pense), des Lang, des Charasse et autres FC.

16/06/2021 13:29 par taliondachille

Ah mes pauv’ agneaux, si ça ne concernait que le BAC et l’économie... Il y a bien longtemps que tous les sujets de CAPES et de Brevet des collèges sont vérolés en histoire/géo et en SVT. On ne recrute que des profs conformes à la doxa et ces mêmes profs pondent les sujets, le tour est joué !
Essayez de démonter le "développement du râble" auprès d’un prof de SVT, ou de parler du "Choix de la défaite" à un prof d’histoire, attendez vous à des répliques navrantes.
Une des rares matières où l’on peut garder la tête haute est l’éducation musicale, la chanson engagée n’étant pas encore interdite dans les programmes et où l’étude des musiques afro-américaine permet d’introduire Howard Zinn.
On a les résistances que l’on peut.

16/06/2021 16:08 par Gege

Ce n’est qu’à moitié surprenant, quand on sait que que l’immense majorité des professeurs d’économie sont convaincus que l’économie est une science . On connaît la fable appelée la théorie de l’homo economicus et celle de la main invisible du marché , qui ne sont en réalité que de purs abstractions spéculatives . On sait également que l’immense majorité d’entre eux ont été formé à la doxa qui règne en maître absolu dans l’enseignement supérieur , en économie . Ils sont convaincus que les choix fait en économie sont le résultat indiscutable d’équations , de courbes, et de calculs mathématiques, alors que ces choix relèvent avant tout de choix politique.

17/06/2021 11:00 par Assimbonanga

Macron n’aura pas laissé un centre pompidou, ni une pyramide du Louvre mais un grand oral du bac, n’est-ce pas prodigieux dans l’ordre des Bérézina ?
Quel est l’objectif de ce machin ? Pavaner ? Démontrer son culot, son esbroufe, sa tchatche, sa compétence au one man show comme notre Président lauréat de théâtre qui a épousé sa prof de mise en scène ?
Si encore ça portait sur un sujet imposé, connu de tous et appartenant soit aux math soit aux sciences, ça ferait au moins une occasion d’approfondir un chapitre du programme sans se sentir piégé par la matière. L’ayant travaillée tous ensembles toute une année, il ne resterait comme trouille que celle de l’oraliser.
Mais non ! C’est l’élève qui choisit son thème ! Ça va encore creuser l’inégalité entre les catégories sociales selon que tu pars en vacances en voilier ou que tu zones dans la cage d’escalier.

@JJ, vous mettez dans le même sac Blanquer avec Charrasse et Lang ? Diantre, avec Blanquer, le saut qualitatif n’est-il pas au zénith ?

17/06/2021 11:15 par Assimbonanga

La seule chose sérieuse de nos jours, c’est les écoles de commerce, bande de niais ! Atterrissez ! Donc, pour engrainer ces écoles commerciales de commerce, il faut un peu de labourage de crâne dès les petites classes, au collège. Ça doit dater du temps de Sarko, ce n’est pas si vieux. On a remplacé les réunions de coopérative scolaire par des cours sur le fonctionnement du capitalisme et ça a beaucoup plu. On t’apprenait à faire de l’actionnariat, à gagner des actions avec des vrais sous, à vendre des objets plastiques inutiles aux membres de ta famille pour dégager un bénéfice. C’était vraiment très attrayant. L’élève adorait. Surtout que c’était difficile de lui refuser d’acheter un "moyen pédagogique" demandé par un prof !
Le génie des écoles commerciales de commerce ? C’est qu’elles sont le produit. Il faut payer pour y entrer, faire un emprunt même, c’est top ! Aux journées portes ouvertes, tout le staff, directeur en tête, se défonce pour te faire reluire la marchandise, le confort, le standing, la salle de sport, voir le spa, et la myriade de débouchés professionnels... que tu ne retrouves pas forcément à la sortie mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient, c’est la base de l’apprentissage !
Donc, tout ça est une Eglise et tout le clergé doit être de mèche sinon ça la foutrait mal.

19/06/2021 08:46 par Danael

La domination du discours bourgeois dans le contenu éducatif des élèves ne date pas d’hier. Il a toujours été plus ou moins présent dépendant des résistances à l’autre bout. Les nouvelles technologies ont sans doute donné des ailes à ce discours qui s’impose comme une religion aujourd’hui . Mais là n’est pas le sujet le plus important. La question est : à qui la faute quand on s’est endormi pendant des années dans l’enfumage d’une gauche de droite et qu’on continue dans la soumission politique par le vote du non-sens ?

20/06/2021 16:42 par cunégonde godot

tiennes :
il serait intéressant de voir comment réagiraient les enseignants qui ont conçu le sujet s’ils/elles étaient confrontés à cette flexibilité du travail : en viendrait-ils/elles à proposer un tel sujet ?

ils/elles se mettraient à pleurnicher, comme d’hab... et voteraient pour les mêmes "progressistes" à la première occasion. Les braves gens...

25/06/2021 08:31 par Auguste Vannier

Le Projet neo-ibéral est de transformer le monde en marché, c’est à dire de tout mercatiser puis marchandiser.
La santé c’est quasiment fait,
L’Education ça résiste mais tous les gouvernements s’y appliquent insidieusement ou brutalement selon l’ambiance et les circonstances. Jeune chercheur en Sciences de l’éducation, j’ai publié avec des collègues, en 1977(!), un ouvrage montrant comment l’organisation de la formation professionnelle continue sous forme d’un "marché de service" était un "cheval de troie" pour la privatisation/marchandisation de l’Education. Ambiance "libérale autoritaire" + Covid + numérisation des relations, on y arrive...

28/06/2021 19:48 par Autrement

D’autres enseignants français (du SNES) s’indignent des sujets ...de français, donnés cette année au Brevet par le Ministère (car c’est Lui le vrai grand coupable, celui qui impose ses conditions et son idéologie ! Et tout montre quotidiennement qu’il n’est pas du tout facile - et d’ailleurs pour la classe ouvrière aussi bien que pour les intellos - de ne pas s’en laisser imbiber...) : Brevet 2021 : une épreuve de français honteusement fantastique !

Le Ministère avait occulté l’examen du Brevet des collèges au moment de prononcer certains aménagements d’épreuves pour la session de juin 2021, comme le dénonçait le SNES-FSU, fin mai. Mais comment se douter que le DÉNI (un de plus, c’est moi qui mets en majuscules) des perturbations liées à la situation sanitaire irait aussi loin ?

Lire Frédéric Lordon, qui pose clairement la question de "la santé mentale des dirigeants. (...) Un Chirac, par exemple, avait le mensonge délibéré, conscient, éhonté, presque joyeux. Mais il s’agit désormais de tout autre chose : de psychés déréglées qui forclosent la réalité pour lui substituer un monde de mots valant réalité" (Figures du communisme, p. 211).
Ah, la belle et bonne carte de France en bleu et rose !

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