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Auteur : Bernard GENSANE

Les mots des patrons

Bernard GENSANE

Une jeune nageuse discute avec son entraîneur avant une compétition :

—  Je voudrais nager le 200 papillon plutôt que le 200 nage libre.
—  C’est toi qui décides. Il faut voir si ton choix entre dans le cadre de ton projet.
—  Bien, ce sera le pap.

Dans cette discussion, technique, ces deux personnes, unies comme les cinq doigts de la main, étaient dites par le discours dominant (Oswald Ducrot, Le dire et le dit), aujourd’hui celui du capitalisme financier. En effet, tout ce que nous disons (le dit) n’est – à de rares exceptions près – qu’une reprise, une paraphrase, un commentaire d’une superstructure qui nous dépasse, qui nous englobe, le dire. Toute énonciation étant polyphonique. Ici, la nageuse se retrouvait face à elle-même : si elle ratait son coup, la faute serait sienne ; si elle réussissait, une partie de son succès rejaillirait sur son entraîneur. Et puis, surtout, elle était victime d’un concept popularisé ad nauseam par le banquier éborgneur et emmerdeur lors de son dernier discours de campagne en 2017, de manière hysrérique dans la forme mais très réfléchie quant au fond : le projet. Dans l’idéologie et la pratique du capitalisme financier, le projet a recouvert le programme. La gauche et une partie de (…) Lire la suite »

Pourquoi j’aime Anatole France

Bernard GENSANE
Lisez, ou plutôt, écoutez ceci : « Vers 1650 résidait sur ses terres, entre Compiègne et Pierrefonds, un riche gentilhomme, nommé Bernard de Montragoux, dont les ancêtres avaient occupé les plus grandes charges du royaume ; mais il vivait éloigné de la Cour, dans cette tranquille obscurité, qui voilait alors tout ce qui ne recevait pas le regard du roi. Son château des Guillettes abondait en meubles précieux, en vaisselle d'or et d'argent, en tapisseries, en broderies, qu'il tenait renfermés dans des garde meubles, non qu'il cachât ses trésors de crainte de les endommager par l'usage ; il était, au contraire, libéral et magnifique. Mais en ces temps-là les seigneurs menaient couramment, en province, une existence très simple, faisant manger leurs gens à leur table et dansant le dimanche avec les filles du village. Cependant ils donnaient, à certaines occasions, des fêtes superbes qui tranchaient sur la médiocrité de l'existence ordinaire. Aussi fallait-il qu'ils tinssent beaucoup (…) Lire la suite »
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Le Monde Diplomatique (mars 2022)

Bernard GENSANE
Dans son éditorial, Serge Halimi dénonce la marche forcée de la numérisation, qu’il qualifie de maltraitance institutionnelle : « Conduite à marche forcée, la numérisation de l’accès aux services publics s’applique désormais à des démarches aussi indispensables qu’une demande d’état civil, le règlement d’un impôt, l’obtention d’un permis de séjour. Pourtant, l’obligation de recourir à Internet dans ces domaines et dans beaucoup d’autres liés à la vie quotidienne (voyages, réservations, tenue de comptes) réclame un effort particulier de ceux qui sont les moins en mesure de le fournir, faute du matériel requis, des savoirs informatiques, d’une assistance des proches. Pour eux, la « start-up nation » de M. Emmanuel Macron s’apparente à une peine d’exil dans leur propre pays. Dès les premiers mots du rapport qu’elle consacre au rôle croissant du numérique dans la relation entre l’administration et ses usagers, la défenseure des droits Claire Hédon donne le ton : « Dans les (…) Lire la suite »

Le Monde Diplomatique, janvier 2022

Bernard GENSANE
Un dossier remarquable sur « la gauche qui perd « : « Pour la gauche européenne, c’est l’hiver. Loin des espoirs suscités par leurs débuts, les nouvelles formations critiques envers la social-démocratie, Podemos en Espagne et Die Linke en Allemagne, sont elles aussi affaiblies, tandis qu’en Italie la disparition du Parti communiste, en avril 1991, a laissé le camp progressiste sans boussole . Incapable d’écouter les aspirations populaires et de tirer profit du mécontentement général, la gauche s’enferme souvent dans un discours où le pathos le dispute à la mièvrerie. Elle espère ainsi rassembler grâce à une rhétorique consensuelle des groupes sociaux que dorénavant tout sépare. On a tort de considérer comme acquis, incontournable, le célèbre logiciel Pronote qui a révolutionné la vie des élèves, et aussi des enseignants (Luvie Tourette) : « Utilisé dans plus de deux établissements du second degré sur trois, le logiciel de gestion de la vie scolaire Pronote rend bien des services (…) Lire la suite »
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Le Monde Diplomatique, décembre 2021

Bernard GENSANE
En Irak, Laurent Perpigna Iban observe le retour de Daech : Profitant d’un vide sécuritaire dans les territoires disputés entre l’État central irakien et le Gouvernement régional du Kurdistan, d’une situation socio-économique largement dégradée et des rancœurs provoquées par la toute-puissance des milices chiites, l’Organisation de l’État islamique (Daech) renaît de ses cendres, et sa guérilla s’amplifie dans le centre de l’Irak. Benoit Bréville nous emmène de de Minsk à Calais : Monsieur Vladimir Poutine a mis au point une machination si sophistiquée que France Inter a offert deux chroniques successives à son éditorialiste vedette pour en démêler les ficelles (1). À en croire Thomas Legrand, la crise qui a opposé Minsk et Varsovie, c’était la faute du président russe ! Il s’agissait en fait d’« une opération montée de toutes pièces par le dictateur Alexandre Loukachenko (…) avec la complicité de Damas et sous le patronage évident de Moscou » — certains ajoutent parfois (…) Lire la suite »

Un "projet" du banquier éborgneur : détruire la Fonction publique par le haut

Bernard GENSANE
Le banquier éborgneur précarise à la base à tour de bras. D’innombrables emplois qui bénéficiaient du statut des trois fonctions publiques (d’État, territoriale, hospitalière) perdent ou ont perdu ce statut – comme à La Poste – tandis que sont précarisés des travailleurs relativement protégés parce que responsables d’une mission de service publique – comme à la SNCF. Mais afin de faire passer toute la Fonction publique française dans le moule de l’entreprise privée, le banquier éborgneur et ses complices de LAREM ont trouvé judicieux de s’attaquer à la haute fonction publique. D’où la réforme de l’École Nationale d’Administration (ENA) pensée comme une réforme de l’État. Cette réforme de la haute fonction publique a pour embryon la création d’un Institut national du service public se substituant à l’ENA. Cet institut sera placé sous la tutelle du Premier ministre et du ministre de la Fonction publique. Il assurera la formation des futurs hauts fonctionnaires dénommés « (…) Lire la suite »

Le Monde Diplomatique (novembre 2021)

Bernard GENSANE
Dans son éditorial du Monde Diplomatique de novembre 2021, Serge Halimi explique comment la Grèce est redevenue exemplaire : « Athènes vient d’offrir un Noël anticipé à ses armées : vingt-quatre avions de combat Rafale et trois frégates dernier cri, en attendant des F-35 et des hélicoptères Sikorsky, sans oublier drones, torpilles et missiles. Les officiers grecs ne seront pas seuls à la fête puisque des groupes d’armement français, Dassault en particulier, comptent au nombre des principaux fournisseurs d’Athènes. Il y a six ans pourtant, les autorités européennes et le Fonds monétaire international (FMI) — la « troïka » — imposaient leur férule à un pays ruiné, asphyxié, ravalé au rang de protectorat. Ils passaient la moindre de ses dépenses à la paille de fer afin de contraindre la Grèce à rembourser une dette dont même le FMI admettait le caractère « insoutenable ». Encouragée par l’Allemagne, la « troïka » s’était acharnée contre les dépenses sociales. S’ensuivirent des (…) Lire la suite »

RIP Hubert Germain

Bernard GENSANE
Il était le dernier survivant des compagnons de la Libération. Il est décédé le 12 octobre 2021 à Paris. On doit s’incliner devant le grand courage de celui qui fut un jeune et héroïque résistant et combattant de la France libre. Si la France en avait compté davantage, la guerre eût été moins longue. Mais je ne serais pas celui que je suis si j’en restais là. Fils de général, Hubert Germain fut député et ministre gaulliste. Proche de Messmer, ce qui est tout dire. Pour les gens de ma génération, il fut surtout le plus extraordinaire godillot de De Gaulle, fanatique comme ce n’était pas permis. Il s’illustra en particulier en mai 1968 en invectivant à qui mieux-mieux les étudiants et travailleurs en lutte. Sans parler de la période durant laquelle il fut un ministre des Postes et Télécommunications très hostile aux salariés (ceux du tri faisaient un “ travail idiot ”, avait-il dit un jour), et une des chevilles ouvrières de l'“ autonomie ” de La Poste. Il fut également très (…) Lire la suite »

Le Monde Diplomatique, octobre 2021

Bernard GENSANE
Serge Halimi estime que l'empire étasunien ne désarme pas :"Les États-Unis ne restent jamais humbles longtemps. Un mois après leur déroute afghane, l’ordre impérial est rétabli. La gifle que Washington vient d’infliger à Paris en témoigne. Un mois ? Même pas. À peine les talibans venaient-ils de s’emparer de l’aéroport de Kaboul que les néoconservateurs ressortaient de leurs tanières. L’Occident avait « perdu l’Afghanistan » ? Il fallait donc qu’il réaffirme sa présence partout ailleurs pour faire comprendre à ses rivaux stratégiques, la Chine et la Russie en particulier, qu’il ne reculerait pas devant le prochain combat. « La guerre n’est pas finie, résuma le sénateur Mitt Romney, ancien candidat républicain à l’élection présidentielle. Nous sommes plus en danger qu’avant. Et nous allons devoir investir davantage pour garantir notre sécurité. » Après avoir répandu le chaos au Proche-Orient, les États-Unis tournent donc leur regard vers le Pacifique et dirigent leur marine contre (…) Lire la suite »

Du rififi au jury du prix Goncourt

Bernard GENSANE, Maxime VIVAS
M’est avis qu’il y aurait comme du rififi au jury du prix Goncourt. Siège dans ce jury la romancière Camille Laurens, qui aime les jurys puisqu’avant le Goncourt elle a fait partie pendant douze ans du Femina. Dans la vie, Camille est la compagne de François Noudelman, l’un des 16 écrivains sélectionnés pour l’emballage final. On évoque donc un conflit d’intérêts. Il se trouve que j’ai bien connu François Noudelman lorsque, il y a une trentaine d’années, il a été recruté comme maître de conférences de philosophie à l’université de Poitiers. Brillant, et en même temps discret, modeste. Un peu trop turbo-prof, malheureusement. Il a ensuite enseigné comme professeur aux universités de Paris VIII et New York. Il a donné la pleine mesure de son talent comme directeur de la Maison française de l’université de New York et comme producteur à France Culture. Les ouvrages de Noudelman sur la littérature et la philosophie sont traduits dans une douzaine de langues. Je peux vous assurer que (…) Lire la suite »