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Auteur : Bernard GENSANE

Nâzim Hikmet

Poésie et exil (29)

Bernard GENSANE
Nâzim Hikmet fut le plus grand poète turc du XXe siècle, inconnu dans son pays de son vivant, ses œuvres étant interdites. Nâzim Hikmet est né à Salonique en 1902, dans une famille de hauts fonctionnaires de l’Empire ottoman. Avec une grand-mère polonaise du côté maternel, un grand-père gouverneur d’Alep, féru de poésie, et une mère artiste, pétrie de culture française, le jeune Nâzim avait tout pour réussir une brillante carrière. Il a passé près de la moitié de sa vie d’adulte dans les prisons turques, et pratiquement le reste du temps en exil à Moscou, ou en voyages à travers le monde. Déchu de sa nationalité, il mourra à Moscou en 1963, à lâge de 61 ans, citoyen polonais. L’année suivante ses poèmes sont publiés en Turquie, après 28 ans d’interdiction. Mais il faudra attendre 2009 pour que la nationalité turque lui soit rendue. Les heures de Prague Dans Prague tandis que blanchit l’aube La neige tombe, liquide, d’un gris de plomb. Dans Prague doucement s’éclaire le (…) Lire la suite »

L’affaire Profumo/Keeler, ou quand la presse britannique prit le virage du fouille-merdisme

Bernard GENSANE

(ou du déterrage de scandales, en anglais muckraking).

Quand je suis tombé sur la photo ci-dessous, j’ai été sidéré. Quoi ! Cette mémé de 70 ans, anonyme et ordinaire dans un parking de supermarché, avait fait trembler la couronne britannique au début des années soixante, avait poussé un ministre important à la démission, avait causé indirectement le suicide d’un médecin huppé qui avait été son ami, avait contribué à la défaite du parti conservateur lors des élections législatives de 1963 !

Je me souviens de cette affaire comme si c’était hier. J’avais 15 ans, elle en avait 21. Mannequin et danseuse, elle était plus qu’aguichante. Elle avait fait tourner la tête du ministre de la Défense John Profumo, marié à la célèbre actrice Valérie Hobson qui avait choisi de mettre un terme à sa belle carrière en 1953 après un dernier rôle dans Monsieur Ripois aux côtés de Gérard Philippe. Keeler (une tueuse, killer, ha ! ha !) est née en 1942 dans une famille très modeste du centre de l’Angleterre. Enfant, elle vit avec sa mère et son beau-père dans deux wagons désaffectés. À 15 ans, elle est employée comme mannequin dans un magasin de vêtements de Soho à Londres. À 17 ans, elle accouche d’un fils conçu avec “ Jim ”, un sergent étasunien en garnison près de Farnborough. Elle tente d’avorter par ses propres moyens. L’enfant naît prématuré et ne survit que six jours. Elle monte à Londres, travaille comme serveuse dans un bar puis danseuse aux seins nus dans un cabaret où elle (…) Lire la suite »

Le Monde Diplomatique (octobre 2014)

Bernard GENSANE
Serge Halimi souhaite que la presse s’émancipe : « La presse française nourrit-elle d’autres projets que ceux de réduire ses effectifs et de chercher son salut loin du journalisme ? Une telle orientation paraît sans issue, alors que l’ambition éditoriale continue de représenter une destination d’avenir. Le 20 août 2013, Libération chercha à relancer sa diffusion flageolante grâce au slogan promotionnel suivant : « Quand tout va vite, une seule solution : aller plus vite encore. » Une mauvaise solution, apparemment. Un an plus tard, les ventes du journal poursuivaient leur dégringolade, et ses dirigeants annonçaient la suppression de plus du tiers des effectifs du quotidien. Dans le même temps, ils exigeaient que les rescapés produisent davantage de « contenus » avec moins de journalistes. Les rebelles éventuels étaient mis en garde par le nouveau directeur général Pierre Fraidenraich : « C’est ça ou la mort. Ce sera sans doute l’un et l’autre. » Lamia Oualalou voit les (…) Lire la suite »

Leonard Cohen par lui-même, Jean-Dominique Brierre et Jacques Vassal

Bernard GENSANE

Depuis une bonne quarantaine d’années, Brierre et Vassal ont publié (ensemble ou séparément) un nombre impressionnant d’ouvrages sur la chanson d’expression française, mais aussi bretonne et anglo-américaine. Des livres d’éminents spécialistes. J’ai ainsi rendu compte de la somme qu’a consacrée Jacques Vassal à Brassens ici.

Ils nous offrent avec ce Leonard Cohen par lui-même, un travail chaleureux et exigeant, par le biais de l’œuvre de ce très grand artiste qu’ils suivent et connaissent personnellement depuis plusieurs décennies. Les avantages de ce type d’approche d’un créateur « par lui-même » sont connus : fidélité, accès aux sources, rendu de la richesse et de la complexité d’une œuvre dont on prend en compte le paratexte (correspondance, entretiens, esquisses). Les limites vont de soi : une empathie qui empêche parfois la distance critique, des affirmations prises pour argent comptant. Brierre et Vassal sont parfois victimes de leur trop grande affinité avec l’auteur de “ Suzanne ”, mais ce n’est pas bien grave, eu égard à leur connaissance encyclopédique du sujet et à leur très grande expérience du monde de la chanson. C’est peut-être le poète canadien Irving Layton, mentor de Cohen, qui a le mieux exprimé le souffle créatif de l’auteur d’“ Allelujah ” : « Ses chansons les plus expressives (…) Lire la suite »

Vaut-il mieux être jeune enseignant ou jeune chômeur ?

Bernard GENSANE

Dans la France de Sarkozy/Hollande, cette question n’est pas que rhétorique. Les conditions de travail, de vie, de statut des jeunes enseignants se sont considérablement dégradées depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, dans la perception du grand public, enfants inclus, un enseignant du secondaire vaut moins qu’une assistante sociale il y a vingt ans. Un professeur d’université jouit d’un statut bien inférieur à celui d’un instituteur en blouse grise après la Seconde Guerre mondiale. Mieux vaut travailler dans la com’ et vendre du vent.

Ci-dessous le témoignage d'un tout nouveau certifié. Juillet – je reçois mon affectation (rattachement administratif : collège XXXX, dans le 95) – ma demande avait été un lycée dans les Hauts de Seine (92) – J’ai 71 points (année stage + formation IUFM) et le vœu demandé dans le 92 est à 71 points. Je téléphone à l’académie de Versailles pour connaitre la raison pour laquelle mon vœu m’a été refusé, on me répond que j’ai fait un « vœu complètement surréaliste » et que j’ai donc été affecté dans un département proche du 92. Mi-juillet / début août – nombreuses recherches pour trouver un appartement – demande d’aide auprès de l’académie de Versailles pour trouver un logement : on me répond à côté puis on me demande mon adresse mail pour pouvoir m’envoyer de la documentation – je reçois un mail par la suite avec un bulletin d’adhésion (syndicat) mais toujours pas de réponse à la question du logement. Début août – je parviens à trouver des logements que je visite sur Paris – on (…) Lire la suite »
Avec un grand dossier sur la dette.

Les Zindigné(e)s n °17

Bernard GENSANE

Dans son édito, Paul Ariès revient sur le nouveau gouvernement Valls. Il y voit un « point de non retour », les Solfériniens ne pouvant pratiquer un double langage plus longtemps. Ironiquement, Ariès conclut : « Manuel Valls a raison : il faut changer le nom du parti socialiste ! »

Renaud Vivien estime que les programmes d’austérité sont « illégaux » : « La troïka dicte des mesures d’austérité en violation flagrante du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. » Par ailleurs, « les États, lorsqu’ils prennent des décisions au sein d’organisation internationales, sont tenus de respecter les traités de protection des droits humains. […] L’argument de l’état de nécessité lié à la crise pour justifier la suspension des engagements relatifs aux droits humains n’est pas un argument recevable. » Pour Renaud Duterme, la mythologie officielle selon laquelle « la croissance économique résout le chômage, la misère, la pauvreté, les inégalités entre personnes et peuples est une globaliverne. » Jérémie Cravatte brosse l’historique de la dette du Sud. « Depuis les années 1970 et leur prétendue indépendance, les pays du tiers-monde ont remboursé près de 100 fois le stock initial de leur dette extérieure publique. » Depuis, cette dette est passée de 45 milliards de (…) Lire la suite »

Les reniements de la social-démocratie, ou l’avenir à reculons

Bernard GENSANE

Deux données en passant :

le nombre de jeunes âgés de 25 à 35 ans se lançant dans la construction ou l’achat d’un logement a diminué de 10% en un an.

50% des auto-entrepreneurs n’auto-entreprennent actuellement rien ou quasiment rien. Il y a en fait 500 000 chômeurs partiels ou totaux de plus que ce que l’on veut bien nous dire.

Ce, dans un pays qui n’a jamais été aussi riche et qui, depuis 1981, aura été gouverné quinze ans durant par des sociaux-démocrates. Partout dans le monde, a fortiori en France, le curseur s’est déplacé à droite car les partis de droite se sont eux-mêmes déplacés vers l’extrême droite. Ce qu’avaient génialement envisagé les théoriciens du libéralisme économique à tout crin, puis leurs meilleurs élèves aux commandes, tels Margaret Thatcher ou Ronald Reagan. Dans un document de 1978, alors que le pouvoir de Giscard vacille, on voit Mitterrand dans une ville ouvrière du nord de la France, accueilli par une fanfare ouvrière qui joue “ L’Internationale ”. À la tribune, il s’exprime sur la planification, le programme de nationalisations à mettre en œuvre, « plus audacieux que celui du général De Gaulle ». Et puis on le voit chanter l’hymne de la révolution prolétarienne (19e minute), une rose à la main. Dans cinq ans, il choisira « L’Europe » – c’est-à-dire le capitalisme financier – (…) Lire la suite »
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Charlotte, de David Foenkinos

Bernard GENSANE

Quel incipit : « Charlotte a appris à lire son prénom sur une tombe » ! Charlotte Salomon, qui va vivre entourée de morts mystérieuses et qui mourra à vingt-six ans, accéda à son identité comme Vincent Van Gogh qui allait tous le dimanches avec ses parents s’incliner devant la tombe de son frère … Vincent Van Gogh.

Je n’ai jamais compris le léger mépris d’une certaine critique de gauche – style Inrocks – à l’égard de l’auteur de La Délicatesse qui ne voit en lui qu’un producteur de bluettes. Nous sommes en présence d’un des écrivains les plus intéressants qui soit. Dans les deux sens du terme : ce qu’il raconte vaut le détour et, par ailleurs, il sait nous intéresser. S’il se regarde beaucoup, ce n’est par pur narcissisme. J’avais relevé en 2011 à quel point il avait été capable de se décentrer, de se déporter pour imaginer une psychanalyse de John Lennon, lui qui avait six ans lorsque le Beatle mourut et qui n’a donc pas vécu l’allégresse collective culturelle des années soixante. Dans ma recension de son Lennon, j’écrivais ceci, qui est valable pour le présent roman : « Depuis le Flaubert de Sartre – ou encore le Fouché de Zweig, pour aller jusqu'à la vérité de l'autre, il faut aller au fond de soi-même, oser l'autre au sens où chaque ligne écrite est un danger pour soi. David Foenkinos (…) Lire la suite »

Un décret sarkozyste pour l’enseignement supérieur

Bernard GENSANE
Le décret n° 2014-997 du 2 septembre 2014 modifiant le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 définissant le statut des enseignants-chercheurs est paru. Il reprend les dispositions les plus scélérates des textes Sarkozy/Pécresse. En janvier 2014, un comité technique universitaire avait rejeté ce projet. Seuls le Sgen-CFDT et l'UNSA Sup Recherche s'étaient abstenus. Les autres syndicats avaient voté contre. Lors de cette réunion, les représentants du ministère affichèrent un mépris inouï à l'égard des délégués syndicaux. Je cite ici le témoignage de la CGT : “ La ministre qui est la présidente du CTU est absente et aucun représentant de son cabinet n’est présent. Elle est représentée par la DGRH qui a une connaissance parcellaire du métier d’enseignant-chercheur et des conditions réelles d’exercice dans les établissements. Les directives qu’elle a données à la DGRH et son absence empêchent toute discussion avec les organisations représentant les personnels concernés. Ce refus (…) Lire la suite »

Le Monde Diplomatique (septembre 2014)

Bernard GENSANE

Les vacances sont terminées. Au boulot. Avec ce numéro du Monde Diplomatique, il y a du grain à moudre !

Nous vivons une nouvelle guerre froide, pense Serge Halimi. En espérant qu’elle ne préfigure pas une nouvelle guerre tout court : En 1980, pour résumer sa vision des relations entre les Etats-Unis et l’Union soviétique, Ronald Reagan eut cette formule : « Nous gagnons ; ils perdent. » Douze ans plus tard, son successeur immédiat à la Maison Blanche, M. George Bush, pouvait se féliciter du chemin accompli : « Un monde autrefois divisé entre deux camps armés reconnaît qu’il n’y a qu’une seule superpuissance prééminente : les Etats-Unis d’Amérique. » Ce fut la fin officielle de la guerre froide. Cette période est à son tour révolue. Le glas a sonné le jour où la Russie en a eu assez de « perdre » et a mesuré que son abaissement programmé ne connaîtrait jamais de fond, chacun de ses voisins se voyant tour à tour attiré — ou soudoyé — dans une alliance économique et militaire dirigée contre elle. « Les avions de l’OTAN patrouillent les cieux au-dessus de la Baltique, nous avons (…) Lire la suite »