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Remarques du ministre des Affaires étrangères Sergey Lavrov, 19 mars 2022.

Remarques du ministre des Affaires étrangères Sergey Lavrov et réponses aux questions lors de sa rencontre avec les finalistes de la voie internationale dans le cadre du concours de management Dirigeants de Russie, Moscou, 19 mars 2022.

Chers amis,

Je tiens à vous saluer et à vous remercier de continuer à m’inviter, même si je préside le conseil de surveillance. Il est important pour moi de vous voir, d’écouter vos questions et de comprendre ce qui vous préoccupe dans cette période difficile.

Cette réunion a pour toile de fond les événements qui se déroulent actuellement en Ukraine. Le président russe Vladimir Poutine s’est longuement exprimé à plusieurs reprises sur les origines de cette crise. Je tiens à le répéter brièvement : il ne s’agit pas de l’Ukraine. C’est le résultat final d’une politique menée par l’Occident depuis le début des années 1990. Il était clair dès cette époque que la Russie n’allait pas être docile et qu’elle allait avoir son mot à dire dans les affaires internationales. Ce n’est pas parce que la Russie veut être un tyran. La Russie a son histoire, sa tradition, sa propre compréhension de l’histoire de ses peuples et une vision de la manière dont elle peut assurer sa sécurité et ses intérêts dans ce monde.

Cela est devenu évident à la fin des années 1990 et au début des années 2000. L’Occident a tenté à plusieurs reprises de freiner le développement indépendant et autonome de la Russie. C’est plutôt malheureux. Dès le début du ’règne’ du président Vladimir Poutine, au début des années 2000, nous étions ouverts à l’idée de travailler avec l’Occident de diverses manières, voire sous une forme similaire à celle d’une alliance, comme l’a dit le président. Malheureusement, nous n’avons pas été en mesure de le faire. Nous avons suggéré à plusieurs reprises de conclure des traités et de fonder notre sécurité sur l’égalité des droits, rejetant l’idée de renforcer la sécurité de l’un au détriment de l’autre.

Nous n’avons pas non plus été capables de promouvoir la coopération économique. L’Union européenne, qui montrait à l’époque quelques signes d’indépendance dans la prise de décision, est aujourd’hui devenue complètement dépendante de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord et des États-Unis. L’histoire de Nord Stream 2 a été le point culminant de ce changement. Même l’Allemagne, qui a défendu ses intérêts dans le projet jusqu’au bout, a été persuadée que le ’projet n’était pas dans son intérêt’. L’Allemagne et son peuple se sont fait dire quels étaient leurs intérêts par des gens de l’autre côté de l’Atlantique. De nombreux autres domaines internationaux ont été bloqués malgré notre engagement à coopérer étroitement sur une base égalitaire.

L’Occident ne voulait pas d’une coopération égale et, comme nous pouvons le constater aujourd’hui, il est resté fidèle à la ’volonté et au testament’ de Zbigniew Brzezinski qui disait qu’il ne fallait pas laisser l’Ukraine se ranger du côté de la Russie. Avec l’Ukraine, la Russie est une grande puissance, tandis que sans l’Ukraine, elle est un acteur régional. Nous comprenons qu’il s’agit d’une simple exagération. Mais cela correspond néanmoins à la philosophie et à la mentalité des dirigeants occidentaux. Aucun effort n’a été épargné pour transformer l’Ukraine en un instrument destiné à contenir la Russie. En une ’anti-Russie’, comme l’a dit le président Poutine. Il ne s’agit ni d’une métaphore ni d’une exagération.

Ce qui s’est passé pendant toutes ces années, c’est l’accumulation importante de menaces physiques, militaires, idéologiques et philosophiques pour la sécurité de la Fédération de Russie. La militarisation de l’Ukraine, à laquelle on a injecté des armes (y compris des armes d’assaut) pour plusieurs milliards de dollars au cours de ces années, s’est accompagnée de la nazification de toutes les sphères de la société et de l’éradication de la langue russe. Vous connaissez les lois qui ont été adoptées là-bas concernant l’éducation, la langue d’État et les peuples indigènes d’Ukraine et qui ne mentionnent pas les Russes. Ce n’est pas seulement la langue qui a été éliminée, mais tout ce qui était russe.

Ils ont interdit les médias de masse, qui diffusent depuis la Russie et transmettent en Ukraine. Trois chaînes de télévision ukrainiennes considérées comme déloyales envers le gouvernement actuel ont été fermées. Des bataillons néonazis portant les insignes des divisions SS d’Hitler ont organisé des défilés ; des processions aux flambeaux ont eu lieu avec un régiment présidentiel assigné comme escorte officielle ; des combattants ont été formés dans des camps par des programmes d’instructeurs des États-Unis et d’autres pays occidentaux. Tout cela s’est fait avec la connivence de l’Europe civilisée et avec le soutien du gouvernement ukrainien.

À mon grand regret et à ma grande honte, le président Zelensky a demandé comment il pouvait être un nazi s’il avait des racines juives. Il a tenu ces propos le jour même où l’Ukraine s’est démonstrativement retirée de l’accord sur la perpétuation de la mémoire du courage et de l’héroïsme des peuples des pays de la CEI pendant la Grande Guerre patriotique de 1941-1945. Lorsqu’il soutient personnellement les tendances que j’ai mentionnées, il est difficile de prendre au sérieux la politique des dirigeants ukrainiens. Tout comme au début de sa présidence, et même avant, lorsqu’il était une star de la scène et du feuilleton, il m’a assuré de toutes les manières possibles qu’il était impensable pour lui que l’on puisse porter atteinte à la langue russe. Nous en sommes donc là : la vie démontre ce que vaut la parole d’une personne.

Ces tendances accumulées ont pris une nouvelle forme après le coup d’État de février 2014. Malgré les garanties des pays de l’UE - France, Allemagne et Pologne - qui faisaient partie de l’accord entre l’opposition et le président ukrainien de l’époque, ils ont déchiré cet accord le lendemain matin, n’ont pas tenu compte des garanties, ont humilié les nations susmentionnées, et l’UE dans son ensemble, avant d’annoncer leur nouveau régime. Dans nos conversations avec nos partenaires occidentaux, notamment les Allemands et les Français, nous leur avons demandé comment ils pouvaient permettre que cela se produise. Nous n’avons cessé de répéter que vous aviez apporté des garanties à cet accord. Ils disent que cela s’est produit parce que Yanukovich a quitté Kiev. Oui, il l’a fait, mais il est parti à Kharkov pour prendre part au congrès de son parti. Oui, il a été confronté à un certain nombre de problèmes et n’a pas bénéficié d’un large soutien, mais il n’a jamais fui. Néanmoins, il ne s’agit pas de Ianoukovitch.

Le premier point de l’accord stipulait que le gouvernement d’entente nationale devait être établi en tant qu’étape intérimaire pour des élections présidentielles anticipées. Il est fort probable que le président de l’époque n’aurait pas gagné, et tout le monde le savait. Tout ce que l’opposition avait à faire était d’attendre et de respecter ce qu’elle avait accepté. Au lieu de cela, elle est immédiatement retournée à ’Maidan’. Ils ont saisi le bâtiment du gouvernement et ont dit : ’Félicitez-nous, nous avons créé un gouvernement de gagnants.’ Et c’est ainsi que leurs instincts se sont immédiatement manifestés. Des gagnants. Tout d’abord, ils ont exigé que la Verkhovna Rada abolisse tout privilège accordé à la langue russe. Et ce, malgré le fait que la langue russe était et est toujours inscrite dans la Constitution ukrainienne, qui déclare que l’État doit garantir les droits des Russes et des autres minorités ethniques. Ils ont exigé que les Russes quittent la Crimée parce qu’ils ne penseraient jamais comme des Ukrainiens, ne parleraient jamais l’ukrainien et n’honoreraient jamais les héros ukrainiens Bandera et Shukhevich. Ils ont envoyé des bataillons de combat et des ’trains de l’amitié’ dans cette péninsule pour prendre d’assaut le bâtiment du Conseil suprême. À ce moment-là, la Crimée s’est rebellée, et le Donbass a refusé d’accepter le coup d’État et a demandé qu’on le laisse tranquille. Mais ils n’ont pas été laissés tranquilles. Le Donbass n’a attaqué personne. Mais ils ont été déclarés terroristes et une opération antiterroriste a été lancée, avec l’envoi de troupes, sous les applaudissements de presque tout l’Occident. C’est à ce moment-là qu’il est devenu évident que des plans étaient prévus pour le rôle futur de l’Ukraine.

Le massacre a été arrêté au prix d’énormes efforts et grâce à la participation active de la Russie. Les accords de Minsk ont été signés. Vous savez ce qui leur est arrivé ensuite. Pendant sept longues années, nous avons essayé de faire appel à la conscience de ceux qui ont signé les accords, surtout la France et l’Allemagne. La fin a été tragique

Nous avons tenu plusieurs sommets et réunions à d’autres niveaux, et l’Ukraine, que ce soit sous Porochenko ou sous Zelensky, ne voulait tout simplement pas respecter les accords. Tout d’abord, ils ont refusé d’ouvrir un dialogue direct avec Donetsk et Lougansk. Nous avons demandé aux Allemands et aux Français pourquoi ils ne faisaient pas en sorte que leurs protégés s’assoient au moins à la table des négociations. La réponse a été qu’ils ne pensaient pas que les républiques étaient indépendantes, et que tout était de la faute de la Russie. Fin de la conversation.

Contrairement aux engagements qu’il a pris dans le cadre des accords de Minsk, à la fin de l’année dernière et au début de cette année, Kiev a commencé à renforcer ses forces le long de la ligne de contact pour atteindre 120 000 hommes. Contrairement aux accords de cessez-le-feu qui avaient été signés et violés à de nombreuses reprises auparavant, ils ont augmenté de façon spectaculaire leurs bombardements lourds, visant toujours les zones résidentielles. La même chose se produit depuis huit ans, avec plus ou moins d’intensité, dans le silence le plus complet de toutes les organisations internationales des ’droits de l’homme’ et des ’démocraties civilisées’ occidentales

Les bombardements se sont intensifiés au début de cette année. Nous avons reçu des informations selon lesquelles l’Ukraine voulait mettre en œuvre son plan B, dont elle menaçait depuis longtemps, à savoir prendre les régions par la force. Cette situation a été aggravée par l’obstruction de l’Occident à l’initiative de la Russie visant à conclure un accord sur une architecture de sécurité égale et indivisible en Europe. Le président Vladimir Poutine a présenté cette initiative en novembre 2021, nous avons rédigé les documents nécessaires et les avons transmis aux États-Unis et à l’OTAN en décembre 2021. Ils ont répondu qu’ils étaient prêts à négocier certaines questions, notamment les endroits où les missiles ne pouvaient pas être déployés, mais que l’Ukraine et l’OTAN ne nous regardaient pas. L’Ukraine se serait réservée le droit de faire appel pour adhérer à l’OTAN, qui délibérerait alors pour savoir si elle l’admet, et tout cela sans demander l’avis de qui que ce soit (ce qui finirait probablement par accorder l’adhésion de l’Ukraine). C’est l’essentiel de ce qu’ils nous ont dit.

C’est pourquoi, lorsque l’Ukraine a commencé ses bombardements, signe évident de préparatifs pour lancer une offensive militaire dans le Donbass, nous n’avions pas d’autre choix que de protéger la population russe en Ukraine.

Nous avons reconnu les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk. Le président Vladimir Poutine a répondu à leur demande en ordonnant le lancement d’une opération militaire spéciale. Je suis certain que vous suivez les événements et que vous savez que l’opération a mis en lumière nos pires craintes concernant les plans militaires de l’Ukraine et nous a aidés à les faire échouer.

Vous savez que des faits ont été découverts concernant un dangereux programme d’armes biologiques que le Pentagone a mené dans de nombreuses villes d’Ukraine. Maintenant que les forces armées russes ont eu accès à ces documents, les États-Unis tentent de brouiller les pistes. Nous allons nous battre pour que la vérité éclate au grand jour. Ces recherches sur les armes biologiques ne se limitent pas à l’Ukraine et sont menées dans plus de 300 laboratoires de différents pays, la plupart situés dans des pays de l’ancienne Union soviétique, le long des frontières de la Russie et de la République populaire de Chine.

Ce n’était pas notre choix. Nous avons vu comment l’attitude de l’Occident communiquait une vérité simple : si vous étiez russophobe, si vous étiez décidé à éradiquer les Katsaps et les Moskals (citation de déclarations d’hommes politiques ukrainiens) ; si vous dites que toute personne qui se considère comme russe et qui est citoyenne de l’Ukraine doit partir pour le bien de son avenir et de ses enfants (comme l’a dit le président Vladimir Zelensky en septembre 2021) ; si vous répondez docilement aux demandes de l’Occident de manière à irriter, déstabiliser et déséquilibrer constamment la Russie, alors vous avez le feu vert universel pour faire n’importe quoi.

La réaction hystérique sans précédent de l’Occident à notre opération militaire, la façon dont ils encouragent et se complaisent dans tout ce qui est anti-russe et anti-communautaire sont de bien tristes nouvelles. Je lis régulièrement des articles sur les mauvais traitements que subissent les Russes dans d’autres pays, y compris les citoyens de ces pays qui sont d’origine russe. Il semble que tout le monde puisse désormais exiger que ces personnes soient persécutées en Occident, même sur les médias sociaux. Je n’arrive pas à m’y retrouver.

Mais tout cela prouve une chose : le projet anti-Russie a échoué. Le président Vladimir Poutine a dressé la liste des objectifs de l’opération, dont le premier est d’assurer la sécurité des habitants du Donbass et le second d’éliminer les menaces croissantes que la militarisation et la nazification de l’Ukraine posaient à la Fédération de Russie . Lorsqu’ils ont réalisé que notre ligne politique avait contribué à contrecarrer leurs plans, ils ont littéralement pété les plombs.

Et pourtant, nous avons toujours soutenu les solutions diplomatiques à tous les problèmes. Au cours des hostilités, le président Vladimir Zelensky a proposé des négociations. Le président Vladimir Poutine a accepté. Les pourparlers sont en cours, même si la délégation ukrainienne a commencé par, comme on dit, faire semblant. Puis le dialogue a réellement commencé. Malgré cela, on a toujours le sentiment que la délégation ukrainienne est manipulée par l’Occident (très probablement par les Américains) et qu’elle n’est pas autorisée à accepter nos demandes, qui sont, à mon avis, le strict minimum. Le processus est en cours.

Nous restons ouverts à la coopération avec tous les pays, y compris les pays occidentaux. Cependant, étant donné la façon dont l’Occident s’est comporté, nous n’allons pas proposer d’initiatives. Voyons comment ils vont se sortir de cette impasse qu’ils se sont eux-mêmes imposée. Ils se sont mis dans cette impasse avec leurs ’valeurs’, les ’principes du marché libre’, les droits à la propriété privée et la présomption d’innocence. Ils ont piétiné tout cela.De nombreux pays commencent déjà à se creuser les méninges pour trouver des moyens de ’s’éloigner’ lentement du dollar dans les règlements internationaux. Regardez ce qui s’est passé. Et si demain, quelque chose d’autre ne leur plaît pas ? Les États-Unis envoient leurs diplomates dans le monde entier, leurs ambassadeurs dans chaque pays ont ordre d’exiger que ces pays mettent fin à leur coopération avec la Russie sous peine de sanctions. Nous comprendrions qu’ils fassent cela avec de petits pays. Mais lorsque de tels ultimatums et demandes sont adressés à la Chine, à l’Inde, à l’Égypte ou à la Turquie, il semble que nos collègues américains aient totalement perdu le contact avec la réalité, ou que leur complexe surhumain ait dépassé leur sens de la normalité. Nous avons vu de tels complexes dans l’histoire de l’humanité, et nous en savons quelque chose.

Mais je ne veux pas être le seul à parler. J’aimerais entendre ce que vous avez à dire. Quelles questions avez-vous, qu’est-ce qui vous intéresse ?

Question : Pour ceux qui ne le savent pas, Riga a fait partie de l’Empire russe plus longtemps que Sébastopol. Pendant combien de temps les Russes auront-ils besoin d’un visa pour se rendre en Russie ? Est-il possible de délivrer une carte ou autre chose pour les compatriotes des pays baltes et européens, afin qu’ils puissent voyager ou travailler en Russie ? Il existe un permis de résidence, mais si vous partez pour plus de six mois, vous perdez votre résidence. Dans la situation actuelle, où la russophobie est en hausse, cela serait particulièrement pertinent.

Les erreurs commises par le public, le ’soft power’, doivent ensuite être corrigées par l’armée (comme on le voit en Ukraine). Peut-être que dans les pays où la Russie est confrontée à une opposition directe, il serait judicieux de ne pas travailler par le biais des conseils communautaires russes (qui se retrouvent rapidement sous le contrôle des autorités locales), mais plutôt de décentraliser le travail. Par exemple, les Américains ont 20 fonds différents. Vous pouvez être n’importe quoi - vert, bleu, bleu clair, peu importe, mais si vous êtes anti-russe, cela ouvre toutes les portes nécessaires.

Sergey Lavrov : Je suis d’accord avec vous au sujet des visas. C’est un vieux problème. Nous avons une bureaucratie compliquée. Cette discussion entre libéraux et conservateurs a lieu depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000. Les libéraux pensaient que nous devions supprimer autant d’obstacles que possible afin que les personnes ayant des racines russes, parlant russe et participant à des événements culturels et humanitaires bénéficient d’un régime d’entrée préférentiel. Le débat a été assez vif lors de l’adoption de la loi sur les compatriotes, et ils ont discuté de l’option ’carte de compatriote’. C’était l’un des sujets les plus importants discutés. Cependant, aucun accord n’a été trouvé, notamment pour des raisons juridiques - car il ne s’agit pas d’un passeport ou d’un demi-passeport. Par exemple, la Pologne délivre des cartes de Polonais. Celles-ci peuvent essentiellement être utilisées comme des passeports. Il existe d’autres instruments pour assurer la liaison avec leurs diasporas dans les pays occidentaux (avec les Hongrois de souche, les Roumains, les Bulgares), et au Moyen-Orient également. Même en Syrie, il existe un ministère entier (le ministère des affaires étrangères et des expatriés). Nous travaillons actuellement sur des mesures supplémentaires que nous pouvons prendre dans ce sens

Le président de la Russie, Vladimir Poutine, m’a nommé à la tête de la Commission pour la coopération internationale et le soutien aux compatriotes à l’étranger. Cette commission se réunira à la fin du mois de mars. Cette question sera l’une des principales à l’ordre du jour. Nous la discuterons dans le contexte d’une approche plus large appelée rapatriement. Je pense que le rapatriement doit être légalement formalisé avec toutes les formalités nécessaires et le respect de toutes les normes juridiques. Cela doit être fait afin de faciliter considérablement la procédure permettant à ceux qui s’identifient comme Russes de se réinstaller ou de venir séjourner en Russie. Nous essaierons d’examiner votre question dans le cadre de cette approche.

Quant au soft power, les conseils communautaires russes et la méthode américaine - il doit y avoir une école de pensée qui pousse à de telles actions. En encourageant le mouvement des compatriotes, nous avons cherché à rendre leurs actions transparentes, afin qu’ils n’éveillent aucun soupçon d’être impliqués dans des activités clandestines. Malheureusement, tout cela a été vain. Toute cette transparence s’est retournée contre eux. Ce qu’ils font avec la gestion du Conseil communautaire russe aux États-Unis est du pur maccarthysme. Ses dirigeants ont dû rentrer en Russie, faute de quoi le FBI les a menacés de les emprisonner pour une longue période parce qu’ils promouvaient des projets entre compatriotes qui entretenaient des liens culturels et humanitaires avec la Russie. Rappelez-vous comment les Américains ont traité Maria Butina. Elle travaillait ouvertement et en toute liberté aux États-Unis, en promouvant des projets communs. Aux États-Unis, toutes les ONG, pour la plupart, déclarent explicitement qu’elles sont soutenues et financées par l’Agence pour le développement international. Dans d’autres pays occidentaux, de nombreux projets préfèrent garder ces informations pour eux. Je ne voudrais pas que nous agissions de la sorte. Premièrement, ce serait dangereux pour les personnes concernées. Ensuite, ce sont les méthodes des services de renseignement, pas celles du soft power. D’autre part, le soft power américain s’appuie fortement sur la CIA et d’autres services spéciaux.

Nous allons réfléchir aux moyens de soutenir nos compatriotes dans des situations où une véritable chasse aux sorcières a été déclenchée contre eux. Je pense que des formes de soutien plus souples pourraient être mises en œuvre, notamment la Fondation pour le soutien et la protection des droits des compatriotes vivant à l’étranger. Il s’agit essentiellement de fournir une assistance juridique à ceux qui se trouvent dans une situation difficile. Il y a aussi le Fonds Alexander Gorchakov pour la diplomatie publique. Nous réfléchirons à d’autres formats, naturellement tout à fait légitimes.

La Russie doit durcir sa politique à l’égard des agences fantômes engagées dans des activités qui ne coïncident pas avec leur charte et d’autres documents. Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à cette question. Nous allons certainement essayer d’en tenir compte.

Question : Quelle contribution pensez-vous que les représentants d’autres Etats peuvent apporter au développement des relations internationales avec la Fédération de Russie ?

Sergey Lavrov : Nous soutiendrons toute initiative publique visant à développer la coopération dans l’espace post-soviétique. Il existe de nombreuses formes d’interaction au sein de la CEI, de l’OTSC et de l’UEE, qui présentent un intérêt pour les mouvements et organisations publics et qui
peuvent être utilisées pour organiser des événements.

Je ne voudrais sincèrement pas vous donner d’idées particulières. Vous le savez mieux que moi. Vous avez une idée de ce qu’est la vie dans votre pays, et de la manière dont elle est affectée par les relations avec la Russie sur le plan officiel, des investissements et du commerce.

En ce qui concerne les conseils communautaires russes, dans certains pays, nos compatriotes commencent à créer des conseils alternatifs. Il est possible que les gens soient simplement compétitifs, ce qui est tout à fait naturel, mais si vous avez un intérêt à faire quelque chose sur le terrain, nous ne pouvons que nous en réjouir. Si vous avez besoin de conseils, je suis disponible pour écouter vos idées et voir comment nous pouvons les soutenir avec nos collègues kazakhs.

Question : J’ai une proposition, pas une question. Nous avons créé un groupe de pression sur cette piste, et nous avons déjà rédigé nos propres propositions. Nous sommes prêts à contribuer à la promotion de la culture russe et de la langue russe en Allemagne, dans les pays baltes et dans d’autres pays. Nous voudrions devenir des analystes et des experts indépendants et développer la culture, la langue russe et soutenir les compatriotes et les étrangers qui aiment la langue russe, et qui aspirent à la culture. Nous serions heureux de participer à ce processus.

Sergey Lavrov : C’est merveilleux. Pourriez-vous laisser vos propositions et vos contacts avec les organisateurs ? Le ministère des Affaires étrangères exerce diverses fonctions dans le cadre de la Commission gouvernementale pour les compatriotes à l’étranger, et je dirige cette Commission. Notre ministère est également le principal organe responsable de la mise en œuvre d’un nouveau programme fédéral ciblé visant à promouvoir la coopération internationale. C’est cela, le soft power. Nous avons également un programme de soutien à la langue russe à l’étranger. En effet, des possibilités existent toujours pour le type de projets que vous avez mentionnés. Je me réjouis de lire votre lettre.

Question : Ces derniers temps, de nombreux militants occidentaux, dont Arnold Schwarzenegger, se sont adressés au peuple russe. Si vous pouviez vous adresser à tous les peuples du monde, à l’Ouest, à l’Est et en Amérique latine, que leur diriez-vous pour qu’ils vous entendent ?

Sergey Lavrov : Je leur dirais que tous les peuples doivent être fidèles à eux-mêmes, et qu’ils ne doivent pas abandonner leurs traditions, leur histoire, leurs aspirations et leur vision du monde.

Pour en revenir à l’Ukraine, les Américains jubilent devant cette situation et se frottent les mains de joie. Au total, 140 pays ont voté contre la Russie à l’Assemblée générale des Nations unies. Nous savons comment ces pays sont parvenus à cette décision : Les ambassadeurs américains font la navette de capitale en capitale et exigent que même les grandes puissances se plient à leurs exigences, et ils n’hésitent pas à en parler en public. Soit ils veulent offenser les autres, soit ils ont complètement perdu tout sens de la mesure, tout en comprenant leur propre supériorité. Cependant, sur ces 140 pays qui ont voté sur ordre des États-Unis, aucun n’a imposé de sanctions, sauf l’Occident. Une majorité écrasante de pays n’a imposé aucune sanction à la Russie. Il semble qu’en votant, certains d’entre eux aient voulu minimiser les dégâts, mais ils ne veulent pas se tirer une balle dans le pied, et ils vont continuer à développer leur économie. De nombreux dirigeants indépendants disent ouvertement qu’ils ne veulent pas suivre les instructions des États-Unis à leur propre détriment.

Alors, gens du monde, soyez fidèles à vous-mêmes.

Question : Que devrait faire l’Occident, maintenant que les événements ont connu une escalade dramatique, pour ramener la situation vers un royaume de paix, de tranquillité, de gentillesse et de coopération ?

Sergey Lavrov : L’Occident devrait commencer à s’occuper de ses propres affaires et arrêter de faire la leçon aux autres. Parce qu’en ce moment, tout ce que nous entendons, c’est ’La Russie doit...’. Pourquoi devons-nous faire quoi que ce soit, et comment avons-nous tant contrarié l’Occident ? Je ne comprends vraiment pas. Ils ont fait traîner en longueur nos initiatives de garanties de sécurité. Ils nous ont dit de ne pas nous inquiéter de l’expansion de l’OTAN parce qu’elle ne menace pas notre sécurité. Pourquoi ont-ils le droit de décider de ce dont nous avons besoin pour notre sécurité ? C’est notre affaire. Ils ne nous permettent pas de nous approcher des discussions sur leur propre sécurité. On nous rappelle constamment que l’OTAN est une organisation défensive. D’abord, cette alliance défensive a bombardé la Yougoslavie. Ce n’est que récemment que nous nous sommes rappelés comment, en 1998, Joe Biden était si fier d’avoir personnellement contribué à la décision de bombarder Belgrade et les ponts sur la rivière Drina. Il était fascinant d’entendre cela de la part de quelqu’un qui prétend que la Russie est dirigée par des criminels de guerre.

L’OTAN a également agi en Irak sans résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. En Libye, elle avait bien une résolution, mais elle ne portait que sur l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne, afin que les avions de Mouammar Kadhafi ne puissent pas décoller de leurs aérodromes. Ils ne l’ont pas fait. D’autre part, l’OTAN a bombardé toutes les positions de l’armée depuis les airs, ce que le Conseil de sécurité des Nations unies ne justifiait pas, et a brutalement tué Mouammar Kadhafi sans procès ni enquête. La secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a célébré l’événement en direct sur les ondes.

D’un point de vue stratégique, il y avait effectivement une alliance de défense collective lorsque le mur de Berlin et le pacte de Varsovie existaient. La ligne de défense était alors clairement définie. Lorsque l’Union soviétique et le Pacte de Varsovie ont cessé d’exister, l’OTAN a promis de ne pas s’étendre à l’Est, mais elle a commencé à le faire. Nous avons assisté à cinq vagues d’expansion à ce jour, contrairement à ses assurances. Et à chaque fois, le mur imaginaire de Berlin a été déplacé plus à l’est. L’alliance s’est arrogé le droit de déterminer les limites de sa ligne de défense. Aujourd’hui, le secrétaire général Jens Stoltenberg a déclaré que l’OTAN devait assumer une responsabilité mondiale et était tenue d’assurer la sécurité dans la région indo-pacifique. C’est leur nom pour la région Asie-Pacifique. L’OTAN est donc prête à se ’défendre’ dans la mer de Chine méridionale. Elle construit actuellement des lignes de défense contre la Chine, qui doit donc elle aussi être sur le qui-vive. Un type de défense vraiment inhabituel.

Quant à la région indo-pacifique, que nous avons toujours appelée la région Asie-Pacifique, il y a là la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC), ainsi que les mécanismes créés autour de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE). L’ASEAN compte une douzaine de partenaires. Nous participons à la tenue du sommet de l’Asie de l’Est, du forum de sécurité de l’ANASE et de la réunion Plus des ministres de la défense de l’ANASE, une plate-forme pour l’ANASE et ses douze partenaires, dont la Chine, la Russie, l’Occident (y compris l’Australie) et l’Inde - tous les acteurs clés. Ces formats fonctionnent sur la base du consensus. Mais cela ne convient pas aux Américains, car pour poursuivre leur politique visant à contenir la Chine, ils ont besoin d’un mécanisme anti-chinois. Mais aucune plate-forme dont la Chine est membre ne peut produire un tel résultat.

Ils ont proclamé les stratégies indo-pacifiques et créé le Quad - un groupe de quatre nations comprenant les États-Unis, l’Australie, le Japon, et ils ont également attiré l’Inde dans ce groupe. Nos amis indiens sont bien conscients de ce dont nous parlons. Ils ont dit qu’ils ne participeraient à ce groupe que dans le cadre de projets économiques et d’infrastructures, mais pas de projets militaires. Ainsi, parce qu’ils avaient besoin de développer la composante militaire, ils ont créé un format parallèle, AUKUS, qui comprenait l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis. Ils veulent maintenant l’élargir en ajoutant le Japon et la Corée du Sud, et même certains pays de l’ANASE. Cela conduira à l’effondrement des dix pays de l’ANASE.

Lorsque le concept Indo-Pacifique a été annoncé, nous avons demandé ce qui n’allait pas avec l’étiquette Asie-Pacifique. On nous a répondu qu’elle mélangeait deux choses différentes car l’Asie ne faisait pas référence à un océan, mais le Pacifique oui. D’où l’océan Indien et l’Asie. Nous avons demandé : si cela inclut l’océan Indien, cela signifie-t-il que l’ensemble de l’Afrique de l’Est sera impliqué dans cette coopération ? Ils ont répondu par la négative. Cette région avait trop de problèmes dont ils ne voulaient pas s’occuper, car ils avaient déjà assez à faire. Le golfe Persique fait-il également partie de l’océan Indien ? Là aussi, ils ont dit non, ils l’ont désavoué. Il est donc clair que la partie indo a été incluse dans le seul but de s’acoquiner avec l’Inde et d’essayer encore plus d’en faire un acteur anti-Chine.

Le président russe Vladimir Poutine s’est rendu en Inde au début du mois de février 2022. J’ai parlé franchement avec eux. Nos amis indiens comprennent tout parfaitement et ne seront jamais ouverts à une telle ’coopération’ ni ne joueront le jeu de quelqu’un d’autre. L’Inde est un grand pays. Faire de telles provocations contre de grandes puissances est tout simplement irrespectueux.

Revenons à notre discussion - nous avons essayé de négocier avec l’Occident jusqu’à la dernière minute. Mais les relations avec l’UE ont été détruites dès 2014. Tous les mécanismes, et ils étaient nombreux : sommets semestriels, réunions annuelles du gouvernement russe et de la Commission européenne, quatre espaces communs en cours d’élaboration dans le cadre de quatre feuilles de route, 20 dialogues sectoriels - tout cela a déraillé simplement parce que les habitants de Crimée, confrontés à une menace néonazie radicale, ont voté pour la réunification avec la Russie.

Nos collègues occidentaux ont cette curieuse approche de la politique : lorsqu’ils examinent un problème de politique internationale, ils coupent les périodes qui ne leur sont pas favorables. Lorsque nous avons discuté de l’Ukraine avec eux, ils ont dit que nous avions ’annexé’ la Crimée. Attendez, mais que s’est-il passé avant cela ? Ils n’ont pas réussi à faire faire à l’opposition ce à quoi ils s’étaient eux-mêmes engagés. L’opposition a violé toutes les garanties et, contrairement aux accords, a réalisé un coup d’État et proclamé une ligne politique ouvertement anti-russe. Ils ont commencé à essayer de supprimer tout ce qui était russe.

Mais les Occidentaux l’appelaient ’le prix à payer pour les processus démocratiques’. Ils ne pouvaient même pas prononcer le mot ’coup d’État’.

L’automne dernier, j’ai demandé aux Allemands et aux Français comment il en était ainsi. C’est des accords de Minsk que nous parlons. Pourquoi êtes-vous si têtus sur cette partie d’annexion ? Tout a commencé à ce moment-là. ’C’est le prix à payer pour les processus démocratiques.’ Vous voyez, c’est leur approche - ils ignorent ce qui leur est défavorable. Ils se contentent d’un seul symptôme et commencent à bâtir toute leur politique dessus.

Question : La politique consiste à anticiper. Je voudrais jeter un coup d’œil sur l’avenir. Comment voyez-vous, en tant que professionnel absolu dans ce domaine, l’avenir de la coexistence des peuples slaves dans cet espace ? Je suis sûr que tout ira bien. Cependant, les formes de cette coexistence peuvent différer. Quelle est votre opinion sur sa stabilité et ses formes préférées ?

Sergey Lavrov : Nous devrions suivre les lignes dictées par la vie elle-même. Nous avons franchi une étape extrêmement importante. Je fais référence aux 28 programmes de l’Union. Ils sont décrits comme des feuilles de route. Ces programmes sont transformés de manière active et efficace en actes normatifs. Nous devons en avoir beaucoup. La majorité d’entre eux ont déjà été rédigés, et les autres sont à un stade avancé de préparation. Ils assureront non seulement notre rapprochement, mais aussi la création d’une base économique commune, nécessaire pour niveler les droits dans absolument tous les domaines, y compris le commerce, les investissements, la mise en œuvre de projets économiques, l’accès aux commandes de l’État, etc.

En ce qui concerne la superstructure politique, nous avons le Parlement de l’Union, le Cabinet des ministres de l’Union et le Conseil suprême de l’État présidé par nos présidents. Ces organes s’occuperont du développement économique des entreprises pour voir si nos organes politiques doivent être adaptés à notre superstructure. Je suis sûr que nous nous fierons à l’opinion de nos peuples, qui se considèrent comme des peuples fraternels et vraiment proches.

Question : J’ai une question sur le soft power. L’éducation scolaire concerne non seulement les contours extérieurs mais aussi intérieurs. Depuis sept ans, je suis de près l’évolution de la culture des enfants, que l’on peut qualifier d’extrêmement pro-libérale. Aujourd’hui, nous avons besoin de refondre l’espace culturel ici et de lancer rapidement l’introduction de nos codes culturels à l’étranger. Voici un exemple simple : la série télévisée animée ’Masha et l’ours’ a fait plus, sur le plan extérieur, pour améliorer l’image de la Russie à l’étranger que de nombreux programmes officiels. Existe-t-il des programmes ou des projets de programmes visant à modifier le code culturel, tant sur le plan interne qu’externe ? J’ai une proposition que j’aimerais formuler et soumettre demain aux organisateurs de cet événement, si vous le permettez.

Sergey Lavrov : Oui, bien sûr. Je voudrais exhorter tout le monde, y compris ceux qui n’ont pas formulé de propositions, à partager leurs idées avec nous. Nous les examinerons toutes. Vous avez abordé une question très importante. Je ne suis pas directement impliqué dans ces efforts, mais nous avons toujours parlé de la nécessité de commencer à promouvoir notre culture dès le berceau, principalement en Russie. Il y a trop d’influences extérieures aujourd’hui, et l’influence interne n’est pas toujours efficace pour façonner la bonne vision du monde chez nos enfants. Je ne parle pas de laver le cerveau des gens. Mais nous devons empêcher le lavage de cerveau de nos enfants par d’autres forces. C’est là le problème. L’accès des enfants à l’information ne doit pas être limité à une seule source. N’hésitez pas à nous soumettre vos idées. Nous les examinerons avec le ministère de la Culture.

Question : Un collègue a évoqué la question des visas. La dame du Kazakhstan a dit ce que nous devrions faire à l’étranger et comment nous devrions le faire. Pouvez-vous dire quelle est la priorité de la Russie : rassembler autant de compatriotes que possible en Russie, ou former un cordon ou une barrière de compatriotes à l’extérieur du pays ?

Sergey Lavrov : Je sais que certains analystes politiques réfléchissent à cette idée. Je crois que les gens ont le libre choix. Nous devons créer les bonnes conditions pour ceux qui veulent rentrer. J’ai déjà évoqué le rapatriement aujourd’hui. Nous allons certainement traiter cette question au sein de la Commission de Russie Unie [sur la coopération internationale et le soutien aux compatriotes vivant à l’étranger]. Je ferai de mon mieux pour contribuer à l’élaboration d’une loi sur cette question.

Quant aux intérêts de ceux qui veulent vivre là où ils vivent, nous devons travailler avec les autorités de leurs pays de résidence pour empêcher la discrimination à l’égard des Russes, de l’enseignement russe, des médias [russes], etc. Il sera plus difficile de le faire maintenant, car nos collègues occidentaux encouragent la russophobie dans tous les domaines. Malheureusement, ils essaient d’entraîner le peuple géorgien sur cette voie. Lorsqu’ils ont imprudemment adopté ces sanctions horribles et inhumaines, laissant 200 000 personnes en dehors du territoire national, les empêchant d’utiliser les compagnies aériennes nationales et interdisant aux transporteurs aériens occidentaux de ramener ces personnes chez elles, le Premier ministre géorgien a annoncé qu’il était prêt, au vu de cette situation humanitaire, à autoriser les compagnies aériennes géorgiennes à ramener les Russes d’Europe et de l’UE dans leur pays. Vous vous souvenez avec quelle férocité il a été attaqué pour cela. C’était un désir humain élémentaire d’aider les gens dans des circonstances difficiles. Si vous avez des plaintes à formuler à l’encontre de vos autorités, veuillez nous écrire.

Question : Il n’y a pas de plaintes. Nous soumettrons les propositions concernant un éventuel soutien à nos compatriotes dans les pays étrangers.

Sergey Lavrov : Nous avons un canal de communication. Nous sommes intéressés par des relations normales avec nos collègues géorgiens.

Question : Tous les États jouent le même jeu : l’auteur a des atouts et une équipe de soutien au cas où il y aurait des dissidents. Je fais référence au Royaume-Uni et aux États-Unis. Cela durera jusqu’à ce que l’une des parties cesse d’exister. N’est-il pas grand temps que la Russie commence son propre jeu dans le cadre du continent eurasien et des pays amis pour promouvoir la paix, la justice et la sécurité ? Compte tenu de son arsenal nucléaire, la Russie pourrait garantir la sécurité des États (là où cela s’est confirmé - Syrie, Ukraine) pour les pays qui dépendent actuellement, dans une mesure plus ou moins grande, des grands acteurs majeurs, afin qu’ils puissent avoir le sentiment d’être également impliqués.

Sergey Lavrov : Je n’appellerais pas cela un jeu au sens où l’entendent les expressions ’grand jeu’ et ’grand échiquier’ de Zbigniew Brzezinski. Nous partons du principe que nos amis sont des personnes, des États et des partis politiques qui sont nos égaux. Contrairement aux organisations occidentales, où la démocratie est peu présente. Ils ont inventé le consensus, mais dans l’OTAN et l’UE, ce consensus est une imposture.

Ils ont adopté des sanctions par tranches avant même l’étape actuelle du développement de notre espace géopolitique (il y a eu une série de sanctions sans aucune raison depuis 2014). Tout semble s’être passé - la Crimée, le Donbass, les accords de Minsk... Mais tous les six mois, ils ont imposé de nouvelles sanctions. Beaucoup de mes homologues européens me disent confidentiellement : nous comprenons que c’est une stupidité et une impasse, mais nous avons un consensus. J’ai dit à l’un d’entre eux : un consensus signifie qu’une décision n’est pas prise s’il y a ne serait-ce qu’une seule voix ’non’. Si vous vous opposez, dites-le ! C’est un cas de responsabilité collective. Tout le monde dit : je suis contre, mais tous veulent un consensus. Ce consensus est façonné par une minorité agressive et russophobe, principalement par les États baltes (à mon grand regret), la Pologne, et récemment le Danemark.

Aujourd’hui, c’est un signe de bonnes manières pour eux de démontrer que vous êtes plus russophobe que vos voisins. Au sein de l’OTAN, ce sont les États-Unis qui font la loi. L’UE est dominée par l’alliance. Les pays neutres, qui ne sont pas membres de l’OTAN - la Suède, la Finlande et l’Autriche - sont entraînés dans une coopération sous le couvert de la ’mobilité collective’. Cela signifie que les pays neutres permettront à l’OTAN d’utiliser leurs routes et leurs territoires lorsqu’elle devra déplacer son infrastructure militaire vers l’Est. Cette coopération est présentée comme un partenariat OTAN-UE. J’ai mentionné Nord Stream 2 à titre d’exemple. Il n’y a plus d’indépendance en Europe. On leur a simplement dit : Arrêtez de vous occuper de votre sécurité énergétique aux conditions qui vous sont bénéfiques ; nous garantirons votre sécurité à un prix beaucoup plus élevé, mais nous serons en copeaux. Le président français Emmanuel Macron est le seul homme politique qui continue à miser sur l’autonomie stratégique. L’Allemagne s’est résignée au fait qu’elle n’aura pas cette autonomie. Il n’y a pas de diktat de ce genre dans notre pays.

Les difficultés rencontrées dans les travaux de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), de l’Union économique eurasienne (UEE) et de la Communauté des États indépendants (CEI) dépendent et s’expliquent par la nature démocratique de ces organisations plutôt que par leur faiblesse. Elles décident de toutes les questions par consensus et rien ne peut leur être imposé de l’extérieur. Nous avons des relations alliées avec la Syrie et de bonnes relations avec l’Iran. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de ’frapper ensemble’ un bloc. Cela liera les mains de tout le monde, si nous regardons la situation de manière pragmatique. Il est préférable d’avoir des relations alliées ou une relation plus étroite que jamais, comme celle que nous avons avec la Chine. Nos dirigeants ont déclaré dans l’un des documents [bilatéraux] : les relations ont atteint un niveau sans précédent qui, à certains égards, dépasse même les relations traditionnelles entre alliés. C’est tout à fait vrai et nous avons donc une multivariance.

L’Empire russe a été créé comme suit. Il n’y avait pas de melting-pot comme aux États-Unis. Ils ont fondu tout le monde en Américains. En général, tous les Américains sont favorables aux droits de l’homme.

Pratiquement tous les États ont un équilibre égal des droits. Dans l’Empire russe, au fur et à mesure que les groupes ethniques se rejoignaient, Moscou et Saint-Pétersbourg ont toujours cherché à tenir compte de leurs identités uniques et se sont efforcés de préserver leurs cultures et leurs religions. La multivariance dans les relations avec les partenaires étrangers semble plus efficace et permet une plus grande liberté d’action dans les cas où de telles actions seront nécessaires.

Question : Je suis un citoyen de la République populaire de Chine. Je suis né et j’ai grandi dans ce pays. Depuis de nombreuses années, je suis impliqué dans la coopération humanitaire (éducation) entre la Chine et la Russie. Je pense que la Russie et la Chine sont deux grandes puissances qui ont des affinités historiques et culturelles. Quels sont les domaines de coopération entre la Chine et la Russie qui présentent les meilleures perspectives ?

Sergey Lavrov : Il serait impossible d’énumérer les domaines de coopération prometteurs entre la Russie et la Chine. Il faudrait une session entière à part entière. Par l’intermédiaire de Moscou et de Pékin, nous diffusons des informations détaillées sur ce sur quoi nos deux pays travaillent ensemble. Actuellement, cette coopération est appelée à se renforcer. À l’heure où l’Occident érode de la manière la plus flagrante tout le socle sur lequel repose le système international, nous devons, en tant que deux grandes puissances, réfléchir à notre avenir dans ce monde.

Pour la première fois depuis de nombreuses années, la Chine a été déclarée la cible principale, auparavant c’était la Russie. Maintenant, nous sommes des cibles à tour de rôle. À ce stade, leur objectif proclamé est de traiter avec la Russie, puis de s’en prendre à la Chine. Lorsque nous communiquions avec les pays occidentaux durant des périodes moins turbulentes, nous leur demandions pourquoi ils laissaient se développer la course américaine contre la Chine et pourquoi tout le monde était entraîné dans cette affaire. Que faisait la Chine ? ’La Chine est une menace.’ Qu’est-ce qui fait de la Chine une menace ? ’Ils commencent à vaincre tout le monde économiquement.’

Si vous regardez le début de l’élévation économique de la Chine, celle-ci a commencé par accepter simplement les règles du jeu, qui avaient été essentiellement créées par l’Occident, dirigé par les Américains. Ces règles comprenaient le système monétaire international, le système commercial international, le système de Bretton Woods et l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La Chine a commencé à jouer selon leurs règles et les surpasse maintenant sur leur propre terrain, selon leurs règles. Est-ce une raison pour changer les règles ? Il semblerait que oui. Qui propose de réformer l’OMC ? L’Occident. Parce que l’Organisation mondiale du commerce, dans sa forme actuelle, fournit des règles qui sont équitables. Par conséquent, si nous oublions un instant la situation en Ukraine et les sanctions, les actions de l’Occident confirment qu’il n’est pas fiable, ni en tant que partie du monde qui a généré les principales devises de réserve, ni en tant que partenaires économiques, ni en tant que pays où stocker des réserves d’or et de devises. Nous avons des choses à travailler. Nos dirigeants et d’autres membres du gouvernement, les agences des affaires étrangères travaillent sur ce sujet en profondeur dans le cadre de notre dialogue traditionnellement régulier.

Question : La Russie mène une opération en Ukraine. Ce n’est pas un secret que la Russie construit une Grande Eurasie. Pouvez-vous nous donner un petit indice : Sergey Shoigu va-t-il s’arrêter à la frontière avec la Pologne ? Ou est-ce qu’on va aller en Transnistrie et en Moldavie ? Quel est le plan ? Allons-nous nous unir davantage ?

Sergey Lavrov : Nous avons déclaré nos objectifs. Ils sont pleinement légitimes et clairs : protéger la population du Donbass (avec laquelle nous sommes désormais alliés) qui fait l’objet d’une agression flagrante. À ces fins et sur la base de nos traités, nous avons appliqué l’article 51 de la Charte des Nations unies sur l’autodéfense collective.

Un autre objectif est d’éliminer toute menace pour la sécurité russe que représente la militarisation de l’Ukraine menée par l’Occident. Il ne doit pas y avoir d’armes de frappe dans le pays ni de menaces sous la forme d’une nazification de l’Ukraine, pour des raisons évidentes. L’esprit agressif de l’élite ukrainienne a été consciemment créés pour être ainsi par les instructeurs occidentaux tout au long de ces décennies. Ils ont formé des bataillons néo-nazis, leur montrant comment mener des opérations de combat agressives, etc. Nous n’avons pas d’autres objectifs que ceux-là.

Par ailleurs, l’autre partie peut proposer des objectifs curieux. Par exemple, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a proposé une idée qui sera bientôt discutée, à savoir l’envoi de forces de maintien de la paix de l’OTAN en Ukraine. Il est possible que, si cette décision est prise soudainement, elle implique que le personnel polonais constitue le noyau de ces forces de maintien de la paix et qu’il prenne le contrôle de l’Ukraine occidentale, y compris de la grande ville de Lvov, pour y rester pendant une période prolongée. Il me semble que tel est le plan.

Je pense que cette initiative est un double langage. L’OTAN se rendra compte qu’elle doit être raisonnable et réaliste.

Question : Il est désormais clair pour tout le monde que le monde ne sera plus jamais le même. On parle beaucoup ces jours-ci de la nouvelle architecture mondiale et du fait que ses fondations sont en train d’être posées. Je suis d’accord avec l’idée que nous n’avons pas besoin d’un monde sans Russie. Mais quel genre de monde voulons-nous construire ? Quelle place auront la Russie et l’État de l’Union dans le nouvel ordre international ?

Sergey Lavrov : Ce que nous voulons, c’est un monde équitable, sans guerre, sans projet agressif, sans tentative de dresser un pays contre un autre. L’équité, c’est aussi la façon dont nous voyons la place de la Russie dans le monde. De même, l’État de l’Union doit bénéficier de tous les avantages de ce monde idéal tel que vous l’avez décrit.

Ce que nous voulons, c’est discuter de la manière de vivre sur cette planète à l’avenir. Trop de problèmes se sont accumulés, et les institutions existantes ont été incapables de les résoudre. C’est dans ce sens que le président russe Vladimir Poutine a lancé il y a deux ans l’initiative de convoquer un sommet des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Presque tout le monde l’a soutenue, mais l’Occident va maintenant traîner les pieds. Il existe un ordre du jour préliminaire. Nous l’avons coordonné avec nos amis chinois, tandis que les autres l’examinent. Mais maintenant, tout va être mis en attente. Il ne s’agit pas pour le P5 de ré-imaginer un ’nouveau Yalta’, comme certains le prétendent. En vertu de la Charte des Nations unies, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU ont la responsabilité première du maintien de la paix internationale.

Lorsque nous exprimons le besoin de plus de démocratie dans les relations internationales, cela ne signifie pas l’annulation de la Charte des Nations unies. Cela signifie mettre fin aux violations de la Charte des Nations unies. L’égalité souveraine des États, l’obligation de respecter l’intégrité territoriale et le droit des nations à l’autodétermination - tout cela figure dans la Charte. Si toutes ses dispositions avaient été respectées, cela aurait assuré la paix et la coopération de bonne foi entre tous les pays. Cependant, l’Occident les manipule à son propre avantage.

Par exemple, nous sommes accusés de violer l’intégrité territoriale de l’Ukraine, à commencer par la Crimée et le Donbass. La Crimée a organisé un référendum. Tout le monde savait qu’il s’agissait d’un processus ouvert et honnête au cours duquel les gens ont exprimé leur volonté. Les Américains le savent aussi. Laissez-moi partager un secret avec vous (j’espère que personne ne se fâchera contre moi). En avril 2014, après le référendum en Crimée, John Kerry, alors secrétaire d’État américain, m’a dit qu’ils avaient compris qu’il s’agissait d’un vote honnête. Il a toutefois fait remarquer que nous l’avions accéléré en annonçant le référendum et en organisant le vote en l’espace d’une semaine seulement. Je lui ai expliqué que les radicaux ukrainiens représentaient une menace directe à ce moment-là. Toutes les formalités devaient être accomplies afin de protéger ce territoire. Il a suggéré d’organiser un autre référendum en été ou en automne, de l’annoncer environ deux mois à l’avance et d’inviter des observateurs étrangers. Le résultat serait le même, mais ils seraient là pour le ’bénir’ et le vérifier. Il ne s’agissait pas d’une question de fond, puisque tout le monde comprenait où cela menait, mais de créer une image favorable pour le monde extérieur afin de pouvoir annoncer que les habitants de Crimée ont voté lors d’un référendum, tandis que les ’camarades’ occidentaux ont vérifié les résultats.

En ce qui concerne la souveraineté et l’intégrité territoriale, depuis la création de l’ONU en 1945, la question de savoir si la souveraineté prime sur le droit à l’autodétermination ou vice-versa a été débattue. Un processus de négociation a été mis en place, ouvrant la voie à l’adoption par consensus, en 1970, d’une Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États dans le cadre de la Charte des Nations unies. Il s’agit d’un long document dont une section entière est consacrée à la relation entre la souveraineté, l’intégrité territoriale et le droit à l’autodétermination. Il stipule que chacun doit respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des États dont les gouvernements assurent le droit à l’autodétermination et représentent les personnes vivant sur leur territoire. Les dirigeants ukrainiens ont-ils garanti le droit de la Crimée à l’autodétermination ? Ils n’ont fait que restreindre les droits de la Crimée au sein de l’Ukraine. Le régime de Petr Porochenko ou les dirigeants actuels ont-ils représenté tout le peuple ukrainien, y compris la Crimée, comme ils le prétendent ? Non. Ils n’ont pas non plus représenté le Donbass. Ils ont fait fi de tous ces principes.

Selon le principe de la sécurité indivisible, chacun est libre de choisir ses alliances mais personne ne peut renforcer sa sécurité au détriment des autres. Ils affirment que seules les alliances comptent et rien d’autre. Cependant, lorsque cela sert leurs intérêts, le principe d’autodétermination passe au premier plan, reléguant l’intégrité territoriale de la Yougoslavie au second plan, comme ce fut le cas pour le Kosovo. Son autodétermination s’est faite sans référendum. Ils ont organisé la création d’une sorte de structure parlementaire, qui a voté sur la question. La Serbie a porté l’affaire devant la Cour internationale, qui a rendu un arrêt curieux, affirmant que le consentement du gouvernement central n’était pas nécessaire pour une déclaration d’indépendance. Le président russe Vladimir Poutine a cité cet arrêt historique de la Cour internationale à de multiples occasions.

Question : L’Occident prévoit de remplacer le pétrole et le gaz russes dans les années à venir. Quel est l’intérêt de la Russie à participer à l’accord nucléaire entre l’Iran et les États-Unis ? L’Iran aura l’occasion d’augmenter sa production de pétrole et de remplacer le marché russe en Europe. Dans quelle mesure nos partenaires vénézuéliens sont-ils prêts à conclure un accord avec les Américains pour remplacer le pétrole russe ?

Sergey Lavrov : Nous ne trahissons jamais nos amis en politique. Le Venezuela est notre ami. L’Iran est un État proche. Contrairement aux Américains, nous n’agissons pas uniquement par intérêt égoïste. S’ils ont besoin de ’donner une leçon aux Russes’, alors il est normal d’être d’accord avec le régime de Caracas (comme ils l’appellent). Les États-Unis préféreraient rétablir le programme avec l’Iran, juste pour punir la Russie. Cela reflète des problèmes non pas tant avec les institutions internationales qu’avec la ’démocratie libérale’. Il s’avère qu’elle n’est pas ’libérale’ du tout, et qu’elle n’est pas ’démocratique’ du tout.

Lorsque le premier pays du monde (ce que sont les États-Unis) résout le problème d’importance mondiale, planétaire, principalement sur la base de ses propres intérêts intérieurs, qui sont déterminés par des cycles électoraux de deux ans, alors les plus grands problèmes sont sacrifiés à ces cycles électoraux. Ce que nous pouvons voir aujourd’hui dans les actions américaines, c’est le désir de prouver qu’un président et une administration démocrates se portent bien et se sentent suffisamment forts avant les élections législatives de novembre. La Chine ne comprend pas cela. Qu’est-ce que deux ans ? Rien. Bien que les Chinois disent qu’’un voyage de mille kilomètres commence par un seul pas’, ils voient l’horizon de ce grand voyage. Ici, en plus de la volonté américaine de tout commander, il n’y a plus d’horizon. Ils agiront comme ils doivent le faire aujourd’hui.

Il a été constaté que les Américains tournent autour de la question du pétrole et du gaz, en se tournant vers l’Arabie saoudite, les EAU et le Qatar. Tous ces pays, comme le Venezuela et l’Iran, ont clairement indiqué que lorsqu’ils envisagent de nouveaux entrants sur le marché pétrolier, ils s’engagent à respecter le format OPEP+, dans lequel les quotas de chaque participant sont discutés et fixés par consensus. Jusqu’à présent, je ne vois aucune raison de croire que ce mécanisme sera brisé de quelque façon que ce soit. Cela n’intéresse personne.

Question : Quels formats envisagez-vous pour le règlement de l’après-crise et le dialogue intra- ukrainien ? Quel rôle pourraient jouer la DPR et la LPR ? La gouvernance et le système éducatif de l’Ukraine sont imprégnés de nationalisme ukrainien. Plusieurs générations ont grandi avec ce discours. Les criminels de guerre devront répondre de leurs actes en vertu du droit pénal. Qu’en est- il des aspects culturels ?

Sergey Lavrov : Nous avons annoncé les objectifs que nous nous efforçons d’atteindre. Quant au dialogue intra-ukrainien, il appartiendra aux Ukrainiens après la fin de l’opération spéciale - j’espère, avec la signature de documents complets sur les questions de sécurité, le statut de neutralité de l’Ukraine avec les garanties de sa sécurité.

Le président russe Vladimir Poutine, commentant nos initiatives sur la non-expansion de l’OTAN, a déclaré : nous comprenons que chaque pays a besoin de garanties de sécurité. Nous sommes prêts à négocier et à les élaborer pour nous-mêmes, pour les Ukrainiens et les Européens, en dehors du cadre de l’expansion de l’OTAN. Il s’agit donc d’un statut neutre, de garanties de sécurité et d’amener le cadre juridique à un niveau civilisé en ce qui concerne la langue russe, l’éducation, les médias, et les lois qui encouragent la nazification du pays, ainsi que l’adoption d’une loi interdisant cela. La plupart des pays européens disposent de telles lois, y compris l’Allemagne.

Quant à la participation de la RPD et de la RPL au dialogue inter-ukrainien, il s’agit d’une décision souveraine des républiques populaires.

Question : Pourquoi l’opération militaire a-t-elle été lancée maintenant et non il y a huit ans ? À l’époque, un mouvement ’anti-Maidan’ pro-russe est apparu à Odessa et à Kharkov, qui a installé le drapeau russe au sommet de l’administration régionale de Kharkov sans tirer un seul coup de feu. La ville soutenait la Russie. Aujourd’hui, ces gens se cachent des bombardements.

Sergey Lavrov : De nombreux facteurs influencent les développements à chaque moment historique spécifique. À l’époque, ce fut un choc, principalement parce que l’Occident s’est avéré être un garant absolument non fiable des choses que nous soutenions. Le président américain Barack Obama, la chancelière allemande Angela Merkel et les dirigeants français ont appelé le président russe Vladimir Poutine pour lui demander de ne pas interférer avec l’accord entre Viktor Ianoukovitch et l’opposition. Vladimir Poutine a répondu que si le président en exercice signait quelque chose, c’était son droit, et qu’il avait le pouvoir de négocier avec l’opposition. Mais l’Occident nous a lâchés et a immédiatement commencé à soutenir le nouveau gouvernement parce qu’il a annoncé une ligne politique anti-russe.

Des gens ont été brûlés vifs dans la Maison des syndicats à Odessa ; des avions de combat ont tiré sur le centre de Lugansk. Vous devez vous souvenir du mouvement Novorossiya mieux que quiconque. Nous avions également un mouvement public de soutien.

Nous avons certainement trop compté sur ce qui restait de la conscience de nos collègues occidentaux. La France a initié le format Normandie ; on nous a demandé de ne pas affirmer catégoriquement que nous refusions de reconnaître l’élection de Petr Porochenko fin mai 2014. Les Occidentaux nous ont assuré qu’ils feraient tout pour normaliser la situation, afin que les Russes puissent vivre normalement.

Nous avons dû leur faire confiance en raison d’une certaine naïveté et de la bonté de leur cœur, ce pour quoi les Russes sont connus.

Je ne doute pas que des leçons seront tirées.

Traduction "pour servir votre droit de savoir" par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

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Les Mondes d’Après (nouvelles d’anticipation écologique)
DIVERS
PAUL ARIES, AURÉLIEN BERNIER, FRÉDÉRIC DENHEZ, MICHEL GICQUEL, JÉRôME LEROY, CORINNE MOREL-DARLEUX, JACQUES TESTART, FRED VARGAS, MAXIME VIVAS Comment ça, y a pu d’pétrole ! ? Faut-il remplacer la Société du Travail Obligatoire par la Société du Partage Obligatoire ? Vous rêvez d’enfouir Daniel Cohn-Bendit dans un tas de compost ? Peut-on faire chanter « l’Internationale » à Dominique Strauss-Kahn ? Le purin d’ortie est-il vraiment inoffensif ? 155 pages 12 euros
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« les Afghans (...) auraient brûlé eux-mêmes leurs enfants pour exagérer le nombre de victimes civiles. »

Général Petraeus, commandant des forces US en Afghanistan lors d’une réunion avec de hauts responsables afghans,
propos rapportés par le Washington Post, 19 février 2011

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