RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Proche conseiller d’Obama, Ben Rhodes reconnait que les Etats-Unis ont armé les jihadistes en Syrie (Information Clearing House)

Quelqu’un a finalement osé demander à des officiels du gouvernement Obama d’assumer leur responsabilité dans l’aide à Daesh et l’armement des jihadistes en Syrie. Au cours d’un large entretien intitulé « Examen des conséquences de la politique étrangère d’Obama », l’analyste Mehdi Hasan pose la question à Ben Rhodes, longtemps conseiller national à la sécurité à la Maison Blanche sous Obama. Rhodes assure en ce moment la promotion de son récent ouvrage : “The World As It Is : Inside the Obama White House.

Rhodes est décrit comme quelqu’un de très proche d’Obama et jouissait de toute sa confiance au point d’avoir été à ses côtés lors de pratiquement toutes les décisions importantes prises durant ses huit années de mandat.Alors que l’interview de cet analyste mérite d’être écoutée dans son entièreté, c’est la partie concernant la Syrie qui a particulièrement retenu notre attention.

En dépit des efforts pour tourner autour du pot, Rhodes répond naïvement par l’affirmative quand Mehdi Hasan pose cette question au sujet du soutien aux djihadistes en Syrie :

Sommes nous trop intervenus en Syrie ? Parce que la CIA ayant consacré des centaines de millions de dollars à mettre sur pied et armer les rebelles anti-Assad, beaucoup de ces armes, comme vous le savez, ont terminé aux mains de groupes djihadistes et parfois même aux mains de Daesh.

Vos critiques diraient que vous exacerbiez ainsi la guerre civile en Syrie, que vous prolongiez le conflit et qu’en fin de compte, vous souteniez les djihadistes.

Rhodes essaie alors d’en revenir à son livre et à des effets secondaires de la politique en Syrie, contournant ainsi la question. Mais Hasan le ramène dans le vif du sujet avec cette interpellation : « Mais enfin, vous coordonniez un tas de ces interventions. »

Hassan lance deux piques en faisant allusion au soutien apporté aux jihadistes dans la partie clé de l’interview. Rhodes finit par répondre “Oui…” à contre-cœur, en tentant d’en laisser la responsabilité aux alliés turcs, qataris ou saoudiens (comme l’avait fait le vice-président Biden lors d’un discours de 2014) :

Mehdi Hasan : Mais enfin, vous coordonniez un tas de ces interventions. Vous le savez, les Etats-Unis étaient lourdement impliqués dans cette guerre de concert avec les Turcs, les Saoudiens et les Qataris.

Ben Rhodes  : Oui, j’allais le dire : la Turquie, le Qatar, l’Arabie Saoudite.

Mehdi Hasan  :Vous y étiez aussi.

Ben Rhodes : Oui, mais la situation une fois dégénérée en espèce de guerre de religion civile entre les différentes factions se déchirant pour ce qu’elles percevaient comme leur unique chance de survie, nous étions devenus incapables de mettre un terme à la situation et, c’est une partie de ce dont je débats dans mon livre, il nous était devenu impossible de forcer l’interruption d’un tel massacre une fois qu’il était en cours.

A notre connaissance, c’est la première fois qu’un média d’une telle importance a osé demander à un conseiller de haut rang en matière de politique étrangère de l’administration Obama s’ils osaient assumer le soutien de la Maison Blanche pendant tant d’années aux djihadistes en Syrie.

L’ intérêt de cette interview ne fut ni relevé ni commenté par les médias ( on pouvait s’y attendre ). Au lieu de cela, on eut droit à un article du Newsweek dans les jours qui ont suivi, moquant les théories complotistes suscitées par l’expansion accélérée de Daesh, y compris ceci :

“Le président Donald Trump n’a pas fait grand chose pour dissiper le mythe d’un soutien américain direct à Daesh depuis son entrée en fonction. Au fil de sa campagne électorale en 2016, Trump a clamé, sans en fournir aucune preuve, que le président Obama et sa secrétaire d’Etat à l’époque, Hillary Clinton, avaient cofondé ce groupe et que Daesh se devait de rendre hommage au président sortant.”

En réalité, la vérité doit être un peu plus nuancée comme Trump semble l’avoir admis d’ailleurs, ce qui l’a finalement amené à mettre un terme au programme de la CIA pour un changement de régime en Syrie durant l’été 2017, tout en se plaignant auprès de ses collaborateurs de la brutalité choquante des rebelles formés par la CIA.

Entre temps, les médias ont été heureux de laisser courir les fake news selon lesquelles, avec le recul, Obama souhaitait se tenir à l’écart de la Syrie plutôt que d’approuver un niveau d’aide dérisoire aux rebelles qualifiés de “modérés”, lesquels combattaient à la fois Assad et (normalement) l’Etat islamique. Lors de précédentes interviews, Rhodes a d’ailleurs tenté de présenter Obama comme un simple observateur avisé de la situation syrienne.

Mais, comme nous l’avons souvent noté au fil des ans, ce récit fait l’impasse et tente de gommer ce qui est sans doute la plus importante opération clandestine dans l’histoire de la CIA, opération commencée sous Obama qui a armé et financé un soulèvement djihadiste visant à renverser Assad, au rythme d’1 milliard de dollars par an (soit un quinzième du budget connu de la CIA selon les documents livrés par Edward Snowden, comme l’a révélé le Washington Post).

Ce récit ignore également un fait clairement établi et documenté à la fois par les rapports du renseignement U.S et des notes authentifiées du champ de bataille qui confirment que Daesh et l’armée syrienne de libération ( FSA )ont combattu sous commandement conjoint, appuyés par une structure U.S unique dès le tout début de la guerre en Syrie et jusqu’en 2013. Cela a par ailleurs été confirmé par le professeur Joshua Landis de l’université d’Oklahoma, un des experts les plus réputés sur la Syrie.

Des experts de la Syrie, tout comme un article du New York Times qui n’a pas défrayé la chronique, ont vérifié l’enregistrement suivant datant de 2013 et montrant Robert Ford, alors notre ambassadeur en Syrie, travaillant étroitement avec un « dirigeant rebelle » qui commandait lors d’opérations des terroristes avérés de Daesh. L’ambassadeur Ford l’a d’ailleurs reconnu auprès de Mc Clatchy News :

 

Les derniers aveux balbutiants de Ben Rhodes sur Obama à la Maison Blanche armant les djihadistes en Syrie font suite à des reportages explosifs de Mehdi Hasan parus à partir de 2015.

En tant que présentateur de l’émission d’Al Jazeera, « Head to Head », Hasan demanda au général Michael Flynn, ancien chef du renseignement du Pentagone, à qui on pouvait reprocher la montée en puissance de Daesh ? (L’interview d’août 2015 était bien antérieure à l’entrée de Flynn dans la campagne de Trump).

Hasan soumit à Flynn le mémo déclassifié de la DIA ( Defence Intelligence Agency) de 2012 mettant en évidence le soutien de Washington aux terroristes d’Al-Qaeda et de Daesh dans le but de s’opposer à la fois à Assad et à l’Iran. Flynn avait confirmé la déclaration d’Hasan, disant qu’il s’agissait d’une « décision intelligente que de soutenir une insurrection regroupant des salafistes, Al Qaeda et les Frères musulmans…  ».

 

Peu après, Glenn Greenwald de l’Intercept débattait dans Democracy Now du contenu choquant de l’interview de Flynn :

 

Il sera fort intéressant de voir dans les quelques années à venir laquelle des versions du récit sur l’héritage Obama sera retenue par les historiens. Obama, le président qui s’est tenu « en dehors » voire « sur les bords » de la Syrie ? Ou Obama, le président dont les décisions ont alimenté le développement du mouvement terroriste le plus brutal que notre monde ait connu ?

Tyler DURDEN

Source originale : Information Clearing House http://www.informationclearinghouse.info/49714.htm

Traduit par Oscar GROSJEAN à la demande d’Investig’Action

»» https://www.investigaction.net/fr/p...
URL de cet article 33807
   
Même Thème
Histoire du fascisme aux États-Unis
Larry Lee Portis
Deux tendances contradictoires se côtoient dans l’évolution politique du pays : la préservation des “ libertés fondamentales” et la tentative de bafouer celles-ci dès que la “ nation” semble menacée. Entre mythe et réalité, les États-Unis se désignent comme les champions de la « démocratie » alors que la conformité et la répression dominent la culture politique. Depuis la création des États-Unis et son idéologie nationaliste jusqu’à George W. Bush et la droite chrétienne, en passant par (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Assange ne représente un danger pour personne, sauf pour ceux qui représentent un danger absolu pour tout le monde.

Randy Credico

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.