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Pourquoi la gauche française ne parle plus des nationalisations et se réserve les moeurs ?

Pourquoi ne sommes-nous plus capables que de véhiculer des cancans en laissant le capital en paix ?

Souvenez-vous, en septembre 1999, Michelin annonçait simultanément une hausse de 20% de ses profits et la suppression de 7500 emplois, le résultat ne se faisait pas attendre, le titre gagnait en bourse 12%. C’était le bon temps !!! Le premier ministre de l’époque, un socialiste du nom de Jospin ne déclarait-il pas que l’Etat ne saurait se mêler de tout, si mes souvenirs sont bons, il y avait même des ministres dits communistes au gouvernement. Le bon peuple ingrat flanqua la raclée de sa vie au dit jospin qui n’arriva même pas au second tour et en fit une jaunisse comme un vulgaire ouvrier licencié. Aujourd’hui dix ans après le leader mondial du pneu affiche une progression de 31% et un bénéfice annuel de 772 millions d’euros et une marge de 9,8%. Il annonce la fermeture de son usine de Toul (826 salariés)… Et pourtant l’action continue à chuter, elle a perdu 4% de sa valeur en 4 mois. Où va-t-on si les investisseurs boudent même les suppressions d’emplois ?…

Nous sommes dans une crise de grande ampleur et au lieu d’éclairer le débat, de faire de nous des citoyens à part entière, la gauche continue à affirmer comme du temps de Jospin que l’Etat n’a pas à intervenir, elle nous amuse avec des questions de moeurs, avec le leurre laïque, elle nous interdit même de nous situer dans le contexte européen. Tous ces thèmes sur les moeurs et la religion non seulement nous écartent de la gestion du pays que nous laissons au patronat mais divisent les travailleurs entre eux.

Danielle bleitrach

I. En France c’est la politique de l’autruche

Les industriels renouvellent les bonnes vieilles méthodes, pour doper les actions, Arc International dans le Pas de Calais annonce la disparition de 560 emplois, fermeture d’Arcelor Mittal de Gandrage et l’usine Kodack de Chalon sur saone, Miko à Saint Dizier, Ford de balanquefort en Gironde, des vagues de licenciements massifs se succèdent alors même que comme pour Michelin les résultats sont excellents. L’an passé 48.900 emplois industriels ont été détruits par délocalisation et externalisations alors même que le déficit commercial témoigne des effets de cette disparition du tissu industriel, désormais il est nécessaire d’importer. La main mise par de grands trusts comme Unilever ou Mittal est souvent le prélude à des fermetures pour assurer des positions dominantes à des productions que l’on délocalise.

Quand Nicolas Sarkozy déclare le 4 février que "l’Etat était prêt à prendre en charge tout ou partie des investissements nécessaires" pour maintenir en activité l’aciérie de Gandrage, la porte-parole du PS à l’Assemblée le dénonce : "Nous refusons que se répète à nouveau dans la sidérurgie française cette logique choquante de privatisation des bénéfices et de nationalisation des pertes". La porte-parole du groupe PS Aurelie Filipetti se conduit comme une irresponsable mais à sa décharge on peut dire qu’elle sait de quoi elle parle puisque ce sont les socialistes qui ont procédé ainsi, rachetant les entreprises, les assainissant sur le plan financier, jetant des salariés à la rue et après les revendant pour rien à leurs copains. Une vague de milliardaires en est issue, celle qui entoure Sarkozy.

Le paradoxe de la situation c’est que François Fillon intervient pour rappeler que "tous les grands pays libéraux autour de nous ont une politique d’intervention massive de l’Etat".

En effet, la stupidité - mais est-ce bien le mot ? - de la gauche française est d’autant plus évidente que nous sommes dans une situation internationale marquée par la flambée des prix dans la sidérurugie. Le cas de la fermeture de la sidérurgie Arcelor Mittal devrait être analysé non seulement parce que les travailleurs en font les frais mais en tenant compte des conséquences qui ne vont pas manquer d’intervenir pour d’autres branches de l’industrie, l’automobile en particulier. Si malgré ses profits et les vagues de licenciements annoncés, l’action Michelin ne se redresse pas, c’est à cause du pessimisme généralisé sur les matières premières.

En ce qui concerne la sidérurgie, les géants des mines font flamber les prix, et si le gouvernement chinois comme nous l’avons vu ici même se positionne pour limiter les dégâts, nous en sommes loin en France. Le véritable déclin du pays est là alors qu’on nous raconte que ce seraient les 35 heures et les acquis sociaux. (1)

Voilà de quoi il est réellement question pendant qu’on nous amuse avec les provocations de Nicolas Sarkozy… Non seulement, nous assistons à une vague de licenciement parfaitement injustifiée mais cela ne va pas s’arrêter si on ne prend pas un cap différent. Aucune force politique ne paraît en situation en France de défendre le pays, ni même de nous situer dans un contexte européen à défaut de celui de la mondialisation.

Ce qu’il faut bien voir c’est que partout, à cause de l’effet domino de la crise des subprimes, alors même que le patronat continue à s’attribuer d’énormes sommes, on découvre à quel point le dit patronat ignore même l’idée de légalité, agit sans contrôle. Et partout la gauche européenne se garde bien de poser la question de la nationalisation du crédit au profit du pays et de l’immense majorité de la population.

2-En Angleterre c’est la nationalisation de Northern Rock

Comme nous l’avions prévu ici même le gouvernement britannique a annoncé la nationalisation de la banque britannique en difficulté Northern Rock. La crise Northern Rock avait provoqué une véritable panique chez les clients de la banque comme on n’en avait plus vue depuis plus de 140 ans en Grande-Bretagne. L’établissement vaut aujourd’hui en Bourse autour de 380 millions de livres. le projet doit être présenté au parlement ce 18 février. le ministre des Finances, Alistair Darling, déjà très contesté ces derniers temps. "De chancelier de fer à chancelier de l’hésitation, Alistair Darling s’est écroulé suite à une série d’incroyables contorsions", a dénoncé The Guardian, parlant d’un "moment de honte pour le gouvernement, qui a tenté pendant six mois d’éviter l’inévitable".

S’il critique le temps pris pour décider cette nationalisation, le quotidien de la City, The Financial Times, s’est lui montré plus compréhensif, en jugeant que le gouvernement a pris une décision "délicate, difficile et non-idéologique". Evidemment la nationalisation envisagée est non seulement temporaire, le temps pour le contribuable d’assainir, mais elle a tout chance à terme de déboucher sur de gros profits pour le privé. D’ailleurs le futur patron de Northern Rock Ron Sandler est l’ancien dirigeant du groupement d’assureurs Lloyd’s, et il prépare en ce sens la nationalisation, la City ne peut que se réjouir. Il y a quelques déçus des candidats à la reprise immédiate, leur humeur était bien entendu sombre. Virgin Group et la direction de Northern Rock, qui avaient tous les deux déposé un plan de reprise, ont fait part de leur déception. "Nous pensons que la nationalisation n’est pas la bonne réponse et qu’une solution commerciale aurait été la meilleure voie", a ainsi déclaré Richard Branson, le patron de Virgin. Certainement puisque Virgin récupérait pour une somme minimale une banque renflouée massivement depuis des mois par le gouvernement. Les actionnaires de Northern Rock, qui craignent pour le rendement de leur investissement, ont eux dénoncé une décision "brusque".

Dans la classe politique, ce fut un simple baroud d’honneur : le spécialiste des questions économiques du parti conservateur, George Osborne, a dénoncé un retour aux années 1970, époque où la dernière nationalisation d’une entreprise, en l’occurrence Rolls-Royce, avait eu lieu.

De son côté, le Premier ministre, Gordon Brown, a affirmé que son gouvernement avait pris "les bonnes décisions", notamment en attendant cinq mois pour trancher afin d’éviter toute décision précipitée. Durant ces cinq mois l’argent du contribuable avait coulé à flot. Dimanche, Londres avait justifié la nationalisation en affirmant que l’intérêt du contribuable n’était pas dans une vente de l’établissement de crédit immobilier au secteur privé dans l’immédiat, et que l’établissement reviendrait dans le privé lorsque les marchés financiers se seraient stabilisés.

Alistair Darling, le ministre des finances, lui, a essayé de rassurer l’Union européenne en affirmant, lundi, que Northern Rock devrait assurer son activité de banque conformément aux normes édictées par l’Union européenne pour faire respecter le libre jeu de la concurrence. La banque a normalement jusqu’au 17 mars pour rembourser quelque 26 milliards de livres (35 milliards d’euros) d’aides d’urgence autorisées par la Commission européenne pour un délai ne devant pas dépasser six mois. Au-delà , Londres devra demander l’autorisation d’accorder des aides à la restructuration, sujet sur lequel Bruxelles se montre très strict. Or, le futur patron de Northern Rock Ron Sandler,l’ancien dirigeant du groupement d’assureurs Lloyd’s, a réagi lundi 18 février , en estimant que le remboursement de l’établissement à la Bank of England nécessitera des années. Le délai de remboursement "n’est pas une question de mois, mais plutôt d’années" Il a refusé de chiffrer les éventuelles suppressions d’emplois à venir.

On mesure bien à la lecture de cette opération que ce qui manque est une intervention des citoyens britanniques sur le contrôle du crédit, sur la nature même de cette nationalisation "temporaire". Et c’est pareil dans toute l’Europe, partout les citoyens sont laissés à leur ignorance, ils subissent.

3-En Allemagne :

La classe politique allemande est en pleine crise et chacun s’insulte sur la complaisance manifestée face aux fraudes fiscales massives du patronat, en particulier celui de la Deutsch Bank. Les verts allemands vont à la rescousse du patronat en s’interessant seulement au viol de la légalité qu’aurait accompli les enquêteurs. Voici comment le correspondant à Berlin des Echos décrit la situation.

"Le BND a acheté à un mystérieux informateur, semble-t-il pour plusieurs millions d’euros, les données qui l’ont mis sur la piste du millier de contribuables ayant organisé leur évasion fiscale via des fondations au Liechtenstein. L’investissement sera très rentable, puisque le fisc compte récupérer au moins 300 à 400 millions d’euros. Mais, pour Volcker Beck, un des Verts les plus en vue, « il faut éclaircir si le BND n’a été qu’un intermédiaire, auquel cas c’est en ordre, ou s’il a joué un rôle d’enquêteur en matière fiscale, ce qui n’entre pas dans ses attributions ». Une commission du Bundestag doit débattre du sujet dès cette semaine. Le ministre des Finances, le social-démocrate Peer Steinbrück, a donné son feu vert à la transaction. Il a été soutenu, avant-hier, par le ministre de l’Intérieur Wolfgang Schäuble (CDU).

Les principaux leaders politiques se montrent particulièrement nerveux, car l’affaire leur semble susceptible de renforcer encore le parti contestataire de la gauche radicale. Die Linke est parvenu à entrer aux Parlements régionaux de Hesse et de Basse-Saxe, fin janvier, compliquant dans le premier la formation d’une coalition de gouvernement. Le parti d’Oskar Lafontaine pourrait aussi faire son entrée au Parlement de Hambourg, où l’on vote ce dimanche.

La fraude fiscale a en effet relancé le débat sur la justice sociale qui agite l’opinion depuis des mois. Une étude publiée hier par le cabinet de conseil Kienbaum conclut que la rémunération moyenne des dirigeants d’entreprise a progressé en 2007 de quelque 17,5 %. Pour les patrons du DAX, l’indice phare de la place de Francfort, la hausse est même supérieure à 23 %. Le syndicat Verdi, qui négocie en ce moment les revalorisations salariales de la fonction publique, a annoncé pour cette semaine une intensification des débrayages entamés la semaine dernière. De nouvelles discussions avec le gouvernement et les communes doivent débuter lundi, mais semblent d’ores et déjà très mal parties. "

Conclusion : pourquoi toutes ces questions ne sont-elles jamais en débat ?

On le voit un climat de contestation de l’injustice, de la toute puissance patronale est en train de se développer en Europe, et partout le patronat peut compter sur "la gauche" pour développer des "leurres", pour proner le libre renard dans le libre poulailler …

Y a-t-il une seule force politique capable de dire "chiche" à la nationalisation ? "Chiche" à une grande politique industrielle ? Des forces politiques capables de poser la question du contrôle national et ouvrier de l’entreprise et du crédit ?

Si la gauche, socialistes et communistes français de toutes obédiences, ont tant de mal à suggérer l’idée même de nationalisation, cela n’est pas dû aux échecs de l’Union Soviétique mais bien à l’expérience de leur passage au gouvernement dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix.

Que peut-on espérer d’une gauche qui renonce à toute intervention de l’Etat et semble ne vouloir faire la différence que sur des questions de moeurs ? Toute sa vision du politique en devient politicien, on laisse passer la destruction du tissu industriel, les licenciements massifs, et on pousse des cris d’offraie sur la laicité, sur la dernière intervention de Sarkozy au CRIF, sur "le chanoine du Latran" , sur Sarkozy nouveau Napoléon III. Et après tout le débat porte pour les communistes sur la question de savoir si on doit participer à des listes municipales avec le Modem.

Une telle gauche non seulement n’a plus le socialisme comme horizon mais elle laisse effectivement la droite et les tenants du capitalisme utiliser les nationalisation à leur gré.

Pourquoi cette gauche qui affirme sa vocation européenne, soit pour rêver d’une autre Europe comme les communistes, soit pour l’accepter jusqu’à la forfaiture comme on vient de le voir à Versailles, ne tient-elle pas compte du contexte européen, de la montée des luttes en Allemagne, de la nationalisation bancaire en Angleterre ? Pourquoi cette gauche là accepte-t-elle de nous réduire le cerveau sur des cancans ? Pourquoi accepte-t-elle de nous transformer en ragoteurs, de nous priver de tout débat politique sur les grandes orientations du pays ?

Ne s’agit-il pas à travers ces thèmes d’isoler un peu plus les couches moyennes de la grande masse des salariés ? La droite n’est pas la plus bête du monde, ce qui a porté Nicolas Sarkozy au pouvoir est l’absence de politique de la gauche sur des questions centrales comme l’emploi et le pouvoir d’achat. Et la gauche, du PS à la LCR en passant par le PCF et les verts, continue sur sa lancée.

Partout le politico médiatique s’emploie à nous faire papoter sur des leurres et à diviser les salariés, à empêcher que montent les luttes, que se rassemblent les fonctionnaires mécontents et les ouvriers, employés.

Danielle Bleitrach

(1) Le numéro un mondial du minerai de fer augmente ses prix de 65 % en Asie - Les accords devraient faire tache d’huile dans le reste du monde - Les aciéristes tentent de répercuter la hausse. Le groupe minier brésilien Vale, numéro un mondial du minerai de fer, a obtenu de cinq sidérurgistes japonais, dont le leader Nippon Steel, et du coréen Posco une augmentation des prix annuels de 65 %. Cette hausse est la deuxième plus importante de l’histoire, après celle de 71,5 % intervenue en 2005. Comme de coutume, ces accords ont toutes les chances de servir en référence dans les négociations encore en cours avec les sidérurgistes chinois et européens. Dans l’ensemble, le secteur tablait sur une hausse supérieure à 50 %, mais certains acteurs redoutaient un doublement pur et simple de la facture. Les sidérurgistes estiment que, dans ces conditions, ils devront à nouveau augmenter leurs prix. En Europe, la plupart d’entre eux ont déjà annoncé des augmentations au 1er avril prochain, qui atteignent déjà parfois 20 %. L’industrie automobile sera parmi les premières touchées : le surcoût pourrait atteindre 1,3 milliard d’euros pour les constructeurs nippons cette année.

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