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Officiel : la présence iranienne sur le continent américain est une menace pour les Etats-Unis, selon le Congrès et le président Obama. (CEPR)

Pendant que le Congrès ferraillait pour approuver une législation sensée éviter la très médiatisée «  falaise budgétaire » (fiscal cliff), un projet de loi visant «  la présence et les activités de plus en plus hostiles de l’Iran dans l’hémisphère occidental [sic] » faisait son chemin tranquillement et sans encombres dans les deux Chambres avant la fin de la session parlementaire. Ce projet de loi, qui demandait au Département d’État d’élaborer une stratégie visant à contrer la «  menace » iranienne dans la région, a été promulgué par le président Obama le 28 décembre 2012.

Si vous n’avez pas entendu parler de la «  Loi de 2012 visant à contrer l’Iran dans l’hémisphère occidental » (H.R. 3783), c’est peut-être parce que vous n’êtes pas un fidèle lecteur de la revue néoconservatrice Commentary qui a exorté le président Obama à ratifier cette loi, ou encore du site internet de la Fondation Héritage (Heritage Foundation, 700 000 membres, http://fr.wikipedia.org/wiki/Heritage_Foundation). Peut-être n’avez-vous pas non plus reçu le communiqué de presse de l’OSA, Organisation Sioniste Américaine (Zionist Organization of America) qui s’est félicitée du vote de cette loi en soulignant qu’elle permettrait d’«  empêcher les Iraniens d’établir des bases dans le continent, de déstabiliser les relations économiques entre les États-Unis et l’Amérique latine, et de mettre sur pied des forces clandestines pour promouvoir des activités terroristes dans des pays proches des États-Unis. » L’OSA a des liens avec l’extrême droite israélienne ; elle compte parmi ses membres des milliardaires de droite comme Sheldon Adelson (http://fr.wikipedia.org/wiki/Sheldon_Adelson) et Irving Moskovitz (http://en.wikipedia.org/wiki/Irving_Moskowitz), dont on connaît les positions hostiles à l’Iran, favorables à la colonisation, ainsi que leurs contributions généreuses au Comités d’action politique (Super Pacs) du parti républicain pendant la campagne électorale de 2012.
De fait, même si la loi a été votée à la quasi-unanimité par les deux Chambres, seules des organisations d’extrême droite l’ont soutenue ouvertement.

A n’en pas douter, l’Iran a cherché, ces dernières années, à renforcer sa présence diplomatique et économique en Amérique latine, comme l’ont fait la Chine et la Russie. Le gouvernement iranien a ouvert de nouvelles ambassades dans la région, et le président Ahmadinejad a effectué plusieurs visites dans le continent. Mais la loi H.R. 3783 prétend avoir découvert que l’Iran serait impliqué dans des activités infiniment plus scélérates.

La loi affirme que des agents appartenant aux forces d’Al-Quds des Gardes de la révolution iranienne, que le gouvernement des États-Unis considère comme une organisation terroriste, «  se sont manifestés par une présence de plus en plus importante en Amérique latine, et affirme que «  le gouvernement iranien soutient directement des activités du Hezbollah dans les zones frontalières trinationales de l’Argentine, du Brésil et du Paraguay. Elle prétend également que

Le Hezbollah et d’autres mandataires iraniens présents en Amérique latine ont gagné beaucoup d’argent au travers d’activités illicites, comme la drogue, le trafic d’armes, la fausse monnaie, le blanchiment d’argent, la fabrications de faux documents de voyage, le piratage de données informatique et de musique, la fourniture de refuges et d’aides à d’autres terroristes en transit dans la région.

Ces allégations semblent fondées. Mais quelle est leur provenance ? Le gouvernement étasunien n’a pas fourni la preuve que l’Iran se soit lancé dans ce type d’activités illicites dans la région. Alors, sur quelles sources se sont appuyés les auteurs du texte de loi ?

Une fois encore, il n’est pas besoin de regarder plus loin que le groupe de réflexion d’extrême droite Beltay (http://www.counterpunch.org/2012/04/20/beltway-academics-and-the-war-machine/). Par exemple, Roger Noriega (http://en.wikipedia.org/wiki/Roger_Noriega) et José Cardenas - tout deux anciens membres de l’administration de George W. Bush - ont publié, pour l’Institut de l’entreprise américaine (The American Enterprise Institute’s : http://fr.wikipedia.org/wiki/American_Enterprise_Institute), en octobre 2011, un rapport intitulé " La menace grandissante du Hezbollah en Amérique latine " . Dans le passé, ces deux hommes ont toujours défendu des positions extrêmes. Alors qu’il était ambassadeur auprès de l’Organisation des États américains en 2002, Noriega a soutenu le coup d’État avorté contre le président Hugo Chávez. En 2009, Noriega et Cardenas ont fait pression en faveur du coup d’État qui eut lieu au Honduras en juin de cette année. Pendant ces années, Noriega s’est taillé une réputation d’organisateur de conspirations, un peu bizarre et extrémiste.

Le rapport de Noriega et de Cardenas contient des allégations étrangement semblables à celles que l’on trouve dans la loi :

La présence du Hezbollah en Amérique latine remonte au milieu des années 1980, quand il a commencé à envoyer des agents dans les zones frontalières trinationales de l’Argentine, du Brésil et du Paraguay, livrées à l’anarchie. Il s’agissait de les utiliser comme le refuge le plus sûr pour collecter des fonds, blanchir de l’argent, recruter, entraîner, comploter en vue d’activités terroristes, permettant également le trafic de drogue et d’armes, la fausse monnaie, la fabrication de faux documents et le piratage de données informatiques et de musique. Leur prosélytisme a débouché sur la création de nombreuses cellules du Hezbollah, avec environ 460 agents dans cette zone vers 2005.

Pour avancer tout cela, les auteurs du rapport se sont principalement appuyés sur un document de 2003 de Rex A. Hudson (http://books.google.fr/books/about/Cuba.html?id=vXSk61IiaP0C&redir_esc=y) qui, pour ce qui le concerne, s’était appuyé sur des sources médiatiques très douteuses plus riches en spéculations qu’en faits précis. Avant cela, Hudson avait étudié les prétendues aides de Cuba au terrorisme dans la sous-région. En 1988, Hudson avait rédigé une étude intitulée " La politique américaine de Castro : le soutien de Cuba à la violence marxiste-léniniste dans le continent américain " , publié par le groupe d’exilés d’extrême droite, la Fondation Nationale Cubano-Américaine (Cuban American National Foundation).

Douglas Farah, attaché principal de recherches au Centre international de stratégie et d’évaluation, figure également au nombre de ces experts de droite du groupe de réflexion Beltay qui ont accusé l’Iran de fomenter des complots terroristes contre les États-Unis, prétendument en collaboration avec des gouvernements latino-américains proche de la gauche. Farah, qui avait auparavant prétendu que les Frères Musulmans (Muslim Brotherhood) avaient infiltré l’administration d’Obama, à récemment déclaré à la Commission des Relations internationales du Sénat que l’Iran, ainsi que plusieurs gouvernements américains de gauche

créent de nouvelles et importantes menaces dans la région dans la mesure où ils oeuvrent de concert avec le crime organisé transnational (COT) et des groupes terroristes. Ces menaces concernent non seulement le crime organisé traditionnel comme le trafic de drogue et la prostitution, mais aussi un trafic d’armes de destruction massive. Ces activités sont déployées avec la participation d’acteurs régionaux et extra régionaux dont les responsables sont mêlés à des activités criminelles. Ces mêmes responsables ont élaboré une doctrine désormais bien connue de guerre asymétrique contre les États-Unis et leurs alliés qui légitime de manière explicite l’utilisation d’armes de destruction massive dans ce combat.

On ne sait pas exactement comment Farah a trouvé toutes les preuves de ces menées terrifiantes, mais une des sources qu’il cite est un documentaire amateur intitulé "La Menace iranienne" , produit par le réseau d’expression espagnole Univision, basé à Miami. Propagé par l’Institut néo-conservateur Hudson et des législateurs d’extrême droite américano-cubains, ce document affirme que l’Iran, divers pays d’Amérique latine et un groupe d’étudiants mexicains complotaient pour lancer une guerre cybernétique contre les Etats-Unis. Cette assertion reposait sur le simple témoignage d’un seul étudiant.

L’année passée, Farah, Noriega et les anciens conseillers de Reagan et de Bush Otto Reich (http://en.wikipedia.org/wiki/Otto_Reich) et Norman Bailey (http://www.iwp.edu/faculty/detail/norman-bailey-2) se sont joints à une offensive concertée pour amener le Congrès et l’Exécutif à prendre des mesures contre les activités présumées, hostile et clandestines, de l’Iran en Amérique latine. Ils ont été soutenus dans leurs efforts par des organisations de droite comme l’Organisation Sioniste Américaine qui a déployé un groupe de pression de 200 de ses militants qui ont rendu visite à tous les membres du Congrès dans leur bureau pour faire passer la loi H.R. 3783.

Sans surprise, le projet de loi fut déposé en janvier 2012 par un républicain d’extrême droite, le représentant Jeff Duncan (http://en.wikipedia.org/wiki/Jeff_Duncan_(politician)), fidèle soutien du Premier ministre israélien Netanyahou. Plus étrange et troublant est le fait que la loi est passée avec seulement 6 voix hostiles. Quelques démocrates progressistes se sont abstenus, un seul représentant démocrate, le très amène Dennis Kucinich, a voté contre. Au Sénat, la loi ne rencontra aucune opposition et fut votée à l’unanimité.

Bien que les prétentions tirées par les cheveux de la loi H.R. 3783, ainsi que son discours belliciste nous ramènent aux législations de l’ère Reagan centrées sur les " menaces " cubaine et soviétique en Amérique centrale, il n’y eut aucun ressac contre cette loi ou contre d’autres manifestations de cette dernière campagne néoconservatrice. Des analystes autoproclamés libéraux ont pris part aux auditions du Congrès sur la " menace " que fait courir l’Iran dans la région mais ils n’ont pas réussi à démontrer la fausseté, le manque de fondement des allégations de leurs collègues de droite. Cette peur de dire ce qui est évident semble avoir saisi pratiquement tous les démocrates au Congrès.

L’administration Obama, elle-même, semble avoir cédé face à la pression suscitée par les groupes de pression d’extrême droite et leurs alliés de la base. Dans son premier et unique important discours sur la politique des États-Unis en Amérique latine en décembre 2009, la Secrétaire d’État Hillary Clinton s’en est pris plusieurs fois à l’Iran de manière menaçante. En déclarant notamment :

Je pense que si des gens veulent flirter avec l’Iran, ils devraient réfléchir aux conséquences que cela pourrait avoir pour eux, et nous espérons qu’ils y regarderont à deux fois. Alors nous les soutiendrons.

Ces quatre dernières années, l’administration Obama s’est contentée de recycler la politique latino-américaine que George Bush avait mené durant son deuxième mandat. En approuvant la loi H.R. 3787, le Congrès et l’administration ont cédé toujours plus de terrain à l’extrême droite. Ce faisant, ils ont contribué à perpétuer la vision belliciste de l’époque de la Guerre froide, une vision qui offre des gouvernements et des mouvements politiques indépendants de gauche en Amérique latine une image d’ennemis lointains, qu’il s’agisse de l’Union Soviétique ou de l’Iran. Il est temps que des esprits plus calmes à Washington, et dans tout le pays, agissent pour empêcher la politique des États-Unis dans la région de s’enfoncer dans un bourbier semblable à celui des années 1980.

Alex Main

http://www.cepr.net/index.php/blogs/the-americas-blog/its-official-ira...

Traduction Bernard Gensane pour Le Grand Soir.

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