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Les armes biochimiques aux États-Unis et au Canada

Ce texte est le troisième d’une série : Quand les microbes contaminent l’histoire ; Les armes biochimiques, en passant par les nazis, l’ex-URSS et les États-Unis ; Les guerres biochimiques et les armes écoresponsables.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la découverte des expériences horribles, exécutées par des médecins nazis, fit frémir les citoyens des pays dits libres et démocratiques. Et pourtant...

Avant et pendant la Deuxième Guerre Mondiale

À l’arsenal du Rocky Mountain, au Colorado, on édifia la plus grande manufacture de produits toxiques des États-Unis. On y fabriquait du gaz moutarde et, à échelle industrielle, les bombes incendiaires utilisées contre l’Allemagne et le Japon. À la fin de la guerre, l’ancien nazi Walter Schreiber divulgua le secret d’un gaz pire que le Zyklon B : le sarin. Le secrétaire à la Défense, George Marshall, autorisa 50 millions de dollars, pour construire deux usines productrices de sarin. Une à Muscle Shoals, en Alabama, l’autre à l’arsenal Rocky Mountain. Le programme fut accéléré avec la guerre de Corée. Tous les jours de l’année, 24 heures sur 24, les deux usines vomissaient des milliers de tonnes de sarin. Le building 1501 du Rocky Mountain, sans fenêtres, pouvait résister à un tremblement-de-terre d’une magnitude de 6,0 et à des vents violents. Pendant des années, personne en dehors d’un petit groupe de congressistes, en sessions secrètes, ne connaissait les sommes réservées à ces programmes. Le sarin équipa des obus d’artillerie, des bombes aériennes, des têtes de missiles, avec une préférence pour les M34 cluster bomb. La devise du général E.F. Bullene, chef du Chemical Corps, étant : « l’unique défense est l’offensive », on supposait qu’une guerre, contre l’URSS, serait exécutée avec ce type d’armes, plus mortelles pour les non protégés que les bombes atomiques.

À Camp Detrick, l’armée ajouta 220 hectares aux aires déjà aménagées. Durant la guerre, des pathogènes, tels l’anthrax et l’agent X furent testés au laboratoire de germes, un bâtiment en bois recouvert de papier goudronné, surnommé la Black Maria. Ce n’était pas suffisant. On désirait une chambre spéciale, permettant d’observer la diffusion d’agents biologiques, en aérosols, réagissant à l’air libre et à différentes altitudes. La chambre fut conçue par le bactériologiste Harold Batchelor. Une monstrueuse sphère d’un million de litres appelée Eight Ball, montée sur des pieds en fer.
L‘entreprise Chicago Bridge and Iron Works façonna cette boule hermétique, à l’épreuve des bombes, munie d’écoutilles et de hublots, aux murs d’acier. Les scientifiques pouvaient y contrôler la température, ainsi que le taux d’humidité, oscillant entre 30 et 100 %. Les hublots allaient permettre aux scientifiques d’observer les cobayes, exposés aux disséminations mortelles. Un projet d’œuf pour tester des germes létaux, prêt à éclore en 1949. ¹

Operation Whitecoat : en prévision de la guerre du Viêt-Nam

On étudiait la physiologie de petits et grands mammifères, incluant des singes, moutons et chèvres en présence de pathogènes. En 1954, des humains "objecteurs de conscience" échappèrent à l’enrôlement en se portant volontaire, pour tester, sous masque, la diffusion de germes de tularémie et de fièvre Q. Provoquée par la bactérie Coxiella burnetii, cette fièvre cause des problèmes de procréation chez les animaux et peut se transmettre aux humains. De ces 2 300 cobayes, on ne contacta que 500 d’entre eux pour un suivi de leur santé... Le projet prit fin en 1969. ²

Avant la conception du Eight Ball, on testait les épandages à San Francisco et dans le Midwest. Batchelor et son collègue Olson menèrent des tests à travers l’Amérique, notamment en Patagonie. Certains épandages impliquaient des stimulants inoffensifs, d’autres incluaient des pathogènes dangereux. Un test fut dirigé en Alaska, afin de voir comment des bactéries se dispersent par avion, dans un environnement semblable à l’hiver russe. On utilisa des spores similaires à l’anthrax, dont on détecta des traces des mois après les tests. Harold Batchelor peaufina ses techniques grâce à l’ancien nazi Kurt Blome.

D’innocents boucs émissaires

En 1948, le Congrès autorisa 30 millions de dollars pour un programme d’épandages anti-animaux, avec l’obligation d’y travailler sur une île. L’armée pointa Plum Island, flottant sur la côte du Connecticut. On choisit le vétérinaire nazi Erich Traub comme directeur. Un expert en préparation de germes pouvant tuer le bétail, en vue d’affamer les gens qui en dépendent. Traub arriva aux EU le 4 avril 1949. La fièvre aphteuse, une souche semblable à la fièvre porcine africaine, la peste et la malaria aviaires furent les principales maladies contagieuses qu’on étudia, non pas pour en guérir les bestiaux, mais les contaminer. En 1954, Traub repartit en Allemagne, nommé directeur d’un institut de virologie. Des agents étasuniens continuèrent à le surveiller, dans son pays et lors de ses voyages, pour éviter toute fuite à l’Est de ces programmes. Jusqu’en 2013, tous les travaux de Traub restèrent classés. ¹

Jamais trop nuisible

En 1957, les chimistes d’Edgewood disposaient d’un insecticide toxique, trois fois plus nocif que le sarin, si inhalé, et 1000 fois plus en contact avec la peau. Dix milligrammes de VX (V pour vénéneux) peuvent tuer un individu en quinze minutes, alors que le sarin se dissipe dans le même temps. Le hic : l’épandage de VX demeurait au sol plus de 21 jours... Difficile de recommander cet épandage... Cependant, le Chemical Corps en avait déjà produit des milliers de tonnes !

Et au Canada ? Pays frontalier qui n’ose plus affronter son voisin ?

Au XIXᵉ siècle, le choléra et le typhus accablèrent l’Asie et l’Europe. Pour éviter des épidémies au Québec, on isola les immigrants, sur une parcelle de l’Archipel de l’île aux Grues. Une toute petite zone émergée, pourtant nommée Grosse-île. Malgré la mise en quarantaine et les soins prodigués, des milliers de personnes y moururent, tout particulièrement des immigrants irlandais. Étant déjà un site au passé sinistre, entre 1940 et 1956, l’armée canadienne, en collaboration avec les États-Unis et l’Angleterre, réquisitionna l’île, pour y mener des expériences comportant le bacille de l’anthrax et la peste bovine. Sous couvert de contrôle des maladies de guerre, on tenta de mettre au point un vaccin contre la bactérie... tout en produisant 439 litres d’anthrax ! De quoi fournir 70 milliards de doses létales... Il est même possible qu’on ait choisi pour cobayes des prisonniers allemands. ³

En 1957, le Ministère de l’Agriculture y aménagea un centre de recherche vétérinaire. Puis un lieu de mise en quarantaine pour animaux importés. En 1978, le gouvernement du Québec transforma l’île en réserve de chasse et pêche. Aujourd’hui, l’endroit appartient à Environnement Canada. Après sa désinfection, Grosse-île accueille les touristes. Une visite guidée relate son passé de transit sanitaire pour les immigrants. Un monument rappelle la fin tragique des Irlandais. Bien entendu, le Canada, qui se proclame hypocritement pacifiste, refuse de contaminer sa réputation en évoquant le type de recherches qui s’y effectuait. Mais l’anthrax est là, en dormance sous les eaux du fleuve...

Le gouvernement possédait aussi une station expérimentale d’armes biochimiques, dans la petite ville de Ralston, an Alberta : la base Suffield, en collaboration avec l’Angleterre et les États-Unis. Dès le 3 août 1961, on fit exploser 100 tonnes de trinitrotoluène (TNT). Les tests atteignirent deux fois les 500 tonnes, sous les noms d’Opération Snowball et Prairie flat... En 2004, on testa l’obus Excalibur, guidé sous système de localisation par satellite (GPS). Cette fois, ce n’était pas en prévision d’une guerre contre l’URSS, redevenue la Russie, mais offensive, en Afghanistan. ⁴

La destruction des armes aux États-Unis

Le 25 novembre 1969, le Président Nixon annonça la fin des recherches offensives d’armes biochimiques. Le programme prit fin, après 26 ans de gaspillage de fonds et la mort atroce de cobayes.

On prévoyait enterrer 27 000 tonnes d’armes chimiques dans les profondeurs marines, mais comme déjà beaucoup de sarin et de bombes remplies de VX laissaient écouler leurs poisons, cela nécessitait de les insérer dans des coffres d’acier, avant de les jeter à l’océan... Le pentagone disposait aussi de 13 000 tonnes de gaz, à la base militaire de Okinawa au Japon. En 1971, elles furent envoyées dans un atoll du Pacifique Sud appelé Johnston Island, sous le nom d’opération Red Hat. On mit 34 ans pour anéantir plus de 412 000 armes chimiques obsolètes, bombes, mines, rockets et projectiles. L’armée évalue le coût de cette destruction à 25,8 milliards de dollars. Pendant ce temps, des centaines de milliers de citoyens demeuraient sans soins médicaux assurés par l’État, obnubilés par l’idée que trop de services sociaux mènent au communisme. ¹

Grâce à une élite d’experts, les élus et leurs armées ont réussi à contaminer, non pas quelques îles, mais la planète entière. Et pendant que ça continue, l’humanité choisit de s’étourdir en se prétendant supérieure aux animaux. Mais eux, quand ils recourent à la force, il est rare qu’ils s’acharnent jusqu’à s’entre-tuer. Les humains, eux, sacrifient les plus jeunes par ordre des vieux. Notons que des millions de tonnes d’obus non explosés ont été largués en mer. Une fois immergés, ils se corrodent lentement. Il leur faut environ 80 ans pour libérer ce qu’ils ont dans le cœur. Comme citoyens ou simples pêcheurs, nous sommes désarmés, pris dans des filets qui éliminent la distinction entre poisons et poissons. À présent, ce sont des laboratoires de "niveau P4" qui ravivent des souches mortelles de virus et de bactéries, toujours sous prétexte d’élaborer des vaccins. C’est donc une histoire dont les traces ne s’évaporent pas.

Références :
1.1 Operation paperclip, The secret intelligence program that brought nazi scientists to America, par Annie Jacobsen, Éditions Little, Brown and Company, 2014. À ma connaissance, pas encore traduit de l’anglais.

1.2 https://en.wikipedia.org/wiki/One-Million-Liter_Test_Sphere

3.1 https://www.lapresse.ca/arts/television/201005/31/01-4285306-le-projet-n-le-secret-de-grosse-ile.php
3.2 https://encyclobec.ca/region_projet.php?projetid=578
3.3 Voyez le documentaire Projet N, réalisé par Yves Bernard, assisté du journaliste Vincent Frigon, 2010.

4. https://valourcanada.ca/fr/bibliothèque-d’histoire-militaire/boule-de-neige-opérationnelle-de-la-station-expérimentale-de-suffield/

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Chasseurs de matières premières.
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Honte à tous ceux à gauche qui ont tourné le dos à Assange. J’ai vu ce que vous avez fait, bande d’enfoirés.

Daniel Fooks

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