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Nucléaire : une vie de sans abri

"Il faut se méfier des ingénieurs, ça commence par la machine à coudre, ça finit par la bombe atomique."
Marcel Pagnol

Dans les années 60, en pleine guerre froide, les journaux affichaient des plans d’abri nucléaire pour... la famille. Poches de sable, nourriture, eau, piles, etc.Sans oublier la femme... Il fallait s’asseoir et attendre peut-être des centaines d’années que l’effet des radiations s’estompe.

J’avais alors une sorte de cahier dans lequel je collais les articles et les plans. Le plus simple était constitué de sacs de sable superposés. Abri pour pauvres... Suffisant pour filtrer les radiations, du moins pour un temps. C’est ce qu’on prétendait. Je croyais à l’abri comme on certain croient en "dieu"... Quant à l’emmagasinage de nourriture, je me heurtais à un mur : nous mangions à notre faim, mais avec un menu à une variante de trois ou quatre "thèmes" : pommes de terre, pâtes, et fèves au lard. Le triptyque parfait toutefois pénible après des mois... Néanmoins, je croyais en la science qui, elle, était fascinante. À commencer par gagner suffisamment d’argent pour mieux nous nourrir. J’avais eu la foi catholique – élevé par des sœurs et des frères – ( des soutanés précédant l’ère des cravatés) et celle laïque : l’HOMME, cette créature divine. Je vivais une période extraordinaire, j’avais 16 ans. J’avais un cerveau buvard... Comme plusieurs en ont aujourd’hui, mais tardivement. J’aurais pu vendre de l’espoir sur Ebay... Mais Ebay n’existait pas. Je passais mes soirées avec un récepteur radio à galène, écoutant les postes américains, me gavant de sirupeuses chansons des années 50. Et je l’avais fabriqué de mes mains et du savoir légué par des humains. Je me disais que l’HOMME était un peu éméché, mais qu’il savait tout de même se tenir de bout.

Eh ! ben non !... En prenant un peu d’âge – voire à peine trois ou quatre ans – j’ai commencé à déchanter. Notre créature divine avait tendance à se prendre pour "dieu", parfois en version satanique. Même si elle ignorait qui ou ce qu’était "dieu". Elle était maintenant intoxiquée à la science, aux diverses formes de sciences, entre autres celle qui permettait d’anéantir ses semblables. Après tout, il y avait eu Mozart, Shakespeare et Monsieur Einstein. Le génie humain était indéniable... Ce qui toutefois semblait trouer cette montée vers le "progrès" apparut en une forme bizarre et bigame : l’argent et les armes.
Le lait en poudre

Nous n’étions par riches... Ma mère achetait du lait en poudre. C’était sans goût, nourrissant, mais nous rêvions de celui du pis des vaches. Un jour nous aurions du vrai lait. Un jour... Le progrès amènerait le lait, le vrai. Sous le pis de milliers de vaches heureuses et broutant dans l’herbe caressée de soleil. Snif !

Bébé... Boum ! Bébé boumeur...

Le progrès arriva. Le monde était rempli de méchants qu’il fallait anéantir pour le bien de tous.

Mais aujourd’hui, c’est bien mieux qu’en début des années 60 : les journaux n’en parlent plus. Pourtant, on a engraissé le pouvoir nucléaire au point de rendre une planète en cendres.

L'arsenal nucléaire mondial en 2016

À regarder le tableau, en 2016, alors que ma foi en a pris un coup, j’ai pu constater avec stupeur que Saint-François- d’Assise était probablement supérieur à ces génies qui nous gouvernent. Il devait boire du vrai lait de vache, et savourer le délestage de ses avoirs, en épousant DAME PAUVRETÉ. Ce qui ne me tentait pas, puisque je l’avais épousé au moins trois ou quatre fois.

J’avais lu de grands livres, au point de devenir philosophe sans diplôme, tentant de comprendre comment une créature ayant survécu aux grands traumatismes de l’ère du paléolithique , incapable de produire sa propre nourriture, en était arrivée à vendre des boîtes de conserve en tous formats , toutes couleurs dans des allées si longues qu’on se perdait en lisant la recette sur la boîte. ( recettes falsifiées, il va de soi). La même qui avait trouvé le "moyen" de se prémunir contre une bombe atomique par des sacs de sable. La débilité humaine est enrubannée de diplômes...

Malgré mes "longues vies", je n’ai pu comprendre comment on a pu procéder à la création du politicien -cette paillasse parlante – et à quoi il pouvait servir s’il ne pouvait pas nous nourrir alors qu’il dépensait nos avoirs pour tuer. Un génie incroyable dans le domaine des outils de tueries. À voir toutes ses armes, en plus des autres qui tuent à petits vœux, je me suis dit qu’il faudrait au moins avertir les enfants de par les écoles que les politiciens sont aussi inutiles que les sacs de sable. Personne n’a déjà vu un politicien saigner à coups de X... On vote en dévots.

La peau du revenu

J’ai tout de même fini par comprendre comment un politicien trouve des fonds pour fabriquer des armes et des bombes d’une puissance égale à sa mégalomanie : les fonds de poches des citoyens. De gré ou de force. Ou par le sempiternel moyen de la propagande. Les serpents n’ont jamais la langue suffisamment longue... Gloup !

Chacun, dans sa vie, se doit de mourir une fois... Ne serait-ce que pour échapper à Windows 10, mais après s’être gavé de la beauté du monde et de son mystère. Vers la fin. Et la plus lointaine possible, et avec une certaine lucidité. Hélas ! Il n’en est pas toujours ainsi, et cela depuis le commencement des temps. Comment en vient-ton à accepter de se faire réduire en poudre par un champignon qui peut grimper à des milliers de kilomètres dans le ciel ? À qui avons-nous donc donné nos salaires pour soi-disant nous protéger ? Quand on ne peut mourir qu’une fois ( et sans avoir droit à une pratique), comment penser que l’on peut tuer plusieurs fois ?

Le coq et la hache

Mon père, pour vivre, avait décidé d’acheter 25 petits poussins. Ils arrivèrent un bon soir, beaux parleurs, tout mignons. C’étaient des coqs. Les premiers jours furent une torture : Ils se levaient tôt, plus tôt que les gens de Wall Street, pour quémander leur nourriture.

Comme les citoyens, on les engraissa. Ils bouffirent et furent prêts à être mangés. Ma mère, le dimanche matin, me disait : "Va tuer un coq pour le dîner" (1). J’avais une hache mal aiguisée - ce qui nécessitait plusieurs coups –, et le summum du sport consistait à attraper la bête qui courait dans le poulailler, affolée, sentant sans doute sa fin venir.

Bang ! huit bons coups de hache ! C’était fini. Comme tout bon politicien, même sans tête, le coq continuait de sautiller dans un grand déni de sa fin, en peignant une toile sur l’herbe verte un peu comme Bush se peignant dans son bain.

La dynastie des aspirateurs à sueurs

Après des milliers d’années sous toutes formes d’esclavage, nous en sommes à l’étape finale. Nos esprits enlisés dans une sorte d’Alzheimer de l’Histoire finiront-ils un jour par comprendre que nous n’avons nullement besoin de ces aspirateurs à sueurs pour dicter nos conduites ? Nos esprits sont comme la hache de mon enfance : bien mal aiguisée. Et les coqs ne meurent pas d’un seul coup. En fait, nous sommes au stade des machines à coudre des fortunes pour quelques milliardaires qui, pour la plupart, non pas de nom.

Gaëtan Pelletier

1- Au Québec, on dîne le midi. Nous avons été élevés dans la tradition anglaise. Celle des vainqueurs. Comme les films français, mêmes norvégiens, truffés de chansons de langue anglaise. Un demi siècle d’américanisation globalisée. Maybe more...

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Claude Lanzmann. Le Lièvre de Patagonie. Paris : Gallimard, 2009.
Bernard GENSANE
Il n’est pas facile de rendre compte d’un livre considérable, écrit par une personnalité culturelle considérable, auteur d’un film, non seulement considérable, mais unique. Remarquablement bien écrit (les 550 pages ont été dictées face à un écran d’ordinateur), cet ouvrage nous livre les mémoires d’un homme de poids, de fortes convictions qui, malgré son grand âge, ne parvient que très rarement à prendre le recul nécessaire à la hiérarchisation de ses actes, à la mise en perspective de sa (…)
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