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Le Compostelle de la blatte métallique

 
Nous allons tous mourir : la voiture est en train de nous quitter. Elle, si essentielle pour faire des fortunes et saccager l’environnement. Celle qui permet le dimanche de se rendre du point A au point A. On vous dira qu’il vous en faut une, parce que tout a été réglé pour qu’elle soit essentielle.

En 1920, alors qu’il y avait peu de véhicules en circulation et qu’ils roulaient plus lentement, Grinell écrivait aux États-Unis : Ce roadkill est une source relativement nouvelle de la mortalité ; et si l’on devait estimer le kilométrage du total de ces routes dans l’état, le taux de mortalité doit s’élever à des centaines, voire des milliers de cas toutes les 24 heures3. La situation s’est depuis aggravée dans la plupart des régions du monde, en raison de l’augmentation conjointe de l’extension du réseau routier, du nombre de véhicules motorisés, de la vitesse moyenne des véhicules et du kilométrage parcouru par chaque conducteur.

C’est l’une des formes de la fragmentation des habitats naturels par les réseaux de transport et l’une des principales causes de disparition de certaines espèces2, carnivores y compris4Wiki

Qualifiée de Roadkill, déjà dans les années 1920, c’est une créature musclée assassine de bêtes et d’insectes. En plus de détruire la qualité de vie de notre homo-érectus devenu un homo-roulus, par obligation : les usines sont à une distance nécessitant un voyagement journalier, grande cause de pollution.

Et du temps pour s’y rendre. Au bout d’une vie, il faudrait comptabiliser le temps perdu ( et faire son petit Proust) avec ce moyen de transport.

En voyageant en moyenne 3 heures par jour, vous en arrivé à plus de 1000 heures par an. Si votre vie active dure 30 ans, cela fait 30,000 heures. Vous perdez 10 ans de votre vie. Mais puisque nous commençons à conduire jeune et à conduire après une retraite, on s’approche du 12 ou 13 ans, voire 14 ans, à faire de la navette, assis dans ce vaisseau sur roues. Et puisque’on vous dit que l’espérance de vie étant plus élevée, vous perdez vos dernières années dans un refuge pour personnes âgées, non autonomes. C’est là que la science vous prolonge souvent dans un état végétatif. Ils appellent ça de précieux aînés qui ont fait notre histoire. Et ils pleurent lorsque vous allez mourir. Ils se baignent dans des snifs, puis d’en vont. Et c’est bien ainsi. Qui se souvient d’Aurilien l’ancien cousin qui a défriché une terre au lieu de voyager dans une blatte rutilante ?

Ses proches... Et on l’envoie sous terre en corbillard.

Mais mourir fait partie de la vie. Et en petits philosophes, perdre dans ses années les plus belles pour gagner sa croûte dans une blatte d’acier et de gadgets sophistiqué, avec un cadran qui vous donne la température extérieure de votre véhicule ou la route à suivre sur un écran. Quand on pense que les oies blanches reviennent chaque année sans compas...

C’est nous qui avons perdu l’essentiel de la vie qui est... la vie simple. On nous l’a rendue tellement compliquée que nous entretenons des affairistes et des politiciens qui nous ont fait bifurquer vers l’avoir au lieu de l’être.

Oui, la blatte métallique est victime du coronavirus !

Alors nous sommes des victimes du coronavirus et de la blatte métallique et des zélus zélés drogués à l’économie et à la mégalomanie niaise qu’ils nomment progrès. C’est le progrès de la négritude translucide. On aura réussi à tuer la beauté de l’humain, des bêtes, du vivant tout entier pour un voyage sur Terre écourté pour le plaisir des de ceux qui nous prennent pour des jouets ou des poupées de Sirs.

Gaëtan Pelletier

 

 

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Prix Odette Coste des Vendanges littéraires 2017 Maïté Pinero est née à Ille-sur-Têt. Journaliste, elle a été correspondante de presse en Amérique Latine dans les années quatre-vingts. Elle a couvert la révolution sandiniste au Nicaragua, les guérillas au Salvador et en Colombie, la chute des dictatures chiliennes et haïtiennes. Elle a écrit plusieurs romans et recueils de nouvelles dont « Le trouble des eaux » (Julliard, 1995). Les huit nouvelles de « Cremada », rééditées par Philippe (…)
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