Donc, si je comprends bien, tu nous proposes, à nous communistes, une nouvelle danse du ventre devant les restes du PS, et de ses candidats à la « primaire » qui visent davantage le contrôle d’un parti en ruines que des constructions véritablement de gauche, de rupture avec le système capitaliste. Ils pourront d’ailleurs bientôt monter une équipe de football.
Pour parvenir à des « constructions majoritaires », tu nous incites donc à faire une fois de plus le trottoir de la « socialo-dépendance ».
Nous serions, si nous te suivions, embarqués dans ce que le PS pratique depuis longtemps : se servir du Front national comme repoussoir, comme épouvantail, après l’avoir fait monter dans le sens du poil, pour mieux contraindre l’électeur au « vote utile ». Ce qui fait monter le Front national, c’est d’une part l’absence d’alternative « anti-système », de classe, notre assimilation à ce que l’on appelle en Espagne « la caste » (nous aussi !), et d’autre part notre éloignement des milieux populaires. Nous devrions apparaître comme « différents », porteurs d’utopie, d’idéal, d’éthique, de souffle révolutionnaire. Nous en sommes malheureusement loin.
A te lire, face à la gravité de la situation, ceux qui ne partageraient pas ton point de vue tomberaient dans « le parti-pris disqualifiant ». C’est précisément le flou qui entoure notre positionnement, notre manque de radicalité, de lisibilité, qui poussent les électeurs les plus désespérés vers des options qui leur semblent, à tort, « plus efficaces ». Ils nous disent « avoir tout essayé », et sont en passe d’opérer un vote de colère instrumentalisée.
C’est à tous ceux-là qu’il faut répondre, c’est tous ceux-là qu’il faut reconquérir, concrètement. Il faut s’engager dans la campagne électorale, franchement, et pas à contre-cœur, avec un projet communiste anti-capitaliste, et cesser de soutenir Mélenchon avec des préventions. Et comment soutenir Mélenchon, tout en prônant le vieux piège à mouches : l’union de la gauche. Fais gaffe, Marie-Pierre, tu risques les déchirures musculaires, avec de tels grands écarts. On a déjà donné. Quelle « gauche ? » Pour quoi faire ? Avec quel programme ? Pour aller vers quoi ? Quelques miettes pour quelques uns, ou des transformations sociales profondes pour tous ?
Effectivement, l’heure est grave, et notre responsabilité d’autant plus grande. Je connais ton attachement au Parti, les combats que nous avons menés ensemble. Tu es une dirigeante nationale, il nous reste peu de munitions, ne les gâchons pas. Soyons pleinement nous-mêmes, et ouverts ; l’unité se pose en en terme de mouvement social, en bas, de convergence dans les luttes contre le capitalisme, pour des changements structurels, loin, très loin, des calculs d’appareil, des formules creuses et usées.
Jean ORTIZ