Notre société, notre monde, en crise, produisent des monstres. Pourquoi ? Que faire ? D’abord, ne pas hurler avec la meute, ne pas se tromper de combat. Ne pas en rajouter à des fins d’instrumentalisation politicienne.
Des gamins capables de prendre en otage des innocents, de tuer sans sourciller sont des criminels. Ils n’ont aucune circonstance atténuante. Comment en sommes-nous arrivés là, au pays jadis des Lumières, des Droits de l’homme, de la Résistance ? Poser la question sous cette forme, n’est-ce pas en partie lui répondre ?
Effectivement, parce que la France, son image, sa politique, ne sont plus tout ce qu’elles ont été ; désormais perçues comme inféodées à Washington, redevenues (ont-elles vraiment cessé de l’être ?) « gendarmes du monde », guerroyant dans des expéditions militaires aux objectifs impérialistes à peine cachés. Qu’est-ce que tout cela peut avoir comme relation avec les crimes de Trèbes ?
Cela n’explique pas tout, mais beaucoup... La seule politique à efficacité réelle, c’est d’essayer de comprendre, en profondeur, ne pas se laisser aveugler par l’écume des choses, les amalgames faciles. Aucun moyen dit de « dé-radicalisation » ne débouchera sur une solution inclusive à long terme. Pour récupérer ces gamins devenus terroristes, il faudra beaucoup plus d’enseignement, d’éducation, de formations, de débouchés, d’emplois, d’éthique... Il faudra ne pas fermer des écoles, des gares, ne pas sélectionner les étudiants à l’entrée de l’université, permettre à chacun, avec un statut solide, de trouver sa place dans une société qui ne soit pas une jungle. Il faudra un monde de justice et de paix, basé sur des valeurs de coopération, de partage, et non sur un cynisme jupitérien, pas plus que sur les oukases, les éructations fascisantes et va-t-en guerre du président de la « première puissance » mondiale.
Daech n’est que le fruit pourri des dérèglements du monde, engendré dans les entrailles du capitalisme, nourri par la haine « des autres », boucs-émissaires commodes... Il est facile d’oublier maintenant que l’on a fait joujou, pendant longtemps, avec Daech, Al Qaïda, et consorts. Tant que la France ne (re)deviendra pas un pays ouvert, fraternel, souverain, indépendant, solidaire, il sera difficile de désarmer le terrorisme, d’en assécher durablement la source : le désespoir, l’injustice, les inégalités, la colère, l’obscurantisme, la mort des Palestiniens...
Cependant, les crimes de Trèbes montrent aussi combien certaines valeurs sont encore prégnantes dans notre société, qui heureusement, malgré les politiques néolibérales successives, n’a pas totalement basculé dans la sauvagerie. Un homme a donné sa vie pour sauver une femme. Il avait une haute idée de ses missions, un idéal humaniste à en mourir.
Jean ORTIZ