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Les "experts" occidentaux... et la leçon arabe

Le constat est sans appel : malgré des chancelleries bien implantées, malgré des services secrets aussi nombreux qu’obscurs, malgré des milliers d’agents du renseignement, malgré des bases militaires aux quatre coins de la planète, malgré des officines de l’ombre, malgré des milliards dépensés dans leur technologie de la surveillance, malgré des pratiques infâmes de la torture pour arracher quelques aveux improbables, … les « experts » occidentaux - et jusqu’à ceux de Tel-Aviv pour ceux qui ne manquent jamais d’associer l’enclave sioniste dans l’espace occidental - n’ont rien vu venir de l’insurrection arabe. L’élémentaire question que chacun est donc en droit de se poser est : pourquoi ?

La réponse, loin d’être complexe comme aiment à le présenter ces « experts » qui de la sorte tentent d’excuser leurs bévues et leur impéritie, est au contraire d’une simplicité confondante : s’ils n’ont rien vu venir c’est parce que fondamentalement l’Occident est d’une arrogance absolue qui le rend aveugle. Et il ne faut surtout pas croire que les choses changent parce qu’au détour de tel discours ou de telle intervention médiatisée, il est dit - pour la forme - que nous devrions mieux écouter nos « partenaires ». Dans la réalité, il n’en est rien. Nous ne les écoutons pas. Nous ne les avons jamais écoutés. Nous n’écoutons rien d’autre que nos propres intérêts, que nos « partenaires » sont priés de garantir par l’entremise d’une diplomatie servile qui nous les soumet.

L’Occident est et reste profondément arrogant parce que depuis des siècles ses conquêtes guerrières lui ont permis d’asservir des pays entiers quand ce n’est pas des continents, comme l’Afrique ou les Amériques, qu’il a dépecés. Fort de ses victoires militaires, fort de ses pratiques coloniales, fort des matières premières et des richesses qu’il a pillées impunément, et fort de ses diktats auxquels il a contraint les peuples ainsi dominés - et qui continuent de l’être à travers les institutions occidentales, telles le FMI, la BM, l’OMC,… - il en a définitivement conclu à sa supériorité intellectuelle, morale, culturelle et, ne l’oublions pas, religieuse. Et ce n’est pas un hasard qu’à travers cette impression de toute-puissance, l’Occident ait produit de nouvelles théories comme celle de la « race » et ses dérives épouvantables qui en ont découlé. Il fallait un éclairage pseudo-scientifique pour expliquer voire légitimer doctement nos prouesses. Les faits ont ainsi conforté l’Occident qu’il était le plus fort partout où il posait le pied et il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui encore, cette mentalité suffisante d’invincibilité prévaut à presque tous niveaux ! La différence avec le passé n’est qu’apparente. Les comportements restent profondément arrogants. Il serait fastidieux d’établir une liste d’exemples tant ils sont nombreux, voire quotidiens comme l’ont encore illustrés les derniers réflexes d’une piètre diplomatie française, à l’image de son président. Et le discours dominant reste celui de la « civilisation » face à la « barbarie » qui nous guette et nous menace.

Certains me rétorqueront que l’Orient non plus, n’a rien vu venir. Peut-être. Mais l’on ne change pas de culture comme de chemise, en se déclarant simplement « citoyen du monde ». Je n’y cède pas, ayant trop de respect pour les cultures qui ne sont pas la mienne et méritent une approche tellement plus subtile que l’adoption de quelque mode vestimentaire, culinaire, philosophique ou religieuse. Non qu’il ne faille tendre à cette citoyenneté du monde, mais pour y parvenir cela requiert bien plus qu’une déclaration. Et d’abord, cela requiert un travail de remise à plat de nos certitudes, de nos convictions, de nos approches, de nos relations à l’Autre et ses différences. A ceux-là mêmes qui chez nous, adoptent la philosophie bouddhiste via son Dalaï Lama, celui-ci disait à peu près : qu’avant de vouloir embrasser une autre culture il fallait en priorité explorer la sienne et s’y reconnaître. Etant Occidental, j’essaie donc de m’assumer en tant que tel - ce qui n’est pas toujours aisé - puis de comprendre ce qui se passe de ce côté du monde, ce qui n’est pas rien non plus.

Ensuite, la différence avec l’Orient tient aussi du fait que c’est l’Occident très chrétien qui depuis des siècles domine le monde et lui imprime ses directives et ses lois. C’est aussi l’Occident qui n’a de cesse de donner des leçons à l’ensemble de la planète, s’estimant au-dessus des autres, par la puissance de sa technologie, tant scientifique que guerrière, l’amenant au fil de ses conquêtes à la puissance économique et financière que nous connaissons aujourd’hui. Puissance et arrogance sont souvent jumelles, de même qu’il est dit - et avéré - que le pouvoir corrompt…

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme

Mais certaines choses changent. Et malgré les apparences dans lesquelles l’Occident se drape, les équilibres qu’il impose dans un monde globalisé restent fragiles, provisoires et sont de plus en plus bousculés, pour ne pas dire contestés. L’Histoire ne s’arrête pas. Jamais. Pas plus aujourd’hui que demain. L’avoir cru et l’avoir adopté comme principe atteste de l’aveuglement arrogant de l’Occident, qui devrait donc veiller à ne plus se croire définitivement protégé par sa toute puissance. Et peut-être devrait-il commencer à écouter et prendre réellement en compte les intérêts de ses pairs, dans un nouvel équilibre.

Aujourd’hui, la menace qui plane sur l’Occident est de ce type : ne pas voir, ne pas entendre, ne pas comprendre, ne pas admettre que sa suprématie se fissure, se lézarde et n’est plus incontestable. Maître absolu du monde, il doit apprendre à partager ce qu’il dérobait sans vergogne auparavant. Exercice difficile pour une culture dominante qui depuis des siècles a imprimé de son sceau tout ce qu’il touchait en considérant les autres comme inférieurs. Les récents exemples de nos différentes chancelleries viennent encore de le démontrer : personnel incompétent, hautain, menteur, suffisant et dès lors incapable de prendre la mesure des bouleversements actuels. Raison pour laquelle aucun d’entre nos « experts » occidentaux n’a rien vu venir, arcboutés sur l’obsession relayée en boucle depuis les attentats du 11 septembre 2001, d’une déferlante islamiste doublée d’un terrorisme qui renverseraient nos sociétés, avec en horreur absolue, la disparition de l’entité sioniste ayant englouti des dépenses incalculables dans l’effort qu’il a fallu déployer pour la maintenir debout. Politique absurde, à courte vue, sans voir que rien ne perdure sur des fondements injustes.

Par ailleurs, quelle crédibilité l’Occident pense-t-il encore avoir, à travers des discours contradictoires sur les dictatures arabes courtisées hier, condamnées aujourd’hui pour usage excessif de la force, quand dans le même temps ses exactions en Irak, en Afghanistan, en Palestine ou ailleurs continuent à massacrer des civils chaque jour !? Arrogant, absurde, et intenable à terme…

Quelle leçon à tirer des évènements actuels, et en faveur de qui ?

Depuis plusieurs années, les citoyens occidentaux aussi dénoncent et réclament d’autres mesures que celles qui leur sont imposées par divers Directives et Traités qu’ils ne veulent pas, tant ils sont antisociaux : leurs gouvernements s’en moquent ! Et les écarts entre une poignée de toujours plus riches et les précarisés de plus en plus nombreux, se creusent. Ainsi la colère gonfle, les ressentiments s’accumulent, et le ras-le-bol enfle, avant une probable tempête. Mais les autorités n’entendent ni ne voient rien, trop affairées à satisfaire l’oligarchie qui les emploie. Comment penser dès lors qu’elles auraient la capacité de comprendre ce qui se passe à quelques milliers de kilomètres de leurs salons feutrés ?

Dans une culture qu’ils n’appréhendent qu’à travers des clichés réducteurs et éculés, et que déjà sous leurs balcons ils ne comprennent rien de ce qui s’y passe, demander ne fut-ce que d’entendre l’Autre est impossible, impensable à ces incultes. Comme lors du récent remaniement ministériel, où dans une obsession proche de la névrose, le président Sarközy de Nagy Bocsa n’a pu s’empêcher un couplet sur le risque terroriste lié à l’immigration massive de réfugiés passant désormais à travers les mailles d’une Libye n’assurant plus son rôle de flic pour lequel l’UE soutenait son dictateur. Ainsi, après le « savoir faire français » en matière de répression policière, voici les réfugiés réduits d’un coup de plume à une potentielle et énième menace terroriste. C’est tout simplement affligeant !

A tout citoyen lambda, ces choses paraissent évidentes. A ceux qui se pensent en « élites », ces évidences échappent. Elles sont incapables de comprendre la leçon que leur donne la rue arabe qui loin d’en appeler à un déferlement islamiste, ne fait que réclamer plus de liberté, plus de justice et une redistribution équitable des richesses détenues par une poignée, leur renvoyant ainsi à la figure leur propre modèle socio-économique aboutissant à une impasse. Mais cela paraît tellement lointain à ces oligarques tout affairés à se demander dans des raisonnements caducs et inadaptés, comment protéger leurs intérêts à travers ces soulèvements, qu’ils ne comprennent pas que demain cette leçon pourrait bien nous servir et surgir sous leurs fenêtres…

Ces derniers jours, l’on a pu lire et entendre de la part de ces arrogants combien les dictateurs arabes récoltent ce qu’ils ont semé tant ils sont déconnectés des réalités de leur population. N’allez surtout pas croire que nos dirigeants et tous ceux qui reniflent autour du pouvoir, le sont moins…

Daniel Vanhove -
Observateur civil -
Auteur -
02.03.11

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Daniel VANHOVE
D. Vanhove de formation en psycho-pédagogie, a été bénévole à l’ABP (Association Belgo-Palestinienne) de Bruxelles, où il a participé à la formation et à la coordination des candidats aux Missions Civiles d’Observation en Palestine. Il a encadré une soixantaine de Missions et en a accompagné huit sur le terrain, entre Novembre 2001 et Avril 2004. Auteur de plusieurs livres : co-auteur de « Retour de Palestine », 2002 – Ed. Vista ; « Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos (…)
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