Il apparaît aujourd’hui que les quatre dernières années d’emprisonnement effectif de Julian Assange à l’ambassade d’Equateur à Londres ont été totalement inutiles. En fait, ils dépendaient d’une mascarade juridique.
Dans les coulisses, la Suède a voulu abandonner la procédure d’extradition contre Assange en 2013. Pourquoi cela n’a-t-il pas été rendu public ? Parce que la Grande-Bretagne a persuadé la Suède de prétendre qu’elle souhaitait toujours poursuivre l’affaire.
En d’autres termes, pendant plus de quatre ans, M. Assange a été enfermé dans une pièce minuscule, surveillé à grands frais par les contribuables britanniques, non pas en raison d’allégations en Suède, mais parce que les autorités britanniques voulaient qu’il y reste. Pour quelles raisons pourrait-ont se demander ? Se pourrait-il qu’il y ait un rapport avec son travail en tant que dirigeant de Wikileaks, qui a publié des informations provenant de lanceurs d’alerte et qui ont gravement embarrassé les États-Unis et le Royaume-Uni ?
En fait, Assange aurait dû être libéré il y a des années s’il s’était agi vraiment d’une enquête - une enquête bidon - sur une agression sexuelle présumée en Suède. Au lieu de cela, comme M. Assange l’a révélé il y a longtemps, un autre plan était à l’oeuvre : son extradition vers les États-Unis, où il pourrait être enfermé pour de bon. C’est pourquoi les experts de l’ONU ont fait valoir il y a deux ans qu’il était "détenu arbitrairement" - pour des délits politiques - à l’instar d’autres dissidents que nous soutenons dans d’autres parties du monde.
Selon une nouvelle publication de courriels entre fonctionnaires, la procureure suédoise, Marianne Ny, a écrit au ministère public britannique le 18 octobre 2013, avertissant que la loi suédoise ne permettrait pas de poursuivre l’affaire. N’oubliez pas que la Suède avait refusé à plusieurs reprises d’accepter une offre de M. Assange de l’interviewer à l’ambassade de Londres, comme cela s’était produit dans 44 autres affaires entre la Suède et la Grande-Bretagne.
Ny a écrit au ministère public : "Nous nous trouvons dans l’obligation de lever l’ordre de détention... et de retirer le mandat d’arrêt européen. Cela devrait être fait dans les semaines qui viennent. Ce qui vous affecterait et nous aussi de manière significative."
Trois jours plus tard, en laissant entendre que la justice n’était pas une préoccupation première, elle a envoyé à nouveau un courriel au ministère public britannique : "Je suis désolée de vous avoir fait une [mauvaise] surprise... J’espère que je n’ai pas gâché votre week-end."
Dans le même ordre d’idées, prouvant qu’il s’agissait d’une affaire politique et non pas juridique, le procureur en chef du ministère britannique qui s’occupait de l’affaire au Royaume-Uni, avait précédemment écrit aux procureurs suédois : « Je vous interdis de faire marche arrière ! »
En décembre 2013, le procureur anonyme du ministère a écrit à Ny : « Je ne considère pas que le coût soit un facteur pertinent dans cette affaire. » C’était à un moment où il avait été révélé que le maintien en détention d’Assange dans l’ambassade avait coûté à la Grande-Bretagne à ce moment-là £3,8 millions. Dans un autre courriel du ministère il était écrit : « Veuillez ne pas considérer cette affaire comme une simple extradition. »
Il ne s’agit là que de fragments de la correspondance électronique, la majeure partie ayant été détruite par le ministère britannique en violation de ses propres protocoles. Les suppressions semblent avoir été effectuées pour éviter de communiquer les dossiers électroniques à un tribunal saisi d’une demande d’accès à l’information.
D’autres courriels qui ont survécu, selon un article du Guardian de l’année dernière, ont montré que le ministère « a conseillé aux Suédois en 2010 ou 2011 de ne pas se rendre à Londres pour interviewer Assange. Une interview à ce moment-là aurait pu éviter l’impasse à l’ambassade. »
Assange est toujours enfermé dans l’ambassade, à grand risque pour sa santé physique et mentale, même si la Suède a officiellement abandonné l’année dernière une enquête qui, en réalité, n’avait plus été suivie depuis plus de quatre ans.
A présent, les autorités britanniques (lire US) ont un nouveau prétexte, encore moins crédible pour continuer à détenir Assange : il aurait "violé le termes de sa libération sous caution". Apparemment, le prix qu’il devrait payer pour cette infraction relativement mineure est plus de cinq ans d’emprisonnement.
Les magistrats de Londres doivent examiner mardi les arguments des avocats d’Assange selon lesquels il devrait être libéré et qu’après tant d’années, la poursuite de l’exécution du mandat d’arrêt est disproportionnée. Compte tenu de la confusion entre considérations juridiques et politiques dans cette affaire, ne soyez pas trop optimistes qu’Assange aura finalement une audition équitable.
Rappelons également que, selon le Ministère des Affaires Etrangères du Royaume-Uni, l’Equateur lui a récemment notifié que M. Assange avait reçu le statut diplomatique suite à sa demande de citoyenneté équatorienne.
Commel’a expliqué l’ancien ambassadeur britannique Craig Murray, le Royaume-Uni n’a pas d’autre choix que d’accepter l’immunité diplomatique d’Assange. Le mieux qu’il puisse faire, c’est d’insister pour qu’il quitte le pays - ce que Assange et l’Équateur, sans doute, désirent tous les deux. Et pourtant, le Royaume-Uni continue d’ignorer son obligation de permettre à Assange de partir. Jusqu’ à présent, il n’y a eu aucun débat dans les grands médias britanniques sur cette violation fondamentale de ses droits.
On peut se demander à quel moment la plupart des gens se rendront compte qu’il s’agit d’une affaire de persécution politique sous couvert d’une opération de police.
Jonathan Cook
Traduction "combien de temps les fake journalistes tiendront-ils avec leurs fake news autour de cette affaire ?" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.